Crime au Conseil d'Etat

petisaintleu

variations sur une œuvre de Guillaume Confais : http://www.confais.com/

Il y a belle lurette que les prostituées avaient déserté le Palais Royal. Les mœurs de la IIIe République les avaient obligées à se claquemurer pour faire définitivement place nette aux conseillers d'Etat qui, une fois leur devoir accompli, se hâtaient de les rejoindre dans le très discret et select lupanar de madame Kelly, sis rue Chabanais.

Le ciel de février n'incitait guère à la promenade. Seuls quelques obscurs fonctionnaires se hâtaient de rejoindre leur lointain faubourg, figures anonymes et interchangeables jusqu'à la caricature.

A 16h30, un bruit sourd vint déranger le calme feutré de l'instance. Le lendemain, on put remarquer sur les murs l'apparition tout aussi soudaine qu'inexplicable d'une fissure qui s'était formée dans le mur, à trente centimètres du crâne fracassé du président de la section des finances. Le commissaire diligenté put déchiffrer la lettre M.

A l'instant même où le drame se produisait, un passant qui scrutait le ciel se retrouva foudroyé. Il fut le seul témoin, mais il ne put  rapporter l'étrange apparition. Son état de sidération l'obligea à se faire conduire à Sainte-Anne. Au-dessus du Conseil d'Etat, un ectoplasme survolait le ciel précédant une traînée noirâtre.

Ariane de Montegur, l'épouse de l'honorable membre de cet ordre administratif, ne se formalisa guère de son trépas. Elle ne savait que trop bien que, derrière les ors de la république, se trament des histoires peu à même d'être l'assise de la mythologie institutionnelle. Avec le temps, elle s'était enfermée dans un mutisme convenu et elle avait perdu le fil des frasques de son époux dans le labyrinthe de ses silences.

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