Couacs à Pôle Chômage (3)
chloe-n
Voilà quelques mois que j'ai remis le pied à l'étrier. Les CDD s'enchaînent à un rythme régulier. En fait, je suis dans la même entreprise tous les mois, avec des missions qui varient de quelques jours à quelques semaines. Il m'arrive aussi de répondre présente même pour une demi-journée, malgré les deux heures de trajet aller-retour. Mais bon, ça m'évite de me gaver de chocolat à la lecture des réponses automatisées, des retours (négatifs) bourrés de fautes, ou ceux (beaucoup plus rares) où l'on me répond que mon profil et mon expérience ont retenu toute l'attention mais que le poste est, malheureusement déjà pourvu. Bizarrement, la même annonce pour le même recruteur paraît quelques heures plus tard sur d'autres sites. Mais la grande majorité du temps, on ne se donne même pas la peine de répondre du tout. Quelle idée d'avoir un minimum de respect pour une personne qui montre de l'intérêt pour une entreprise, qui plus est, correspond au profil demandé ? Quel mépris !
Demain, j'ai un rendez-vous téléphonique avec ma conseillère. Ça tombe bien, je suis en période de carence. Elle va encore tenter de me refourguer un atelier passionnant, du style comment faire un CV, comment le mettre en ligne sur le site de Pôle Chômage ou encore de m'envoyer à Pétaouchnock pour assister à une réunion d'information dont elle-même ne connaîtra pas la teneur.
Pour ce rendez-vous, je suis sereine. Étant en période de carence, ça signifie qu'un prochain remplacement est déjà dans les tuyaux.
Et ce matin, j'ai reçu un courrier d'une autre agence de qui “m'invite” à une réunion d'information. Pourtant rien n'est mentionné dans mon Espace Personnel. Je demanderai des précisions demain à ma conseillère.
Le lendemain, le rendez-vous débute par la question incontournable :
— Vous en êtes où dans vos recherches ?
— J'ai répondu à des annonces mais comme d'habitude, pas de réponse, pareil pour les offres via votre site. Au fait, quand les recruteurs passent par votre site, ils n'ont pas obligation de répondre ? Ce serait la moindre des choses quand même ! Vous ne leur dites pas ?
— Si, mais comme ce sont eux les demandeurs, on ne peut pas leur imposer, sinon ils vont voir ailleurs. D'autant que des sites gratuits pour déposer les offres, y'en a plein.
— Et vos remplacements ?
— J'y retourne dans 10 jours. Pour 3 semaines.
— Ah… C'est bien. Bon…
— J'ai reçu un courrier d'une autre agence pour une réunion d'information. C'est normal qu'une autre agence me convoque ?
— Non. C'est la première fois que j'en entends parler. Vous avez la convocation sous les yeux ?
Je lui lis le contenu pendant qu'elle regarde mon compte où rien n'est mentionné.
— Vous savez de quoi il s'agit ?
— Non. Chépas ce que c'est. C'est p't'être pour vous proposer un bilan de compétences... Vous n'avez qu'à y aller, vous verrez bien.
— …
— Rien n'est indiqué sur votre compte, si vous n'en avez pas envie, n'y allez pas. À vous de voir.
Ça c'est de la réponse…
— Oui mais il est indiqué que si on ne se présente pas, on est radié.
— Ben allez-y alors, vous verrez bien. C'est qu'une réunion d'information. Y'a aucune obligation d'accepter ce qu'ils vont vous dire. Allez-y et vous me direz après.
Deux jours plus tard, après avoir galéré pour trouver mon chemin et marcher une bonne quinzaine de minutes le long d'une… Départementale sur un pseudo chemin de terre, me voilà arrivée à bon port, dans une zone d'activité, en nage et passablement énervée, dans un hall bondé.
Avec avoir attendu les derniers retardataires, on s'installe dans une grande salle, la réunion peut enfin débuter, après nous avoir fait signer une fiche de présence.
Une responsable de l'agence est là accompagnée de deux consultantes extérieures à Pôle Emploi. Très sûres d'elles, voire hautaines. Sur un écran, le nom d'un centre de formation. Tout d'abord, on nous remercie d'avoir bien voulu répondre présent à cette “invitation”. Avait-on le choix ?
