Délicieuse souffrance

Chris D

J'ai toujours eu honte de mes désirs, plus ce soir ...

J'ai toujours eu des pensées, des envies spéciales. J'ai pourtant maintenu une barrière entre mes actes et mes fantasmes. Alors que mes partenaires usaient de douceur et de préliminaires, mon corps désirait autre chose. Aucun ne l'a deviné. 

J'ai pris du plaisir à chaque relation mais alors que ma jouissance explosait, les mêmes images n'avaient de cesse de tourmenter mon esprit, me laissant gourmande et avide de ce que mes amants n'avaient su m'apporter. Le sexe traditionnel,  de l'expression « faire l'amour » me laisse un goût de trop peu, me laisse frustrée. Pourquoi ne leur ai-je pas dit ce que je désirais ? Mon éducation, la société et probablement la peur m'en empêchaient. J'aurais été honteuse de dévoiler mes désirs et plus encore honteuse s'ils avaient vu les  représentations qui se jouaient dans ma tête alors qu'ils me prenaient avec délicatesse.

Ce soir, mon ami Noah m'emmène dans un club, Un lieu coquin, a-t-il dit. Cela fait un an que nous nous connaissons, bien que n'ayant jamais couché ensemble, nous sommes proches. Une amitié sincère et une connivence exceptionnelle nous lient. Pourtant, ce soir, il est différent. Alors qu'il conduit, il reste silencieux. Sa conduite rapide et ses gestes brusques traduisent une nervosité inhabituelle. Il bifurque soudain sur une petite route. Je n'ai vu aucun panneau signalant le moindre club, cela ne fait qu'augmenter ma curiosité et, je l'avoue, une certaine appréhension.

Noah, prévenant, vient m'ouvrir la portière et me tend la main. Après une seconde d'hésitation, je la prends et sors de la voiture. Il s'approche et sa bouche frôle mon oreille.

-J'espère sincèrement n'avoir commis aucune erreur en t'emmenant ici. Je ne veux pas te choquer et ma grande crainte est de perdre ton amitié mais j'aime fréquenter ce lieu et je crois que toi-même, pourrais y prendre goût.  Au moindre signe, au moindre mot de ta part et nous quitterons cet endroit. Comprends-tu, Lise ?

Aucun son n'arrive à sortir de ma bouche mais j'oscille la tête de haut en bas.La bâtisse,impressionnante, est entourée de jardins somptueux. A l'entrée, nous sommes accueillis par un homme élégant. 

S'adressant à moi,  notre hôte me montre une petite alcôve.

- Votre ami a demandé que l'on vous prépare une tenue que vous trouverez ici. Sachant que c'est votre première visite, voici quelques recommandations : ce lieu est dédié au plaisir, nous entendons par cela, le plaisir de chacun. Ainsi, vous trouverez différents participants sachant que certains ne font que regarder tandis que d'autres s'essayent à de choses nouvelles. Vous comprendrez aisément que le respect est de rigueur. Nous sommes très vigilent quant à notre clientèle, aussi soyez assurée que votre bien être est notre priorité. Sachant qu'aucune tenue de ville n'est acceptée passé cette porte, je vous demanderais de vous changer.

J'entre alors dans ce boudoir et tire sur l'épais rideau afin de pouvoir m'isoler. La lumière y est tamisée, un immense miroir sur pied domine la pièce et sur un banc, je découvre la tenue que Noah a choisie pour moi. Mon cœur, prêt à exploser, bat à tout rompre. Je suis entre deux idées, l'une est de filer le plus vite possible tandis que l'autre est de rester. Je m'approche et caresse la nuisette noire bordée de dentelle au décolleté. Posé dessus, un mot. L'écriture fluide de mon ami m'enlève immédiatement mes doutes.

 « J'ai opté pour une nuisette simple. Pour ta première fois, j'ai pensé que tu serais intimidée par quelque chose de transparent. Magnifique comme tu es, tout superflu est inutile. Maintenant, enlève tes vêtements et prouve-moi que j'ai raison en me retrouvant de l'autre côté du rideau… »

La nuisette me va à ravir, le galbe de mes seins est mis en valeur par la dentelle. Un léger toussotement me fait sursauter. Noah, de l'autre côté… J'inspire profondément et me faufile pour sortir. Il est là, juste devant moi et il est absolument à couper le souffle. Il ne porte qu'un léger pantalon noir en satin resserré à la taille. Il se mord la lèvre inférieure en me regardant et je ne peux m'empêcher de sourire béatement. 

Avant de passer les portes, je tressaille. Noah attrape ma main et sans hésitation pousse l'entrée. Une douce musique classique envahit mes tympans, une jeune rousse en dentelle blanche nous accueille en nous proposant un verre de champagne. En quelques mots, elle nous explique que différents thèmes sont répartis dans des salles. Elle préfère ne pas nous les citer, prétextant qu'il est bien plus agréable de les découvrir pas soi-même. Elle émet toutefois une certaine réserve quant à la salle dite « rouge » en nous prévenant qu'elle est prévue pour les expériences fortes, voire extrêmes et qu'il est préférable d'être un habitué avant de s'y rendre. Noah lui signale connaitre les parties qui s'y jouent. Je sens le feu me monter aux joues. Ce soir, il n'est plus le meilleur ami que je connais. Il parait tellement différent, plus sûr de lui. Elle tend alors à Noah un lien noir qu'il prend en la remerciant et nous avançons. Chaque entrée de pièce est cachée par des rideaux, un noir, un blanc,  un mauve et un rouge. Posant sa main dans le creux de mes reins, mon ami me dirige vers le noir.

