[Concours SHOTS] De la truffe
Léo Noël
Bonjour à tous, je profite du concours SHOTS pour me donner l'occasion de continuer un texte que j'ai déjà publié (la cousine est morte, maman le savait).
Synopsys
De la truffe
Chaque membre de la famille de Gaétan s’est vu attribuer le rôle de nettoyer une race animale de ses éléments les plus nocifs. Ce sont les nettoyeurs qui assurent la bonne survie des espèces en se débarrassant des congénères dangereux. Gaétan est un nettoyeur de la race des humains. Le plus efficace qu’il soit. Sous la couverture d’un critique gastronomique respecté, Gaétan piste les gaspilleurs, les paresseux, les « trop embourgeoisés », pour leur faire mordre la poussière. Tous les inutiles, et les dangereux, doivent disparaitre. C’est lors d’une opération banale, juste au moment de perpétrer son crime, que Gaétan est repéré. Une femme l’a vu, et va devenir l’obsession de Gaétan. Abandonnant Madame Peynard, qui aurait dû quitter la Terre ce soir, Gaétan va chercher à savoir qui est la femme qui l’a interrompu. Gabrielle est détective, son témoignage pourrait causer de nombreux torts à Gaétan, qui ne peut se permettre de perdre du temps en prison, cela pourrait être fatal à la race humaine, encombrée de ses mauvais éléments. Gaétan n’a plus le choix, il doit tuer cette femme avant qu’elle ne se décide à le dénoncer. Pourtant, plus Gaétan s’approche de sa victime, plus il en apprend sur elle, et plus il succombe à un sentiment encore inconnu pour lui : l’amour. Gaétan est de plus en plus obnubilé, il en délaisse même sa besogne habituelle.
Gaétan décide que ça ne peut plus durer, il va se forcer à en finir. Il se prépare pour aller enlever la vie de cette femme avant qu’elle ne fasse plus de dégâts. C’est en se rendant au domicile de Gabrielle, que Gaétan croise Madame Peynard qui rentre chez elle. C’est l’occasion pour Gaétan de remettre le pied à l’étrier plus facilement qu’en tuant celle qu’il aime. Gaétan est alors piégé. Gabrielle lui avait tendu ce piège depuis longtemps et n’attendait que ça. Gaétan est pris sur le vif, et ne parvient pas à résister à Gabrielle, lorsqu’elle l’arrête.
Branle-bas de combat chez les nettoyeurs. Il faut sortir Gaétan de là. Gaétan, est libéré avant son procès, grâce à l’intervention de Minouche et d’autres membres de sa famille.
La réunion de famille va décider de la survie de Gaétan. Est-il encore apte à assurer sa tâche ? Le verdict est sans appel. Gaétan doit mourir. Cherchant à échapper à son destin, Gaétan fuit vers la ville, et pars se réfugier chez Gabrielle. Lorsque celle-ci rentre, Gaétan dévoile ses sentiments à Gabrielle, et lui explique sa situation. Evidemment, Gaétan passe pour un fou, et Gabrielle, gardant son sang-froid, l’abat froidement d’une balle dans la tête.
Gaétan renait quelques instants plus tard, auprès de sa famille. Il se souvient de rien de sa vie d’avant, et reçoit ses ordres de mission. Gaétan repart accomplir une nouvelle série de meurtre. Pourtant, en revenant sur ses plates-bandes habituelles, Gaétan sent quelque chose qui le travaille. Il ne comprend que lorsqu’il croise Gabrielle, par hasard. Plus rien n’a d’importance que ce sentiment qui a réussi à traverser la mort. Gaétan décide qu’il ne vivre désormais plus que pour elle, et que les humains pourront bien se débrouiller tout seul. Depuis ce jour, la terre ne tourne plus très rond, les inutiles et les encombrants sont devenus bien nombreux et la race humaines court vers son autodestruction. Mais Gaétan s’en fiche…
Texte
De la truffe
Terminus. Je décidai d’enfiler un manteau de bonne humeur, pour affronter la pluie. Le grand bonhomme à la voix rauque qui nous conduisait jusqu’alors s’est levé et a attendu, sans patience, que chacun des passagers soit descendu. Un gamin, visiblement pressé d’atteindre le quai, me bouscula dans le couloir du bus, manquant de déchirer les maigres coutures qui tenaient encore mon vêtement de bonne volonté. Je saluai le chauffeur et lui souhaitai une bonne journée. On me répondit sur un ton sceptique, un ton qu’empruntent ceux qui pensent que la politesse n’est qu’une forme d’hypocrisie. J’avalai ce nouvel affront, plus très sûr de parvenir à me contenir. Mon pied vint troubler une grande flaque qui m’attendait à la sortie du véhicule. Je restai alors planté comme un pilot : je fermai les yeux et me préparai à affronter ce qui allait suivre, concentré sur les bruissements des feuilles, les cris d’oiseaux typiques de ces campagnes, l’odeur du carburant, dans un nuage veulement envoyé à ma figure lors du départ du bus. Un toussement rauque et puis j’ouvris mes yeux. Elle m’attendait déjà. Minouche se tenait devant moi, le corps souplement posé en arrière, dans une attitude majestueuse et vaguement hautaine, à moins que ce ne soit de la pitié.
