Divin Désir

darklulu

                                                Seigneur, accordez-moi la grâce de toujours
                                                désirer plus que je ne peux accomplir.
                                                Michel-Ange

Je me réveille.

Encore une fois le cœur vide.

Un néant auto-suffisant. Un vide impossible à combler car déjà rempli de l’amertume d’une existence vidée de sa substance.

Je referme les yeux en quête d’une émotion.

Mais, comme d’habitude seule la lassitude répond présente. Pourtant, autrefois, j’avais des rêves, des envies, des projets.

Des désirs.

Je les regarde, en bas. Je les regarde se débattre dans leurs existences insignifiantes mais remplies de ce sens que je leur ai donné.

Que veulent-ils ?

Qui sont-ils ?

Ce sont des questions qui ne trouveront leurs réponses qu’à travers moi. Moi qui ne suis plus qu’un écho à travers l’espace et le temps, l’avatar d’une cosmique volonté.

Moi qui ai tant voulu leur apporter, tant voulu leur donner.

Moi qui désormais n’existe que dans leurs prières, pour exaucer des désirs qui ne sont pas les miens.

Je suis incapable de les écouter. Empêtré dans mes propres démons, je suis perdu dans la furie d’un océan nauséabond, où le désir s’est dilué jusqu’à n’être plus qu’un mot, vain et lui aussi vide de sens.

Mes premiers enfants se sont ligués pour faire de moi l’intouchable figure du père, ou, au contraire, mettre à bas le tyran que je suis.

Leurs guerres et leurs luttes ont desséché le paradis et enflammé l’enfer.

Leur amour comme leur haine m’ont chaque jour un peu plus isolé au sommet d’une montagne, à côté de laquelle l’olympe fait figure de pâle monticule.

Les uns comme les autres, anges ou démons, ne font qu’illustrer la vacuité de ma création cette manifestation de mon désir que je ne comprends plus.

J’ai vu naître cet univers de ma volonté. Je l’ai vu grandir en se nourrissant de mes forces. Je l’ai senti dans mon être arracher mon âme petit bout par bout, comme l’amant effeuille les pétales de la rose.

Jusqu’à maintenant.

Cet instant où je ne suis plus qu’un réceptacle, le creuset dans lequel naissent peines et souffrances, ces éternelles compagnes du désir.

Je n’ai qu’un tort : celui de les faire à mon image.

Conscience imparfaite pervertissant le reflet d’un monde parfait.

Dans ce cosmos où le néant règne en maître git désormais ma dépouille, livrée aux charognards auxquels j’ai donné vie, insufflé mes désirs pour qu’ils se repaissent de ma chair comme un rêve devenu trop réel.

Mes enfants, mes fils, mes filles je vous quitte.

Ma quête est assouvie et je ne ressens plus le désir car ce dernier n’a pour moi plus d’objet.

Nous avions tous tort, vous n’étiez pas mes sujets, mais ceux de ce désir qui vient de mourir sur les sables de vos vies.

Autrefois j’étais Dieu.

Et je m’endors sans regret ni remord, renié par cet univers qui désire être le seul maître de son destin, mais qui n’est que la vivante manifestation de mon propre désir.

Il est dans mon ordre naturel que les parents ne survivent pas à leurs enfants…

« Que la lumière soit ! »
Elle ne sera plus pour moi, mais restera à jamais mon épitaphe.

Je me rendors, cette fois pour toujours.

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