cosm' éthique

agneaubleu

 

 

 

J'ai une tâche, là en plein milieu de la figure ! Juste à côté de mon nez mutin, amélioré au temps des doutes.

 

Et s’il n'y avait pas que cette tâche qui trahissait mon âge, mes excès, mes faiblesses ?

 

Pourtant j'ai tout fait comme elles disaient, les Sharon Stone, les Jane Fonda et consœurs !....

 

J'ai acheté, testé, étalé avec constance des kilos de crèmes toutes plus prometteuses les unes que les autres. J'ai remué mon petit derrière sur du disco, de la techno et Zumba en tous genres.

 

J'ai bien mis l'écran total, avalé des pilules avant bronzage, consommé des carottes et des antioxydants.

 

J'ai tapoté ma figure chaque matin, potassé l'ayurvédique, pratiqué le yoga du visage, apposé des glaçons les lendemains de fête.

 

J'ai évité l'alcool, les cigarettes, les trop gras, les trop sucrés. J'ai tout misé sur le bio, couru la campagne en quête d'excellence.

 

Mon seul dessein : rester jeune, belle, lumineuse et exemplaire. Sentir le regard d’admiration sur ma croupe légère, baisser les yeux devant les compliments, annoncer mon âge avec délectation.

 

Ces charlatans, vendeurs de crèmes, m'ont volé mes rêves. Non pire, ils m’ont imposé un rêve, celui de l'éternelle jeunesse, du corps inaltérable, du visage lisse d'une nymphette de 13 ans.

 

Je hais ces images retouchées des corps imparfaits, le gommage des rides, persona non grata.

 

J'abhorre les slogans habiles qui m'ont fait perdre un temps précieux. J’exècre le parfum des cosmétiques, capiteux, sournois, générateurs d'espoirs insensés.

 

Je maudis les cougars au jeunisme ostentatoire, leur dégoût des bienfaits de l'âge, leur quête machiste et les blagues salaces égrenées dès qu'elles tournent le dos.

 

J'abomine ces stars vieillissantes qui m'ont fait croire que je pourrais ressembler à leur beauté retravaillée.

 

Je veux m'abandonner à ma cinquantaine, être fière de mes pattes d'oies, palper mes hanches rebondies avec bonheur, chérir les tâches sur mes mains comme un signe du destin, une carte de ma vie et non comme la représentation de la lente agonie d'une beauté qui n'a jamais été la mienne.

Paulette

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