L'inconnu

Ivy Daniels

“ L’inconnu, c’est toujours excitant... ” De David Lynch

Je sors de la salle d'un pas décidé, et me laisse lourdement tomber sur le petit banc de fer au fond de la cour.

Les grands mariages sont de mise dans ma famille, et celui-ci n'est pas une exception. Abigail est la plus jeune de mes cousines, et la dernière d'entre nous à se marier, à l'exception de... Moi. Du haut de mes vingt-sept ans, et d'après les standards de la famille Scott, je devrais depuis longtemps m'être éprise d'un homme éminemment riche et terriblement séduisant, et l'avoir épousé, évidemment. Seulement voilà, même cette chère Abigail est casée, et moi, non.

Comme à chacun des autres mariages, ma grand-mère nous a réunies, mes cousines et moi, pour que nous félicitions la nouvelle mariée. Aujourd'hui, cependant, il lui a paru nécessaire de rajouter une parenthèse à cette tradition familiale. Elle m'a rappelé que, bien que je sois l'aînée de la génération de petites Scott, je n'avais même pas été en mesure de me présenter à cette cérémonie avec un cavalier – pas plus qu'aux quatre précédentes d'ailleurs. Et mes cousines ont joyeusement sauté sur l'occasion pour me tirer un peu plus vers le bas.

Si l'héritage de Grand-mère Scott n'était pas en jeu, je n'aurais probablement pas été en mesure de retenir le flot d'insultes qui avait inondé mon esprit. Quoi, quand il y a un château et deux manoirs sur le tapis, on peut bien supporter une famille de pète-sec, non ?

M'arrachant à mes pensées colériques, un jeune homme passe la porte que j'ai empruntée quelques minutes plus tôt. Il doit être au téléphone – ou en pleine crise de démence – parce qu'il détaille le menu de la journée à quelqu'un.

– Par contre, Marc se coltine une drôle de belle-famille, enchaîne-t-il de sa voix grave. Abigail avait déjà l'air coincée, mais le reste de la famille Scott est encore pire !

Je suis pincée par ce commentaire. Il est valable pour mes cousines, d'accord. Mais je ne me considère pas comme une femme coincée. Et je suis pourtant une Scott. Pour une fois dans ma vie, je vais défendre l'honneur de la famille ! Je brise le silence d'une voix hautaine directement héritée de ma grand-mère :

– Et à qui faites-vous ce joyeux portrait de ma cousine ?

Le jeune homme sursaute, et se retourne, mais lorsque je distingue enfin son visage, je n'y trouve que de l'amusement. Il ne semble absolument pas embarrassé. Sans prendre la peine de répondre, il s'élance d'un pas assuré vers le banc sur lequel je me tiens toujours. Plus il approche, plus je devine son jeune age. Il doit avoir tout juste vingt ans, et même si je ne suis pas encore défraîchie avec mes vingt-sept printemps, je sais d'expérience que ses prochaines années vont servir de véritable transition entre son insouciance et sa vie d'adulte. D'adulte frustré. Comme moi.

– Ça c'est une belle espionne, plaisante-t-il en me tendant la main. Je suis Jérôme, le témoin et meilleur ami de Marc.

Sa main reste tendue devant moi, sans que je ne consente à la prendre. Je joue mon rôle de vieille Scott aigrie jusqu'au bout !

– Je sais qui tu es ma belle, m'annonce-t-il. Si tu m'avais laissé terminer ma conversation, tu m'aurais entendu décrire le cul parfait de la cousine sexy.

Je ne sais pas si je dois hurler de rire ou hurler tout court. Ce gamin a un cran que je n'aurai probablement jamais, mais je suis trop tendue pour me laisser attendrir.

– Je préfère les Scott coincées aux petits arrogants, elles ont au moins appris la politesse, dis-je en me levant.