« J’étais sûr que vous ne me laisseriez pas le temps de faire du tourisme », ai-je blagué ; mais les chats ne rient pas.
Sans le moindre bruit, Minouche me fit un signe de tête pour indiquer la droite. J’acquiesçai en signe de compréhension. Ses grands yeux verts me fixèrent jusqu’à ce que je me décide à bouger, sur quoi elle passa sa patte derrière son oreille et la pluie redoubla de force. Nous nous avancions tous deux, à travers les trombes.
Après quelques minutes de marche silencieuse et à l’aveugle, Minouche poussa un miaulement derrière moi. J’eus juste le temps de la voir changer de direction et disparaître derrière un mur d’eau. Je revins alors sur mes pas et empruntai ce nouveau chemin. Nous étions maintenant sous les arbres et, la pluie ne traversant pas le dôme des branches, nous nous retrouvâmes à l’abri. Un rapide regard alentour me permit de voir que ma famille n’avait pas changé ses habitudes. Chacun attendait à sa place, toujours dans la même position, comme s’ils posaient pour un peintre depuis toutes ces années. Nous étions entourés d’arbres dont les racines semblaient se battre le peu de terre qui restait encore ; les branches sous-terraines s’agglutinaient les unes aux autres pour créer un tapis entrelacés de bras de fer végétaux.
Ernest apparut quelques secondes plus tard. Ou plutôt, nous le sentîmes arriver, car son odeur l’avait amplement précédé. Le doyen vint, claudiquant, jusqu’à nous, et salua Minouche. Il ne m’offrit qu’un coup de son œil torve : un coup à vous glacer le sang. Je décidai cette fois d’éviter toute plaisanterie et, silencieusement, je suivis ma nouvelle escorte. Minouche était grimpée sur le dos d’Ernest, elle léchait une plaque de sang séché qui ne semblait pas affecter la robustesse de mon oncle. Ernest n’était mon oncle que par une histoire d’alliance compliquée, dont j’avais par le passé, demandé narration à ma mère plusieurs fois. C’était tellement complexe et incroyable que j’oubliais l’histoire immanquablement, et que j’avais l’impression qu’on m’en racontait une nouvelle à chaque fois. Ernest s’arrêta un instant pour frotter son groin dans la terre puis rouler sa tignasse forestière dans la terre fraîchement retournée. Cette opération avait sûrement une utilité autre que celle de répandre plus encore son odeur nauséabonde à travers nos narines, mais je ne la connaissais pas. Mon oncle ne m’aimait pas. Plusieurs raisons à cela : toutes celles qui étaient possible, depuis ma coupe de cheveux pour aller jusqu’à la façon dont je tenais ma cuillère à table. Mais ce qui l’irritait par-dessus tout, c’était que je sois de la race des humains. Il s’agissait pour lui de l’espèce la plus avilie qu’on puisse trouver sur la planète. Il les trouvait laids, et accusaient leur utilisation du maquillage. Il les trouvait bêtes, et accusait leur temps passé devant des ordinateurs qui pensaient à leurs places. Il les trouvait dangereux et illogiques, puants et menteurs. En un mot : complexes. En fait, toute ma famille pensait la même chose. Pourtant, certains d’entre eux respectaient le lien de sang qui nous unissait, et donc, acceptaient ma position dans la famille (d’autant plus que je remplissais très bien mon rôle). Nous étions de la lignée des « Trieurs », et notre devoir à tous était d’épurer chaque espèce de ses membres les plus mauvais. Par mauvais, on pouvait entendre plusieurs choses : les individus malades, ceux qui sont fous, ou stériles, ou faibles. Dans le cas des humains, plein d’autres possibilités : puissants, riches, intellectuels, inutiles, artistes etc… J’étais très efficace. J’avais le rôle le plus difficile, car les systèmes humains prévoyaient tout un tas de mesures anti-nettoyage. Un système basé sur des lois et de répression de la violence rendaient difficiles les affrontements, les blessures volontaires et, à fortiori, l’élimination d’un autre. J’avais pris mon temps, au départ, pour comprendre les tenants et aboutissants des méthodes de meurtres et d’éliminations des corps, puis j’avais eu une carrière fulgurante, à raison de 8 personnes « triées » par journée.
Aujourd’hui, si la famille se réunissait, c’est parce que j’avais été finalement repéré. Une inspectrice, sur laquelle nous n’avions aucune information, m’avait pris la main sur le hachoir et j’allais certainement passer tout le reste de ma vie dans un enfer inimaginable.
Minouche miaula à notre arrivée. Véronique attendait près de l’entrée de la grotte qui nous servirait de lieu de réception. A mon arrivée, elle déploya ses ailes et vint se percher sur mon épaule, d’où elle me pinça les oreilles avec son bec.
