Comment la peinture résonne à mes oreilles.

La peinture est musique de l'œil.

Le maître créant et menant sa symphonie du bout de son pinceau, cinglant l'air comme le chef d'orchestre fend le décor de sa baguette. Et sur sa palette, les pigments sont au diapason, prêts à se mêler les uns aux autres pour ne faire qu'une même mélodie visuelle, vibrante et transcendante.

La peinture, comme la musique, éveillent en moi des connaissances du cœur et de l'âme. Ai je besoin d'avoir étudié l'art pour admirer la technique d'un van gogh ? Ai je besoin d'avoir connu l'enfer pour être émerveillée et troublée par les scènes infernales d'un Hieronymus Bosch ? Ai je besoin d'avoir vécu l'aube de l'humanité pour rester abasourdie devant les peintures rupestres de la grotte Chauvet ?

Laisser une trace. Un témoignage. Une empreinte de soi qui nous survivra. Enfanter une oeuvre comme on donne vie à un enfant : avec douleur et amour, après un temps de conception, y mettre le plus fort de ce que l'on est en espérant non pas donner un prolongement de soi, mais une oeuvre, un être totalement nouveau qui fera ses propres œuvres à son tour.

Lorsqu'un artiste expose sa toile, qu'un musicien présente son morceau ou qu'un parent lâche la main de son enfant, alors l'œuvre d'une vie n'est plus la sienne. Elle vit par elle même, par ce qu'elle insuffle à ceux qui regardent, qui écoutent, qui rencontrent. Elle se construira par son histoire, par ce qu'elle aura vécu au fil des années ou des siècles.

Créer, c'est offrir une part de soi au monde. Et accepter que cette part, même si elle provient de nous, n'est plus nous. Mais il demeure ce lien indéfectible entre le créateur et la créature.

Parfois même l'œuvre se fait Brutus et poignarde son créateur ; combien sont-ils, ces chanteurs qui ne peuvent plus voir leurs propres tubes en peinture ? Ces peintres devenus fous de ne pas réussir à transposer sur la toile l'essence de leurs visions ? Ne parlons même pas des parents pour qui le rôle le plus facile qu'un enfant puisse adopter est celui de la déception...

J'admire les artistes pour cela. Car au delà de l'ego de présenter un travail, ils offrent une part d'eux au monde, ayant à l'esprit que ce qu'ils ont voulu montrer ne sera peut-être pas ce que nous y verrons.

Et s'il m'est plus facile d'imaginer des images à partir des mots, je serai bien incapable de faire naitre une image des mots qui tournoient dans mon être...