Elle est bonne
Brigitte Delaperelle
Employée de maison, domestique ou femme de ménage… Je dirais plutôt femme de surmenage. Pas facile de gagner le SMIC en faisant 8 heures de ménage par jour quand les transports vous bouffent les heures supplémentaires. Alors on fait des concessions et on ne regarde pas trop pour qui on travaille pour peu qu’il y ait plusieurs heures d’une traite.
Celui-ci est mon préféré dans le genre que je déteste. Vieux garçon malodorant et libidineux, amateur de trucs moches en porcelaine de Saxe, personne n’a pu rester chez lui plus de quelques jours. Elles ont toutes craqué. Il en est réduit à me garder, qui lui donne de grands coups de balai pour me protéger. Je dois lui faire peur et c’est tant mieux. Ces heures, j’y tiens mais, pas question non plus de faire n’importe quoi.
Un jour, c’est la tuile. Un faux mouvement de plumeau et je fais tomber un vase précieux. Il pleure, il tempête. Le vieux, pas le vase. Pour le vase, je sens bien que c’est fini pour lui, même pas moyen de le recoller ni d’en faire un puzzle. Et pour le vieux, j’ai des craintes car il est trop volumineux pour finir à la corbeille. Pourvu qu’il ne me fasse pas une attaque… Mais non, il va en déduire le prix de mon salaire. Et puis quoi encore ! Jamais, vous m’entendez, jamais, vous avez une assurance pour ce genre de dégât, faites-la jouer. Et de brandir le plumeau, menaçante.
Quand on a fait une bêtise, il faut la réparer me disait pépé. Il avait raison. Je profite donc d’une sortie dominicale en bord de mer pour acheter une horreur sans nom avec des coquillages collés dessus et une fleur en plastique fichée dedans.
Il est gentil, finalement, le vieux. Il en a eu la larme à l’œil. Il a installé la mocheté bien en évidence sur la télé. Le lendemain, elle n’y était plus, je l’ai retrouvée intacte là où je ne pouvais pas manquer de la remarquer : la poubelle.
C’est égal, la prochaine fois je lui ramène quelques vieux trucs qui traînent dans mon placard. Ah il aime les bibelots, eh bien il va être servi. Rien de tel qu’un bon bras de fer pour rester en forme et reprendre goût à la vie. Non ? Le combat crée des liens.
Ce défi me plait, se dit-il, je suis sûr de gagner, et alors, gare à tes fesses.
Un papy qui se rebelle est un papy en vie.
· Il y a environ 11 ans ·Joli texte pour moi qui suis en train de lire L'angoisse du roi Salomon de Romain Garry, un exemple de solution pour survivre quand on prend de l'âge.
lyselotte
Sur le vieillissement, de Romain Gary, j'ai lu "Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable". Vu le titre, je pensais lire un truc marrant...
· Il y a environ 11 ans ·Brigitte Delaperelle
Romain Garry ! ses écrits sont teintés d'une indéniable angoisse...l'homme devait être à vif.
· Il y a environ 11 ans ·Ii a mis fin à ses jours ce qui donne, à mon sens, encore plus de puissance à la désespérance de ses ouvrages.
lyselotte
qui sait... quel humour!!! il en existe des gens comme lui et de bien pires aussi! CDC
· Il y a environ 11 ans ·yoda
J'aime bien le duel qui s'installe entre les deux protagonistes...
· Il y a environ 11 ans ·ahqepha