Cuisine Portugaise

Jaime De Sousa

Fils d'immigrés portugais, je n'échappe pas aux stéréotypes accompagnant la communauté lusitanienne. Pour tout avouer, j'en joue aussi énormément. Je suis d'ailleurs le premier à dire que Tolkien, le célèbre auteur de la trilogie du Seigneur des Anneaux, s'est fortement inspiré des portugais pour créer le peuple des Hobbits dont le héros Frodon est issu. Petits et velus, quel autre peuple peut se targuer de posséder de tels attributs si sexy?

Mis à part cette petite remarque d'ordre littéraire ethnocentrique, cette «condition» d'immigré ou de fils d'immigré peut donner lieu à quelques scènes amusantes.

Ce fut le cas par exemple lors de l'État des Lieux de mon nouvel appartement. Accompagné des propriétaires, un couple d'un certain age, nous relevions les quelques défauts que le studio avait quand nous arrivâmes devant la kitchenette.

Lors de ma première visite en compagnie de Madame, cette dernière m'avait vanté cette cuisine comme étant le fruit de l'intérêt que portait son mari pour le bricolage. Il avait tout fait, tout installé. Avec brio, j'avais réussi à feindre une certaine admiration pour le travail effectué.

Le mari, pensant sans doute que sa femme ne m'avait rien dit lors de cette première visite, ne put s'empêcher, lui aussi,de promouvoir son œuvre. Il me parla de tout; de l'idée originelle jusqu'au matériaux utilisés, en passant par le choix du rouge comme couleur dominante pour créer un joli contraste avec les murs blancs. J'étais impressionné et subjugué. J'acquiesçais de la tête. J'étais d'accord avec ses choix, je ne faisais que l'encourager à me vendre sa cuisine; je n'allais pas tarder à louer pour la deuxième fois son appartement. En face de moi, je n'avais plus un monsieur d'une soixantaine d'années,non, j'avais le plus grand vendeur Ikéa du Val de Marne!!! Je me sentis pousser des ailes, il me mettais en confiance avec son humour, et dans l'euphorie du moment, je ne pus m'empêcher d'y aller de ma petite blague.«La communauté portugaise serait fière de vous, soyez en sur...», je lui dis.

Le propriétaire, sourire colgate aux lèvres jusqu'à cet instant précis, sembla ébranlé par ma phrase. Il me regarda droit dans les yeux, et d'une petite voix me demanda si c'était vrai.

Déconcerté par son émotion, je lui répondis que oui. Les actions Colgate repartirent à la hausse puisque l'homme retrouva un sourire éclatant; il prenait ma blague pour un réel compliment...

L'état des lieux se poursuivit, mais le mari n'était plus avec nous. Il contemplait son œuvre avec fierté, songeant peut être à sa reconversion dans le bricolage, et s'imaginant déjà au comptoir d'un bar portugais de Champigny, trinquant avec Manuel et Pedro en se racontant mutuellement leurs faits de perceuses et de truelles*...

*La dernière phrase est, bien entendu, une interprétation totalement subjective de ma part...Soyons objectif...

Signaler ce texte