Cuatro piernas y un corazón... brisé

Teresa Abreu

Nous avions déjà dansé ensemble avant, tu m`avais demandé mon origine, j'ai répondu à tes brèves questions tant que nous dansions. Ce soir-là, tu m'as invitée une nouvelle fois, et tu te rappelais que je suis Brésilienne. Nous avons moins parlé que la première fois. Nous n'étions pas curieux l’un de l'autre, puisque nous n’étions là que pour danser. Mais il s’est passé quelque chose. Le tango semblait entrer insidieusement dans mes veines, les cordes ont dominé. C’est vrai que cette présentation là était différente de l'habituelle, puisque il y avait un orchestre. Normalement on danse au son d'un CD de qualité douteuse. L'orchestre m'a transportée. Et nos corps se sont rapprochés, nos pieds ont trouvé le compas et nous avons communié la magie du tango argentin.

Pour moi, surprise totale. Enchantement. Tu ne le sais pas, mais je suis un miroir, mon comportement reflète mon état d'esprit, pour le bien et pour le mal. Tu t’es aperçu de mon envolée et tu t’es aussi laissé prendre. De sorte que tu n'as dansé avec personne d`autre ce soir-là, qu’avec moi. Et quand j'ai annoncé mon départ, tu m’as demandé mon numéro téléphone. Nous avons convenus de nous retrouver pour danser, et il a ainsi été. Le phénomène s'est reproduit. En vérité, tu as trouvé la façon de me guider, et j'ai trouvé la façon de te suivre. Je n'ai pas trouvé étrange, dégoûtant ou envahissant le contact étroit de nos corps, collés des joues aux cuisses. Christian m’a dit que c’était joli de nous voir danser.

Mais alors, comme dans les contes de fées, l'enchantement s’est cassé, mis en éclats dans des morceaux. Dans l'anxiété de répéter la magie, j’ai envoyé un message sur ton portable sur le cours d'electrotango. Peut-être dans l’attente de la même transcendance, tu m’as rappelée pour me dire que tu irais au cours. Nous ne savions d’avance... Là, nous n'étions pas quatre jambes aux battements d’un seul cœur. Nous étions une paire en apprenant une nouvelle figure. Et tu n'as pas compris immédiatement. Quand j’ai demandé à l'assistante du professeur de t’éclairer, ton sang a bouilli. Mon cœur s’est glacé. À partir de là, tu n’étais que critique. Critiquant le professeur, l'accusant d'être trop Argentin, tandis que toi-même étais exagérément Français. Exaspéré, tu m’as accusée de manquer d'équilibre, d'axe, de notion de dialogue corporel (ça alors !!!). Immédiatement j'ai compris. Les douze tintées ont sonné et tout est revenu à son état naturel, c'est-à-dire, deux étrangers l’un pour l'autre. Tout ce que nous savons est le prénom et le numéro du portable. La tête emplie du champagne du 31 décembre, je t’ai envoyé un message de bonne année, auquel tu as répondu deux jours plus tard... à trois heures du matin.

Ensuite, silence. Répéter cette magie est devenu pour moi une obsession, une nécessité physique, comme quand on mange et plus tard la faim revient; ou quand on se réveille d'une nuit bien dormie et à la fin de la journée on sommeil à nouveau. Pour calmer le manque de "notre" communion je suis sortie tous les soirs, en parcourant les milongas de Paris, à la recherche d'un autre partenaire avec qui je pouvais répéter cette extase. En vain.

  • Il y a une force incroyable dans ce texte. Un tango rythmé à deux temps : la passion et la passion. Que c'est beau... En plus, cela donne envie de danser. Merci

    · Il y a presque 14 ans ·
    Extraterrestre noir et blanc orig

    bibine-poivron

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