Dans la peau d'une femme
divina-bonitas
La journée d'hier me donna l'occasion de quelques réassurances, relatives à la problématique de la féminité.
Nous étions invités à l'anniversaire d'un ancien camarade de collège. Etaient là sa nouvelle compagne vue deux fois, plus un aréopage très "classieux" d'intellectuels, de l'ingénieur à l'associé en affaires, en passant par le professeur de piano et le chirurgien esthético-plasticien. La compagne, ne me reconnut pas. Lors que je me présentai, elle affirma "mais la dernière fois, tu n'étais pas habillée comme ça, tu n'avais pas le même style". Depuis 4 ans, ma récidive et la chirurgie accomplie, je ne l'avais pas revue. Elle, manifestement, avait relevé un changement d'image chez moi significatif. La fille en robe sombre portait désormais un chapeau anglais et une succession de volants et guipures rose thé. Puis le chirurgien, surprenant une conversation privée, sortit de la torpeur qui le faisait somnoler sur un transat. A l'évidence, il vit en moi une cliente de premier choix, me fit l'article, ma fois, de façon assez convaincante dans l'absolu. Il imaginait déjà son oeuvre, magnifique et bouleversante, censée me faire passer du statut de femme déflorée de sa féminité à celui de belle des belles, toute bien refaite grâce aux prouesses de ses mains et du sillicone. Je ne pus m'empêcher de rétorquer, que ma féminité n'était pas dans ce sein perdu, que si je la regardais à l'intérieur de moi, elle était parfaitement intacte, symétrique et douce, lors qu'avant l'opération, je n'aurais su dire où elle était ni quel contenu elle avait. Je passai en effet des années à alterner les régimes et les séances de gym, sans satisfaction, sans perception de cette fichue féminité que seule l'état de grossesse me procurait. Le monsieur sembla abasourdi. Pour preuve, il en enleva ses bésicles noires afin de contempler sans filtres la curieuse créature à volants qui lui servait sa raison calmement. Il ajouta, une pointe de regret dans la voix "c'est certain, vu sous cet angle, vous n'êtes pas la candidate à la reconstruction". Du statut alléchant de prospect, je passais à celui d'originale à la limite de la curiosité entomologique.
Bien sûr, il ne suffit pas de s'habiller en rose, de porter volants et chapeaux raffinés pour se sentir femme, mais l'habit et ses accessoires, s'il ne fait pas le moine ni la femme, contribue néanmoins à la féminité, selon l'idée qu'on en a pour soi.
Bien entendu, ça ne suffit pas. Le regard porté sur soi par les autres, l'amour d'un homme, sont tout aussi important. Mais l'essentiel commence sans doute à l'intérieur de chacune, selon ce qu'elle identifie comme étant pour elle son dessein féminin. Du dessein au dessin il n'y a qu'une lettre. Prendre un crayon pour dessiner sa féminité est une drôle d'expérience, incroyablement utile et révélatrice, que je fis après mon opération, en n'ayant qu'un seul regret, celui de ne pas l'avoir fait avant.
Affirmant donc au chirurgien que ma féminité était intacte et à ma convenance, je relevai ne pas voir le bénéfice de ses services. Bonne fille, je renonçais à lui demander s'il posait à ses patientes la question de l'état de leur féminité intérieure, avant de les soumettre au tranchant du scalpel et aux insertions plastiques. Il partit sur ces entrefaites. Plusieurs hommes étaient venus s'assoir à mes côtés au cours de la journée, attirés manifestement par ma féminité. L'auraient-ils fait si j'avais eu un nibard artificiellement gonflé tout en n'ayant pas identifié ma part féminine? Sans doute que non, d'autant qu'auparavant, je me gardais du rose thé et des volants.
Ceci n'est pas du prosélitisme pour ou contre la reconstruction, mais une réflexion afin de dire que certains discours me lassent, que la féminité est une notion qui échappe aux simples règles de la symétrie esthétique, que je ne suis pas certaine qu'en reconstruisant certaines femmes en promettant de leur rendre leur féminité, on le fasse à tout coup, ne serait-ce que parce qu'il faut changer les prothèses tous les 10 ans - en admettant qu'on ne se soit pas fait poser un truc frelaté, lors que la féminité, une fois trouvée, prend des allures de valeur sûre et pérenne, comme tout ce qui se construit pas à pas, en toute conscience et liberté.
Se sentir femme ne se limite pas à ressembler à.
Merci pour vos commentaires. Ah oui, l'économie de l'introspection et des bonnes questions...c'est exactement ça. Pas facile pour autant tous les jours dans une société qui effectivement, nous montre des images calibrées, retouchées..., mais, à mon sens, néanmoins préférable aux patchworks chirurgicaux divers et variés. Puis, quelle idée de fréquenter avec assiduité l'univers hostile des salles d'opération? Déjà quand on est obligé, c'est pas marrant! De là à y aller de son plein gré pour le "plaise" reste pour moi un mystère.
· Il y a environ 12 ans ·divina-bonitas
Évidemment bien vu même si je sais que certaines femmes se sentent femmes parce qu'elles ressemblent à.
· Il y a environ 12 ans ·La féminité (ou la masculinité) est avant tout une affaire une vision de soi comme tu le décris mais beaucoup cherchent à faire l'économie de l'introspection pour se rabattre sur les apparences, leur propre apparence.
Certaines femmes mettent leur féminité dans la taille de leur bonnet quand certains hommes cherchent à se rassurer régulièrement sur la taille de leur attribut. Ce que je ne juge pas pour autant. Il faut juste savoir soi-même comment se situer et ce n'est pas le plus facile compte-tenu de nos sociétés calibrées, homogènes et standardisées.
wen
Il y a aussi l image que l on renvoie...
· Il y a environ 12 ans ·Je me souviens d une "copine" qui m' à dit un jour que je devrais sérieusement penser à me faire opérer pour faire plaisir à mon homme comme elle,elle l'avait fait pour son copain ( liposucion, seins, pommettes et elle avait refait son nez pour le précédent ...)quand je vois comment il a agit après et comment elle est maintenant je me dis que les petits kilos en trop sont très bien la ou ils sont :)
Tant qu on se sent bien telle que l on est!!
Sweety
bien belle vision, un traveling cinématographique sur un instant plein de vérités Bravo !
· Il y a environ 12 ans ·Pawel Reklewski
Je crois que dans mon cas, l'un va avec l'autre. J'ai bien peur que naître avec un sexe féminin ne donne pas obligatoirement le sentiment d'être une femme. Nous avons tous une part de yin et de yang. Longtemps chez moi la seconde a pris le pas sur la première. Inverser la tendance est une sensation finalement très agréable. Curieusement, il m'a fallu la maladie pour m'en apercevoir.
· Il y a environ 12 ans ·divina-bonitas