J'espère au fond de moi que cette entrevue ne s'arrêtera pas là, et mes vœux sont exaucés. Je sens les mains puissantes de Jérôme se poser sur mes hanches. Avant même que je n'aie eu le temps de me demander si je peux me laisser allumer par ce garçon, je suis fermement tirée en arrière. Je laisse échapper un petit cri et tombe sur le banc, hébétée. Je regarde mon ravisseur dans les yeux et lui souffle qu'il est trop jeune.

– Trop jeune ? rit-il. J'ai vingt-et-un an, et je n'ai pas l'impression que tu sois si proche que ça de la ménopause.

Il me faut un autre argument, mais rien ne me vient. D'une main, Jérôme enserre mon visage et me force à garder le contact avec ses prunelles sombres. De l'autre, il caresse ma clavicule avec son index, inlassablement. Cela dure plusieurs minutes, il ne semble pas s'en fatiguer, et je ne m'en plains pas non plus. Ce contact si doux et si ténu contraste avec la poigne de fer dont il fait preuve pour garder ma tête immobile. Les deux combinés réveillent un à un tous les nerfs de mon corps. Mes sens sont en alerte, et je sais que je tiens à ce moment là ma dernière chance de tout arrêter. Mais voilà, je n'ai pas envie que ça s'arrête. Son doigts continue sa légère caresse, respectant un itinéraire de plus en plus sinueux. J'étouffe dans ma robe, et ma température corporelle monte en flèche malgré la brise particulièrement fraîche de cette drôle de nuit.

Jérôme s'avance vers moi, et je crois un instant qu'il va m'embrasser – enfin – mais ses lèvres se dirigent vers mon cou, et se figent à quelques centimètres de moi. J'attends, grisée. Doucement son souffle chaud vient effleurer ma peau. Je trésaille d'abord sous le coup de la surprise, puis mon léger tremblement est dicté par l'excitation. Il me lâche soudain, et contourne le banc. Mon corps n'a pas le temps de souffrir de cette distance. Très vite, Jérôme reprends ses caresses, qui sont beaucoup plus pressées cette fois. Maintenant que la surprise s'estompe, l'insolence du jeune homme ne justifie plus que je reste là, assise, passive. Sans prévenir, je me retourne, me retrouvant à genoux face à ce témoin entreprenant. Cette fois encore, il ne semble pas déstabilisé le moins du monde. Je l'attrape par la veste de son costume pour me soulever jusqu'à ses lèvres, et je l'embrasse sans aucune timidité.

Alors que ma nuit prend une délicieuse tournure, j'entends la porte qui m'a livré mon Apollon s'ouvrir à nouveau. Déçue, mais surtout frustrée, je m'éloigne promptement de Jérôme et jette un œil de l'autre côté de la petite cour. Abigail et Annabelle, sa jumelle, discutent de je ne sais trop quoi. Le sang qui bat encore à mes oreilles m'empêche d'entendre leurs voix lointaines. Mais Jérôme n'a pas décidé d'en rester là.

– Qu'est-ce que tu fais ? gronde-t-il en me saisissant les bras.

Trop essoufflée pour répondre, je pointe mes cousines du doigts.

– On ne voit rien de là-bas, décrète-t-il en reprenant l'exploration de mon corps. Tant que tu ne fais pas de bruit, tout va bien.

Je mets un moment à comprendre, et lorsque mes neurones se connectent enfin, je tente d'échapper à ses bras, mais il m'en empêche sans aucun effort. Sa langue chatouille mon cou, et je fonds. Lorsque ses dents se mettent à mordiller ma peau, ma raison prend définitivement le large. Je déboutonne lentement son pantalon et tâte avec envie ce qui va bientôt combler mes désirs. Il expire d'un seul coup tout l'air contenu dans ses poumons, et je croise son regard. Je constate, satisfaite, que cette parenthèse torride le consume autant que moi. Sans plus attendre, je plonge mes lèvres à la rencontre de son sexe déjà gonflé. Il ne me faut que peu de temps avant de décider qu'il est temps de passer aux choses sérieuses.

Je me positionne dos à lui, et sa main plonge vers mon entrejambe. Je m'apprête à gémir, mais Jérôme plaque sa seconde main sur ma bouche.