Les deux femmes qui travaillent pour le même centre nous expliquent chacune à leur tour, allant même jusqu'à finir la phrase de l'autre, que nous allons tous intégrer leur centre pour faire un bilan de compétences. Quelques-uns se regardent, intrigués. Visiblement, ils ne savent pas de quoi il est question. D'autres semblent agacés de devoir repasser par la case “bilan de compétences”. Certains souhaitent partir n'étant pas concernés ou intéressés par cette formation. Le premier choc ne tarde pas à arriver. Nous n'avons pas le choix. Ce n'est pas une proposition que l'on nous fait là mais une obligation. Un engagement d'une année.
Voilà une technique qu'elle est bonne pour faire baisser le taux des demandeurs d'emploi. Eh oui, lorsque vous faites votre déclaration à la fin du mois, vous cliquez sur “En Formation” et non pas “A la recherche d'un emploi”. Votre cher numéro qui vous sert d'identification sort de la longue liste des demandeurs d'emploi. Eh hop, ni vu ni connu. Le nombre de chômeurs diminue, les demandeurs d'emploi sont toujours là mais planqués dans une autre catégorie dont on ne parle pas lorsque les chiffres du chômage tombe.
Un homme d'une trentaine d'années, dans le même secteur d'activité que moi demande :
— Quels sont les raisons valables pour ne pas en faire partie ?
— Les gens proches de la retraite, ce qui n'est pas le cas ici ; les femmes enceintes, apparemment ce n'est pas le cas non plus (ah bon ? Je ne savais pas qu'à un ou deux mois, on avait déjà un ventre proéminent…), et les personnes en CDD longue durée. Bingo !
— Je suis free-lance et j'enchaîne les CDD.
— Très bien. Vous avez un justificatif ?
— Non. Mais je peux vous en fournir un.
— Très bien. Bon, eh bien vous pouvez partir Monsieur.
Je lève le doigt et indique que je suis dans le même cas que le Monsieur. Et qu'avant de retrouver le chemin du travail avec mes CDD, j'avais eu droit à une cellule de reclassement financé par mon entreprise suite à un plan social.
— Vous avez votre contrat avec vous ?
— Non. Sur le courrier que vous nous avez envoyé, il est juste indiqué que nous étions “invités” à une réunion d'information.
— Dans ce cas-là, pourquoi êtes-vous là alors ?
— Comme tout le monde ici. Si on ne venait pas, on était radié. Et pour votre information, je suis en période de carence, ce qui veut dire que j'ai eu du boulot après.
Je sens que je l'agace. Elle m'adresse un sourire, non plutôt un rictus sec et forcé. Je regarde autour de moi. Beaucoup acquiescent en hochant la tête. Personne n'ose parler. La femme à côté de moi s'impatiente. Elle doit faire ses courses et récupérer sa fille chez la nounou qu'elle a dû prendre pour être à la réunion. De l'autre côté, une autre me dit tout bas, qu'elle va rater son train et que le prochain est dans une heure. J'en ai que faire. Un homme en face de moi me sourit, visiblement amusé par cet échange musclé. Il ne va pas être déçu.
— Et où avez-vous effectué votre bilan de compétence ?
— Chez Altédia.
— Ah oui, je les connais bien. Mais nous, on a un taux de réussite supérieur à la sortie de nos formations.
Je hoche la tête. Et dit plus bas mais suffisamment fort pour qu'elles m'entendent :
— Ah oui, et elles vont éradiquer le chômage en France à elles toutes seules ?! Hum…
Cette fois, c'est sa collègue qui prend la parole :
— Ce que voulait dire ma collègue, c'est que votre entreprise a choisi et payé une société extérieure. Nous, nous travaillons pour Pôle Emploi.
— Vous jouez avec les mots. Vous venez de le dire vous-même, vous travaillez POUR Pôle Emploi. Pôle Emploi a choisi et paye votre entreprise. C'est exactement la même chose pour au final, le même résultat !
C'est fou le nombre de personnes qui croit que parce que vous avez perdu votre boulot, vous y avez également laissé votre cerveau.
— …
Grand silence.
— Bon, on peut continuer ?
— Oui oui allez-y. Je croyais juste que le rôle de Pôle Emploi était de favoriser la reprise du travail… C'est du grand n'importe quoi !
— Mademoiselle, vous viendrez me voir à la fin de la réunion !
— C'est ça !
Cette fois, c'est la responsable de l'agence qui prend la parole :
— Pôle Emploi met tout en œuvre pour que les demandeurs d'emploi retrouvent le chemin du travail.
