Décadanse [Jetez l’encre #13]
odepluie
Ashley pose un talon sur la scène, le second lui succède. Sa paume attrape la barre et son corps s’enroule naturellement autour de cette dernière. Elle ferme un instant les yeux, laissant voler ses cheveux bruns autour d’elle, en même temps que son buste se cambre et tournoie. Elle lève le bras doucement, tout en caressant doucement son flan, fait deux pas, et se laisse tomber lentement, la barre entre les jambes. Elle reprend de la hauteur dans une vague gracile, se hisse, et ses cuisses se referment sur le métal froid. Les phalanges crispées, elle écarte les jambes, proche du grand écart, puis laisse de nouveau la gravité l’attirer vers le sol, dans un mouvement de toupie fatiguée. Alors que ses hanches ondulent avec sensualité, elle libère une de ses mains et dégrafe la lingerie argentée qui masquait jusqu’alors sa poitrine. Ses petits seins ronds et fermes se découvrent. En allongeant le bras, elle laisse négligemment tomber le soutien-gorge pailleté à ses pieds. Elle reprend alors sa marche langoureuse et chaloupée autour de la barre, sa danse érotique contre celle-ci. Elle s’agenouille. Du bout des doigts, elle s’effleure. Elle s’approche. Son regard passe, mais ne s’arrête pas sur ces hommes en contrebas qui la dévorent des yeux. Elle ressent pourtant avec précision le contact de chaque dollar qu’ils glissent chacun leur tour sous l’élastique de son étroite culotte.
Ashley laisse tomber une de ses pantoufles. Assise sur l’unique table du mobil home, maintenant vêtue d’un survêtement, son stylo bille gratte le papier. Sa main attrape une mèche de cheveux qui s’est échappée de son chignon improvisé, et la glisse derrière son oreille. Elle sait que ce devoir d’histoire est bâclé, mais la nuit est déjà trop avancée. Elle décide finalement de laisser tomber son crayon, et se lève pour rejoindre le petit frigo de la cuisine aménagée. Elle y attrape un bidon de lait écrémé, qu’elle porte directement à ses lèvres fines. Son regard s’attarde sur un calendrier criard, accroché à proximité par une simple punaise. Un sourire s’esquisse sur son visage, Bridget a entouré trois fois de rouge la journée du surlendemain. Maman. Ashley lui a promis qu’elles iraient lui rendre visite. C’est un évènement, les occasions sont rares. La route jusqu’au Comté de Monroe est longue, et elles doivent changer plusieurs fois de bus pour rejoindre la prison fédérale. Elle repose le lait dans le frigo, presque vide, puis rejoint la chambre. Malgré l’obscurité, elle prépare l’uniforme violet qu’elle portera demain au lycée, la jupe plissée, le bustier. Elle n’oubliera pas les deux pompons associés. Ses yeux se posent sur la petite silhouette qui dort déjà paisiblement dans le grand lit. Sereine, Ashley retire ses vêtements, puis se glisse à son tour sous les draps. Elle se tourne vers sa jeune sœur assoupie, et caresse tendrement ses cheveux lisses.
- We're like the roses, Bridget, stoned in the backyard. But there is no misery in the time we grow wild… murmure-t-elle avant de fermer les yeux.
Comment tu fais pour tracer des vies, des pensées avec cette délicatesse, cette finesse d'analyse ! C'est bluffant, bravo ! De plus, ton style est millimétré, chaque mot touche au but.
· Il y a plus de 11 ans ·matt-anasazi
Bim, claque number 2 ! Tout ce que je pense a été dit au dessus. Je m'incline bien bas ! J'adore.
· Il y a plus de 11 ans ·fairyclo
Je trouve ça balaise, c'est vrai, de pouvoir en dire autant en si peu de lignes...
· Il y a plus de 11 ans ·Une peinture réaliste, triste mais superbement écrite !
rafistoleuse
Toute une vie en l'espace de quelques lignes. J'adore !
· Il y a plus de 11 ans ·octobell
Quelle délicatesse et quelle humanité dans ta manière d'écrire...j'aime beaucoup. Merci.
· Il y a plus de 11 ans ·El. Imy