Comment je suis devenu beau

petisaintleu

Ce matin, devant la glace de ma salle de bains, je n'avais pas de lunettes. Bigleux et en louchant, je bombai le torse, entraînant une quinte de toux. C'est promis, demain, j'arrête. Je n'entamerai ma première cigarette qu'après le petit déjeuner. Quoi qu'il en soit, je me satisfaisais de ce flou artistique. Il me revient en tête les posters de David Hamilton dans la chambre de ma sœur et de ces jeunes filles en fleur que je me hâtais de rejoindre sous mes draps.

À cette époque, je me trouvais moche. J'étais dans la moyenne, pas plus boutonneux, juste un peu maigre, le corps affuté par des heures de pratique cycliste. C'est ce qui faisait la différence. Je n'avais pas de mobylette, la 103 SP, fidèle destrier pour partir chevaucher de jeunes amazones peu fougueuses.

Je compensais. J'étais au top, non pas des petits clous, celui de Marc Toesca, mais de la mode underground des 80's, la coldwave. J'arrivais alors, de temps à autre, à emmener une conquête dans une salle obscure. Bien souvent, elle restait hypnotisée par l'écran. Je ne faisais pas le poids face à Tom Cruise dans Top gun ou à Mickey Rourke dans 9 semaines ½. Avec ce dernier, j'aurai ma revanche quand il se métamorphosa en freak de la chirurgie esthétique. Je n'avais donc que le temps des pubs et le générique pour tenter de faire le joli cœur et de jouer au contorsionniste pour dégrafer le soutien-gorge.

Finalement, je me repliai sur les films d'horreur. Les héros affichaient tous des tronches de déterrés, poursuivant à coup de tronçonneuse des jeunes étudiantes américaines avec des shorts qui leur arrivaient au ras des fesses. Ma couette se remplissait de nouvelles fiancées, faisant le désespoir de ma mère qui discrètement la changeait trois fois par semaine.

Dans la réalité, j'ai encore galéré durant des lustres. J'étais toujours le mec planqué derrière le dragueur invétéré qui avait compris depuis belle lurette que les nanas ont aussi une libido et qu'elles savent, elles aussi, être pragmatiques. Heureusement, il y a quinze ans, internet a débarqué. Caché derrière l'écran, j'ai pu envoyer la purée et me refaire une beauté, celle de l'intérieur. Très vite, je compris qu'il n'était pas nécessaire d'être Pierce Brosnan. Remarquez, l'inverse était également vrai. J'ai plus souvent rencontré des Suzan Boyle que des Sophie Marceau.

En chattant, j'ai compris un truc. La beauté physique, c'est un truc. Se persuader de l'être, c'est autre chose. J'ai connu des avions de chasse pétris de complexes. Croyez-moi que je me suis bien caché de chanter leurs louanges, fier comme Artaban de les exhiber tel un montreur d'ours sur un champ de foire. J'ai donc basculé de l'autre côté du miroir. Je m'assume complétement.

Première étape, je me la joue faussement modeste avec option sous-entendus. Oui, j'appelle ça l'effet Göring. Quand ces dames entendent le mot culture, elles sont prêtes à dégainer mon revolver. Je peux alors leur sortir toute ma propagande et leur faire prendre ma vessie avec une lanterne quand je leur parle du gouffre de Padirac. Oui, tous les chemins mènent au piton de la Fournaise pour ce petit jeu en réunion.

Deuxièmement, le double effet « Qu'est-ce que c'est cool ». Je fais monter la pression au point de pouvoir ressentir des tremblements systémiques, tels les produits phytosanitaires véhiculés par la sève dans tous les organes des belles plantes. Pour cela, j'utilise les grands classiques de la littérature libertine. Je fis rire une prude anglaise en lui citant Diderot et Le chevalier qui fist parler les cons, clin d'œil lexico-érotique pour sceller l'entente cordiale. Elle était modeste et, équipée d'une mâchoire toute britannique, je vous assure que ses dents ne rayèrent pas le parquet. À une joaillière, je restai cantonné au philosophe par l'entremise des Bijoux indiscrets.

J'en ai donc terminé avec mes fausses pudeurs. Désormais, je me trouve très en beauté de pouvoir faire partager les plaisirs de la vie.

  • Je vends une 103 sp si ça t'intéresse, la segmentation a été refaites, elle est nickel!

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    arthur-roubignolle

    • Je suis plutôt passé Maserati depuis.

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      petisaintleu

  • Sapristi ! Cela se rapproche du parcours d’Alice Sapritch qui, avant que Jex Four ne l’installe sur toutes les (micro) ondes, tenait ce langage : ‘’Avant j’étais moche !’’

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    erge

    • oui, chéri chéri.

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      petisaintleu

    • MacGillis ou Alice, il faut choisir :)

      · Il y a plus de 9 ans ·
      479860267

      erge

  • Mais, dis donc, c'est totalement autobiographique ! MDR ! C'est un peu comme lire les Confessions et le Discours de la Méthode, mais signés Petisaintleu !

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Couv2

    veroniquethery

    • Heu, je préfère saint Augustin.

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      petisaintleu

    • J'ai mis 5/5 et coup de cœur ! Et, arrête ! T'as rien d'un saint ! LOL

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Couv2

      veroniquethery

    • saint Augustin ne l'était pas non plus du tout au début !

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      petisaintleu

  • oh il est super celui-là j'aime bôcou

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    Christophe Paris

    • ouf, ta langue n'a pas fourché sur le dernier mot. L'honneur est sauf.

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      petisaintleu

    • moi pas Johnny hallyday :)

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      Christophe Paris

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