— Qu'est-ce que ça va m'apprendre de plus, à part que j'aurais perdu un an de ma vie au lieu d'accepter des missions que l'on me propose régulièrement ? Honnêtement, vous croyez que je vais être crédible auprès des employeurs avec deux bilans de compétences en moins de trois ans ?
De nouveau, un grand silence.
La réunion reprend tant bien que mal. Certains sont dépités de constater que le contrôle de leur vie ne leur appartient plus. Ils doivent suivre, la fermer et subir. Viennent ensuite les prises de rendez-vous. Pour le choix des sites, il n'y en a que 2 : Mantes-la-Jolie et Saint-Quentin-en-Yvelines. Rien d'autres pour la région parisienne. Et rien pour Paris. Vu mon lieu de résidence, on m'inscrit sur celui de Saint-Quentin. Je choisis la date la plus éloignée qui nous est proposée.
Enfin, l'heure de la libération est arrivée. C'est reparti pour une petite “balade bucolique” le long de la Départementale et l'attente interminable dans une gare quasi déserte.
En rentrant, j'envoie un mail à ma conseillère pour lui faire part de la teneur de cette réunion. Le lendemain, elle m'appelle. Toujours aucune trace de cette réunion dans mon dossier. Un peu perdue, elle me suggère d'envoyer un compte-rendu du rendez-vous ainsi que mes arguments pour ne pas y participer par le biais d'un mail à sa supérieure, la directrice adjointe de l'agence. Ce que je fais sans tarder en la mettant en copie. J'adresse également un courrier à l'agence qui proposait cette réunion, qui restera sans réponse. Débute une attente qui prendra fin au bout de presque un mois. Malgré mes nombreuses relances, personne ne se donne la peine de me répondre.
Au 8ème mail, ma conseillère sort enfin de son silence. Ma demande pour ne pas être obligée de faire cette formation d'un an pour pouvoir travailler a été accepté. Le lendemain, c'est la directrice adjointe elle-même (quel honneur !!) qui m'adresse un mail m'indiquant que mon dossier est à jour (?) et termine par “Nos services restent à votre disposition de même que votre conseillère référente.”
Mouais… il a quand même fallu que je pourrisse leurs boîtes mail pour pouvoir continuer à bosser…
· Il y a plus de 9 ans ·Et combien coûte le fait d'employer des sociétés extérieures pour "occuper le terrain" ? Je me souviens d'un temps (suis pas centenaire mais bon) où l'Agence pour l'Emploi envoyait ses propres agents prospecter dans les entreprises, comme le font les agences intérim. Par ce biais les agents apprenaient à connaître l'environnement économique, les entreprises, les employeurs... ça n'était pas le Pérou, mais je me suis retrouvée un jour en sortant d'un entretien avec 4 offres d'emploi valables dans mon secteur, pour des périodes correctes dont un remplacement pour un congés de mat que j'ai décroché pour finir en cdi... Plutôt que de continuer avec un vrai travail de fond et de proximité, la bonne piste selon les vrais connaisseurs, il a été choisi de regrouper Assedic et Agence pour l'emploi pour faire... des économies... Choix particulièrement mauvais qui donne les résultats dont vous vous faîtes l'écho. Pour économiser un peu d'un côté, les vannes ont été grandes ouvertes de l'autre... Les décideurs ont le nez fin !
breinmilliner
L'incompétence me donne des aigreurs d'estomac, et je ne dois pas être la seule. Alors non seulement ils se foutent de nous alors que nos impôts payent leur salaire, mais en plus ils contribuent à creuser le trou de la sécu ! Quel beau métier...
· Il y a plus de 9 ans ·carouille
Je vais bientôt aborder le sujet des impôts... Couacs (4) ??
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n
Couacsssss !!! :)) Je ne suis pas sûre que un numéro soit suffisant, surtout si vous abordez les dysfonctionnements quant à leur gâchis (pardon, je voulais dire utilisation) :)
· Il y a plus de 9 ans ·carouille
Il faut toujours se méfier des statistiques...
· Il y a plus de 9 ans ·Olivier Bay
Pffff pas de mots....par contre toujours un grand plaisir de te lire ;-)
· Il y a plus de 9 ans ·ade
Merci
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n
Chloé, si vous proposiez vos services à Pôle emploi comme directrice d'agence, ça ne pourrait être que bénéfique pour la masse de gens compétents qui souhaitent rebosser.
· Il y a plus de 9 ans ·erge
C'est gentil ça mais ce serait mettre un pansement de plus sur une jambe de bois.
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n