Déni de grossesse

lanimelle

Déni de grossesse

Je suis blonde porteuse d’un fœtus mort, irradié par l’amour brutal.

Je porte dans mes entrailles sales, cette chose qui ne grossit pas, qui ne fait pas de mon ventre une courbe mais un creux ou jaillissent les os et l’odeur de la mort que tu as semé en moi.

Je le porte ce bébé fait de bleus et de cendres, d’ongles cassés et de bosses, je le porte jusque dans les faims des yeux des hommes qui voudraient y poser leur mains, y déverser leur foutre.

Ce petit monstre que tu as injecté en moi est un aspirateur, il me pompe comme si je portais la vie, il me digère de l’intérieur, ponctionne mes illusions.

J’accroche à ma gueule un tout vas bien qui glisse comme la pluie de tristesse qui coule à l’intérieur, parfois j’ai l’impression que je vais noyer ce bébé tant l’iode qui ne sort pas de mes yeux massère et use mes intérieurs.

J’ai arrêté de marcher ce soir d’hiver ou tu m’as fécondé de la honte, de la douleur, de l’éclat du diamant que tu as projeté dans ma face bleuie par tes mains.

Il y a eu cette nuit mes genoux sur le sol froid, priant que la mort finissent ton job, priant pour que lui et moi pourrissions dans les entrailles de la terre pour ne plus voir, plus entendre plus ressentir les frissons que me donnent les souvenirs.

Père à l’occasion d’un débat ou tu n’avais plus de raison, pourquoi j’ai dit non quand t’étais sur moi, sur ma gorge, ma tête sur le radiateur blanc et puis le sang qui dégoulinait comme une peinture trop diluée.

Je n’ai pas réussi à me débarrasser des nausées, normalement à 4 mois ca part mais là ca part pas et puis il ne veut pas sortir le petit bout de merde que tu m’as planté, il reste comme un tanguy, comme si je le couvais et que cette chaleur lui suffisait.

Je voudrai bien me faire avorter mais on peut pas, hein bébé, le passé est une plaie variqueuse qui suinte, c’est moche, laid comme gerbe d’héro, comme un profil au nez de bec d’aigle, c’est moche mais tu m’habites encore par lui.

Faudrait peut être que je me foute à poil, faire un déclanchement à l’italienne, me laisser fourrer pour qu’il se décroche de mon antre, faudrait un autre étalon qui viendrait au fond lui coller les j’tons et qu’enfin il me quitte pour finir par terre, s’écouler de moi la matière sentimentale, la fertile puissance du cœur, la fusion de nos peaux amoureuses.

Je pense à la barbarie, je deviens cruelle et sous mon calme rectiligne, sous mes cernes violettes et mon regard noir, je voudrai pousser ce petit démon hors de moi et puis tirer la chasse.

J’agonise en silence de porter cet enfant, cette masse invisible et infâme que j’alimente sans le vouloir, comme par réflex.

Poison violent infiltré sournoisement par des « je t’aime », j’ai rien vu venir, on avait pas pris de précaution, on c’était pas pencher sur la question, on avait pas pensé qu’on pouvait en arriver là.

Je suis seule dans cette conception, seule à porter le fruit de nos amours mortes, je m’étais dis, faut repasser, faire de nouveaux plis à mon âge, ranger la machine à reproduction, tirer une balle en plein cœur au prince charmant mais tu lui ressemblais tellement!

Enceinte d’une nuit d’ hiver qui ne veut plus mourir, mère porteuse d’un mort né qui ne veut pas sortir, sur la table d’opération le psychiatre dit « pleurez » c’est comme ca qu’il va s’en aller.

L’animelle

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