De Crochette à Pearl Harbourg

Jacques Lagrois

-Et Crochette ?

-Crochette c’était un vieux con, même pas foutu de se faire faire un crochet en inox, juste de la vulgaire ferraille tirée de vieux doublons sans valeur qu’il n’avait même pas volé, mais qu’un curé lui avait donné avec deux bougeoirs en argent ceux là, qu’il échangea dans un vieux bouge malais contre une passe avec une certaine Betty Boop. Quant à tenir un gouvernail, la seule chose qu’il arrivait à tenir de sa main valide c’était sa bouteille de rhum. Il passait son temps à vomir par dessus le bastingage ou à dormir dans la cambuse.

-Il ne dormait pas dans sa cabine ?

-Sa cab… Non il était bien trop saoul pour aller jusqu’à là, non il se traînait jusqu’à la cambuse, d’ailleurs comme ça, il n’y avait pas de ménage à faire l’endroit était aussi dégueu que le bonhomme. Et puis, il voulait être au plus près du pont, disait-il pour affronter la terrible baleine blanche

-Moby Dick ?

-MobyDick, elle même, oui mon neveu.

-Mais, Tonton, ce n’était pas la capitaine Achab qui la pourchassait ?

-Le capitaine Achab ?…. Parfaitement, mais il ne l’a jamais eu, alors c’est Crochette qui s’y est collé. Avec Clochette nous lui avons tendu un guet-apens, au Sud-Ouest de l’île des Malouines. Jean Bart venait d’en partir, nous avons retrouvé la clé dans la réplique d’un vieux galion espagnol que lui avait sculpté Barbe noire, alors nous nous sommes installés, Clochette, Pinocchio et moi. Fameuse cuisinière que la Clochette et ce n’était pas sa seule qualité. Elle te préparait de ces frichtis, un régal, avec trois fois rien, elle faisait des mets aussi savoureux qu’un chef cuisinier.. Nous avons donc pris nos quartiers chez Jean Bart, un sacré bon vivant celui-là si j’en juge son bar, il était plein de délicieux whisky irlandais. Le matin j’allais pêcher et je laissais Clochette au lit.

-Tonton, tu veux dire que toi et Clochette. ?

-Noooon, c’était comment dire… Platonique, on me dit que je suis un enc… de  mouches mais de là à abuser d’une fée déguisée en libellule… Non et puis il y a avait Pinocchio. Note bien qu’elle n’aurait pas dit non, mais mon éthique…et sa taille me l’interdisait. Alors je dormais dans un hamac installé au salon, je l’avais fixé au lustre et à la porte d’entrée, comme ça on ne pouvait entrer sans me réveiller.

-Et Crochette ?

-Crochette, il était jaloux comme un tigre et suivait la piste de la petite.


-Mais Tonton, tu m’avais dit qu’il poursuivait Moby Dick ?

-Moby Dick ? Oui au début, mais la jalousie de Crochette était la plus forte, alors il suivait sa trace grâce aux phéromones.

-Les phéromones ?

-Oui des agents doubles que nous avions cru à notre service. Mais j’ai déjoué leurs plans, et après une lutte qui dura pas moins de sept jours et sept nuits, j’ai finalement eu raison d’eux et j’ai pu me reposer un peu, après les avoir mis sous clé dans la cave à vin.

 Quant Crochette est arrivé je travaillais à la traduction de la pierre de Rosette, l’histoire n’a pas retenu mon nom, mais c’est moi qui ai fait le plus gros du boulot. Bref ce forban s’est jeté sur moi en profitant de la pénombre dont j’étais entouré.

-Mais tu ne travaillais pas à la pierre de Rosette ?

-Si bien sur, mais je travaille mieux dans l’obscurité et comme je sais lire le Braille, la lumière n’aurait servi à rien. Bon, ça a duré un peu, mais c’est vrai que j’étais épuisé après la bagarre avec les phéromones, et Crochette a un fameux crochet du droit…. L’ami Jean a du refaire toute la décoration après notre petit entretien, mais bon j’ai fini par mettre KO le pirate à coups de bottes de Nevers, j’en avais une paire toute neuve que m’avait offert Clochette.

J’allais rentrer lorsque les japonais ont attaqué Pearl Arbor, Roosevelt m’a demandé mon aide, je ne pouvais pas refuser un coup de main à un vieil ami, alors j’ai pris la tête de l’armée des Etats Unis, incognito bien sur, je te l’ai dit j’aime l’ombre. Mais les bombes c’est pas moi, c’est ce con de John Wayne qui en a eu l’idée.

Bon c’est pas tout ça, mais il faut dormir maintenant et ta mère va rentrer, tu gardes tout ça pur toi, elle ne sait toujours pas que je travaille pour le deuxième bureau… Alors le reste….



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