– Sans faire de bruit, j'ai dit, chuchote-t-il à mon oreille.

Il remonte ma robe moulante jusqu'à mes hanches, fait glisser mon tanga en dentelle le long de mes cuisses. Mon regard se pose sur mes cousines, et je ne peux m'empêcher d'avoir un mouvement de recul. C'est à la fois si excitant et si... Dégouttant de faire ça tout près d'elles ! Je réalise tout à coup que le corps de Jérôme n'est plus collé au mien, et me retourne juste au moment ou il laisse tomber le papier d'un préservatif sur le sol. Il attrape mes cheveux avec toute la fermeté dont je le sais désormais capable, et mon dos va se coller contre son torse. Il embrasse une dernière fois mon cou pour me ramener dans notre bulle, puis me penche en avant.

Il entre en moi avec douceur et effectue quelques va-et-vient langoureux. Il accélère ensuite le rythme, avant de retrouver une vitesse plus tranquille. Il change constamment, passant de l'amant sensuel à l'étalon déchaîné sans aucun préambule. J'ai envie de crier – j'ai toujours aimé crier pendant l'amour – mais je me rends compte que le fait de devoir me contrôler ne fait qu'accentuer mon plaisir, lutter contre ces vagues successives gonfle la tempête qui fait rage en moi. Je me penche plus fort. Jérôme ne faiblit pas, ses coups de reins se faisant de plus en plus puissants. Ses doigts malaxent mes fesses, si fort que c'en est presque douloureux. Presque.

Nous détournons tous les deux le regard vers la porte quand nous l'entendons claquer. Les jumelles sont retournées à l'intérieur, nous sommes seuls à nouveau. Sans attendre, Jérôme se lance à un rythme effréné, me gratifiant des fessées dont je rêve depuis qu'il a commencé son ouvrage. Chaque fois que sa main claque contre mon postérieur, un petit gémissement m'échappe. J'attrape un de mes seins, et le malaxe pour soulager la tension qui s'y accumule depuis que Jérôme s'est approché de moi. Au fur et à mesure de ses assauts musclés, c'est un tout autre endroit qui réclame mon attention. Jérôme m'y devance, est une vague de chaleur explose depuis cet endroit stratégique jusque dans chaque extrémité de mon corps.


– Merci de nous aider à nettoyer, me dit Abigail avec un large sourire.

– C'est bien normal, me devance Grand-mère Scott. Tu en feras autant au sien, annonce-t-elle en ricanant.

Je me renfrogne, puis les souvenirs de la nuit dernière viennent apaiser mon humeur. Je dois revoir Jérôme. Je cherche Marc des yeux, et quand je l'ai trouvé, je cours presque jusqu'à lui. J'ignore le quadragénaire dégarni avec qui il discute, et lui demande de but en blanc le numéro de Jérôme, son témoin et meilleur ami. Marc me dévisage et pointe le dégarni du doigt avant de répondre d'un air surpris :

– Je te présente Jérôme.

  • Et la chute fait sourire en plus ! c'était dans le thème, je ne découvre qu'aujourd'hui, bravo !

    · Il y a environ 9 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

    • Merci beaucoup, ça fait toujours plaisir d'être lue et appréciée !

      · Il y a environ 9 ans ·
      1996161573 7

      Ivy Daniels

  • Pas mal du tout ... Je ne m'attendais pas du tout à cette fin ... Ça m'a fait sourire. Moi, j'imagine plutôt que c'était un garçon de salle ...

    · Il y a environ 9 ans ·
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    Chris D

    • Merci ! Oui j'aime bien l'idée de laisser l'imagination faire le reste ^^ Merci pour la lecture en tout cas

      · Il y a environ 9 ans ·
      1996161573 7

      Ivy Daniels

    • J'ai mis trois nouvelles pour ce concours, j'aimerais avoir votre avis... Merci d'avance

      · Il y a environ 9 ans ·
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      Chris D

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