« Arrête maman, tu me fais mal ! »
Comme elle continuait de me triturer l’oreille, je lui décochai un jolie gifle qui la repoussa à son ciel natal. A peine mes doigts avaient-ils touché l’hirondelle, qu’une force phénoménale me renversa en arrière en poussant sur ma poitrine grâce à de puissantes pattes antérieures.
Nous étions au complet : mon père grognait à mon visage en montrant les crocs. Il me fallut m’excuser de suite pour éviter de finir dévoré sans semonce d’avertissement supplémentaire.
Le repas se passa sans un mot. De temps en temps, un regard de l’un ou de l’autre me signifiait que je n’étais pas rentré simplement pour vider le frigo, aux frais de la princesse. Je ne le savais que trop bien.
Ce fut mon père qui le premier fracassa le silence comme s’il l’éclatait contre une pierre.
» Nous avons décidé que tu ne serais plus mon fils. »
Un frisson parcourra mon échine. Ma mère enchaîna.
« Ce n’est pas ce que nous avons dit, mais nous ne pouvons rien faire pour toi. »
Elle s’arrêta un instant avant de donner de plus amples explications.
« Si tu n’es pas capable de remplir ton rôle, nous devrions te nettoyer, et comme nous voulons éviter de le faire, nous dirons que nous t’avons banni et que nous ne savons pas où tu es. »
-Je suppose que je dois vous remercier, répondis-je.
-Bien sûr, oncle Ernest ne laissa pas d’autres alternatives, et tu ne nous causerais pas d’ennuis si tu avais choisi autre chose que de devenir humain. »
J’avais décidé, avant même mon arrivée, que je ne me laisserai pas faire.
« Mais ne m’as-t-on pas dit que les humains étaient beaucoup trop nombreux, justement parce que personne ne voulais s’en occuper ?
-Ils ne me font pas peur, quel que soit leur nombre, coupa Ernest.
-Bien sûr que non. Tu ne peux pas avoir peur.
-Exactement. »
Il y avait une satisfaction certaine dans la pose de mon oncle. Je décidais d’y mettre une atteinte douloureuse. Ou du moins, de m’y essayer.
« Pas plus que tu ne peux pleurer.
-Pff. Encore heureux.
-Et pas plus que tu ne peux rire.
-… Non. Mais ça ne me fait rien.
-Ni partager.
-C’est pour les faibles.
-Ni aimer…
-Ça suffit ! mon père entra dans la discussion.
-Oui, ton père a raison. D’autant plus qu’on ne sait pas tellement de quoi tu parles, ajouta ma mère.
-Les humains se sont toujours crus supérieurs, siffla Minouche.
-Eh bien moi je pense qu’ils le sont, au moins d’une certaine manière, affirmai-je. »
Mon père frappa le sol de ses pattes avant et aboya de colère. Je me levais à mon tour et le dominais de taille. Je continuai :
« Vous n’êtes même pas conscient de votre existence, et encore moins de votre mort !
-La mort c’est quand on devient de la nourriture pour les plus forts, s’expliqua ma mère comme à elle-même.
-Non. La mort c’est la fin de votre vie, c’est quand il n’y a plus rien. Plus jamais. »
Un grand silence s’imposa à la table. Au bout d’une seconde, Ernest osa timidement :
« Qu’est-ce que tu veux dire ?
-Je veux dire, que rire ou pleurer, ce n’est pas utile…mais ne n’est pas moins inutile que de se nourrir. Je veux dire que les humains savent qu’ils vont mourir, que leur vie est une tragédie qu’il n’ont pas choisi, et que c’est sûrement pour ça qu’il ont inventé le rire, puis j’ajoutai : ou l’amour.
-Et toi tu sais ce que c’est que le rire… ou l’amour? me demanda ma mère. »
Je repensai à cette femme, qui m’avait percé à jour, qui m’avait vu découper le corps de ma victime. Elle était alors venue jusqu’à moi, en marchant très calmement, comme si elle savait que je ne pourrais pas m’enfuir. Je l’avais regardé comme jamais je n’avais regardé auparavant, et j’étais resté pétrifié. Son arme était restée rangée à l’intérieur de son holster, et je crois maintenant que je n’aurais eu qu’à lancer mon bras pour l’assommer, et faire disparaître l’obstacle qu’elle représentait. Et je n’avais pas pu. Arrivée à mon niveau elle m’avait regardé avec un demi-sourire, avait posé une main sur mon épaule et m’avait intimé : « Allez. C’est fini maintenant ».
Des larmes avaient coulé sur mes joues pour la première fois, puis elle m’avait passé les menottes. Un coup de feu vers le ciel, et quatre agents déboulaient, m’arrachant à son emprise.
Je répondis à ma mère :
« Oui. »
Oui, c'est un texte que j'avais déjà posté, mais j'ai du le remanier un peu pour le concours SHOTS ! Je vous le renvoie parce que le concours marche par vote des lecteurs (et j'ai vu qu'aucun participant n'avait reçu de vote pour l'instant)
· Il y a plus de 12 ans ·Léo Noël