Corrida
myos
D'habitude je viens à 23h00 pile poil. Sans spectateur, bien tranquille en solo. Je me fais ma corrida avec la faune de passage. Tout ce qui montre le bout de son nez c'est pour mézigue. Besoin de personne pour lâcher les fauves. Je les vois arriver de loin, les éclairs de colère dans les yeux.
Plus ils s'approchent, plus ça fulmine. Plus le regard se fait furibard.
Moi, mes yeux ne sont que deux fentes. Froncées. Éblouies par le bouillon de hargne qui déboule en face, mais impassibles. Flegmatiques.
Ils arrivent plus ou moins vite. Ça dépend des races. Moi, je bouge juste quand il faut pour les surprendre. J'arrive furtivement, chaque mouvement calculé à la seconde près. Je me colle sous le seul éclairage du coin. Je me plante-là. J'attends. Raide comme la justice. Les bras croisés. Pas besoin de cape rouge pour jouer les toréadors avec mes taureaux à moi. De toute façon ils sont obligés de venir à moi. Ils n'ont pas d'autre issue. Ils n'ont pas le choix. Leur trajectoire est toute tracée. C'est leur destin. Et je reste là jusqu'à ne plus supporter les flèches rageuses qu'ils me plantent dans les fentes. Ils s'approchent. Leurs deux billes se font de plus en plus rondes. Mes yeux ne sont plus qu'un trait. C'est à ce moment-là que je disparais de leur champ de vision. Plus rapide que l'éclair. Eux ils passent en mugissant. Furieux d'avoir raté leur cible. Leur cri est plus ou moins rauque. Plus ou moins puissant. Ça dépend des races.
Ce jour-là j'ai eu envie de changer d'heure. J'ai hésité : venir à minuit ou 0H00 ? Contrairement aux apparences, ces deux heures sont aux antipodes l'une de l'autre. Minuit marque la fin. 0H00 marque le début. J'ai donc choisi 0H00. Plus en rapport avec mon désir de changer de vie. Autant commencer sous les meilleurs auspices possibles. Autant mettre d'emblée au rebut une vie rebutante et arriver à la première heure pour une vie de bonheur.
J'arrive vingt trois heures plus tôt. J'attends d'apercevoir au loin la faible lueur, de percevoir le bourdonnement avant-coureur. Je me poste dans l'obscurité à l'abri des regards. En plein dans la trajectoire. Les bras croisés, les jambes solidement campées, pas la moindre appréhension. La lueur mute instantanément en halo fulgurant et
Une dame assoupie se réveille en sursaut. Elle se tourne vers son mari.
- Il s'est passé quelque chose ?
- Une petite secousse, c'est rien. C'est normal, c'est la gare aux betteraves.
"La gare aux betteraves" , avec un train qui part à 00h00...atmosphère, atmosphère !
· Il y a presque 12 ans ·Michele Hardenne
Atmosphère de furie palpable ! j'ai adhéré à ce danger sous-jacent presque palpable et pour ne pas paraître crétine vue la fin, ai demandé à mon pote gogole !!! Merki Myos et merki gogole, je savais pas(pourtant j’ai un de mes petits SNCF---bin voui, il en faut---)que la gare TGV Haute Picardie s’appelait comme ça ...
· Il y a environ 12 ans ·lyselotte
Merci Joëlle :) Je pense que Janteloven a raison, difficilement compréhensible si on ne connaît pas la gare aux betteraves...
· Il y a environ 12 ans ·myos
Non, F-L, tu n'es pas débile, je me doutais qu'il y aurait ce genre de réaction tout à fait compréhensible (contrairement à ma chute :))
· Il y a environ 12 ans ·Janteloven, merci, une fois de plus !
myos
...il n'y a plus de betteraves autour de cette gare...!?
· Il y a environ 12 ans ·La chute peut déboussoler si on ne connait pas, mais quelle corrida pleine de nerfs et de brio. J'ai plongé!
Et oui, définitivement, les débuts sont plus recommandables que les fins!
janteloven-stephane-joye
désolée mais je ne comprends vraiment pas cette fin, je dois être débile
· Il y a environ 12 ans ·faust-lilith