[D]ébauche. ("Si vous la voyez, saluez-la" est un livre en cours d'écriture).

walkman

Préface des Mémoires d'Hayden Parker.

Je me rappelle, c'était là-bas, on était parti tous les trois au bord de la cirrhose sans jamais se permettre de vomir nos tripes sur ce qu'on trouvait de particulièrement pitoyable de ce qu'on avait fini par faire de nos vies. On volait en éclats de rires et de voix dans un cosmos nébuleux, sexuellement nostalgiques d'un espèce de flou artistique. Ecumant les cadavres de bourbon dans des limbes astrales, en tripotant nos neurones sur des rythmes orgasmiques. Chacun de nous prenait la parole et prêchait des principes libertaires, aiguisant une morale dépravée, la brandissant comme l'étendard à déposer sur les lunes de miel. On se servait de clopes et de pétards comme de suaires pour éponger nos vieilles carcasses alcoolisées et usées par nos prouesses légendaires du remake du studio 54. A nos pieds le reste du monde, insignifiant, brûlait d'un feu qu'on animait, les délices de nos calices comme seule essence. On était si ivre, qu'on ne savait plus de qui de l'enfer ou du paradis nous devions recevoir nos assignations à résidence. Nous n'étions plus que trois âmes errantes et juvéniles, éternellement tournées vers elles-mêmes en se persuadant que la vie pouvait attendre. Et de gorgées en rivières de poudre blanche nous nous fîmes la salope de promesse de tenir bon ici-bas, à l'époque adéquate, de résister aux épiques épopées des bons sens. S'imbibant les veines d'exaltations incontrôlables et de poisons embusqués. Dans notre chute annoncée nous avions prêté serment de reprendre cette amorce de voyage au sud de nulle part, assez cons et défoncés pour être incapables d'éprouver quelque chose. Sur cette autoroute perdue qui nous rabaissait au niveau de la mortalité, égorgeant nos nous schizos du vingt-et-unième siècle, nous avions repeint en noir les arc-en-ciel pour les cacher aux profanes. C'est en revenant de ce voyage que ma démarche à commencer. J'ai renoncé à reprendre la route, et vous aussi, monsieur. Pas elle. Il n'est jamais trop tard pour exploser. J'ai cessé de prêter attention au débat philosophique sur les voyages post-mortem ayant peur qu'il ne puisse y avoir un magasin d'expérience où l'on pourrait se convaincre que le gouffre n'est qu'un trou noir à franchir avant les fontaines de jouvences. Vous avez franchi le pas avant moi. Le monde d'aujourd'hui et ses discours rigoureusement polis n'offrent plus aux gens qui ont choisi de déserter par eux-mêmes, le courage qu'ils méritent. Ils devraient tous vous prendre en exemple et accepter le fait qu'il faudra mourir. Je sais que si vous êtes mort et qu'il existe alors vous y êtes dans ce ciel désastreux, vautré dans un coin à enfiler les culs comme des perles. Je n'ai jamais osé demandé cela à quiconque puisque c'est une requête indécente, mais je crois bien qu'il n'y aura pas de place pour moi tout là haut. Ici, bien sûr, ils vous rejoindront tous. Mais je vous le demande à vous, puisque c'est à vous que je dois le sens que j'ai ici. Je vous la formule, cette demande, sous cette forme et dans cet ouvrage, sachant qu'après il ne restera de moi seulement ce que la morale voudra bien laisser. Ce service que j'ai à vous demander, dévoilera mes raisons d'anticiper ma fin des temps. C'est quelque chose qui fait parti de notre voyage, et du votre. S'il vous plaît, ami. Si vous la voyez, saluez-la.   

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