-Commençons par ici. Je veux de suite te montrer ma salle préférée. Lise, je te rappelle que tu n'es pas obligée de participer. Rappelle-toi aussi que tout le monde ici est consentant, quoi que tu puisses voir. On se connait depuis un certain temps et je crois avoir décelé chez toi des attirances particulières. Ne me demande pas comment, je ne me l'explique pas moi-même. Je dirais simplement qu'entre nous, nous nous reconnaissons.

Je reste sans voix, estomaquée. Entre nous, que veut-il dire exactement ?

- Tu verras certains hommes et même certaines femmes tenir avec une sorte de laisse une autre personne, même si je n'aime pas ce mot.

En voyant mon air ahuri, il explique.

-Ce n'est en rien une manière de les rabaisser. Vois plutôt en cela une sorte de protection. C'est leur manière de montrer que l'on ne peut toucher cette personne sans leur consentement. Veux-tu que je t'en mette une ?

Ne sachant à quoi m'attendre, j'acquiesce. En me passant le léger lien autour du cou et en l'attachant avec une pression, ses doigts effleurent ma nuque. Nos regards se croisent. Ma respiration s'accélère. Ainsi attachée, lui, tenant le bout du lien de sa main droite, nous passons le tissu noir.

Tenues légères et vaporeuses, tenues en latex  moulant, nudité totale, dans cette salle luxueuse se mêlent des corps. Caressées par des plumes, fouettées par du cuir, humidifiées par des langues avides, les peaux savourent. Lacets de cuir, menottes, cravaches, baillons, dans ce lieu de soumission, nous avançons sans échanger le moindre mot, ni le moindre regard l'un pour l'autre. Je sais qu'il me laisse le temps de m'acclimater. Une scène attire mon attention. Une femme, les yeux bandés se fait prendre par derrière avec rudesse par un homme. A chaque coup de reins donné, son assaillant lui assène un coup de cravache qui marque son dos. Les plaintes de plaisir qui s'échappent d'elle raisonnent en moi, au plus profond de mes entrailles. J'entends la respiration de Noah, de plus en plus rapide. Juste derrière moi, il m'effleure de son torse. Sa voix, à mon oreille, a une consonance inconnue. L'excitation l'a rend plus rauque, terriblement sexy. Ses paroles achèvent de me mettre en ébullition.

-Tu aimes voir sa souffrance mêlée à sa jouissance. J'aime ça aussi. Viens, allons dans la petite pièce attenante, il y fait plus tranquille.

Je le suis sans résistance sentant néanmoins le lien noué autour de mon cou qui me rappelle qu'aux yeux des autres, je lui appartiens…

Dans cette chambre, un couple, confortablement installé sur un sofa, s'embrasse. C'est à peine s'ils remarquent notre présence. A leur opposé, est assise une petite brune. A notre venue, elle se lève et vient saluer Noah. Ces deux-là n'en sont pas à leur première rencontre. Habillée d'un porte-jarretelles noir et d'un minuscule haut qui dévoile ses mamelons, elle expose sa nudité. A côté d'elle, ma tenue parait trop sage pour l'occasion et je me surprends à désirer des artifices plus appropriés. Il lui chuchote quelques mots puis délicatement, laisse pendre la laisse le long de mon dos et m'intime à m'asseoir. Je rejoints le siège, laissé précédemment. Noah la guide à une table sur laquelle elle se penche. Il lui écarte les jambes et plonge son regard dans le mien. Galbé d'un préservatif, le sexe bandé de Noah entre en elle, s'écarte pour entrer à nouveau, avec lenteur et précision. Je les vois de profil, sa tête à elle est dirigée dans l'autre sens, si bien qu'avec les yeux de Noah plantés dans les miens, j'ai l'impression que la scène ne se joue qu'entre lui et moi. Ma main trouve le chemin de mon clitoris. Un homme magnifique, blond et grand vient s'agenouiller devant moi tout en demandant à mon partenaire s'il peut me soulager. Noah acquiesce et l'inconnu plonge sa bouche entre mes cuisses. Sa langue habille trouve mon point sensible en une seconde. Les yeux dans les yeux, nous prenons notre plaisir avec des personnes différentes. L'instant est irréaliste, intense. Il me fait un sourire de coin avant d'asséner une claque magistrale sur la fesse de la brunette. Il se retire, lui fait un bisou entre les omoplates puis s'avance vers moi et mon mystérieux inconnu.

Sa voix, rauque et  assurée est pleine de promesses.

-  Je lis en toi comme dans un livre ouvert. Laisse-toi guider, Lise. Je vais te donner ce que tu attends. A moi, l'ami.

 L'homme s'esquive, je n'ai d'yeux que pour Noah. Sur le mur, se trouvent des ustensiles que je n'avais pas remarqués jusque-là. Il prend une cravache en se mettant à genoux juste entre mes genoux. Du bout de celle-ci, il caresse un de mes seins. Mes yeux se ferment, je n'ai plus la force, ni l'audace de maintenir son regard. Les sensations sont trop intenses. Je sens la morsure de l'accessoire sur mon mamelon, la douleur me transperce. Enfin, je suis délivrée.

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