En colère ? moi?

Mini Pouce

C’était l’une de ces matinée où l’on a dormi plus que de raison, on se réveille finalement parce que le soleil vient jouer avec nos pupilles. Même à travers mes paupières je sens déjà la lumière venir heurter mes yeux, et pourtant il va bien falloir que je prenne le courage de les ouvrir.

Je me roule dans mon lit la couverture bien au dessus des épaules je sens la couette m’enlacer, elle est si douillette, elle invite au plaisir de la douceur et de la tranquillité. Aujourd’hui je n’ai envie de rien, juste rester là, c’est un matin à traîner au lit, avec l’homme que l’on aime. Vous savez ce genre de matin où même si on est réveillé de bonne heure on se force à somnoler encore un peu dans le lit, on se câline avec son ami, on respire l’odeur de sa peau et on se roule à nouveau de l’autre côté du lit. On va même jusqu’à prendre le petit déjeuner au lit, comble de la fainéantise, et vers midi on se décide à regarder un film, tout est organisé pour ne pas avoir à trop se lever. On fait des concessions pour juste trouver de quoi se ravitailler en nourriture.

Malheureusement aujourd’hui j’ai beau tâter avec ma main personne ne se trouve à mes côtés, et même si le réveil n’a pas eu à sonner ce matin je n’en oublie pas la multitude de choses que j’ai à faire dans cette journée, et quand j’aperçois enfin l’heure je me rends compte que je viens de gâcher une bonne partie de ce temps précieux.

Aujourd’hui il me faut aller passer chez mon banquier, lui expliquer qu’en ce moment ce n’est pas toujours facile mais en règle générale je ne suis pas trop dépensière, il comprendra. Et puis il y a ma sœur qui veut absolument que je passe chercher ses quatre mouflets, elle veut se faire une soirée en amoureux qu’elle ma expliqué au téléphone et forcément comme je suis la seule célibataire et bien voilà que ça me tombe dessus. Et puis bien entendu il va falloir que j’aille faire des courses, ça mange quoi d’ailleurs une tête blonde ? Des bonbons ? Je suis certaine que des coquillettes au jambon se sera parfait, d’ailleurs j’adore ça moi. Bon et sans oublier une chose aujourd’hui c’est la grève, les bus ne roulent pas et ne parlons même pas des trams qui seront submergés de cette foule incontrôlable qui aura quand même décidé d’aller travailler un jour de grève. Et puis quoi vous l’avez deviné, j’approche la trentaine et je n’ai toujours pas acheté ma voiture, ma propre voiture, cet outil formidable qui vous donne tout de suite une place dans la société, enfin encore faut-il avoir acheté l’une de ces voitures plutôt classe et à la mode, pas la vieille R5 de maman…

Bref,  je m’arrête là dans la liste des choses urgentes à faire aujourd’hui parce que je me sens déjà à la bourre, allé je saute dans la douche on verra plus tard pour le petit déjeuner.

Et voilà que ma douche me refait le même coup que la semaine dernière, alors que j’ai eu le temps de profiter pendant cinq minutes des bien faits de l’eau chaude, juste de quoi m’amadouer, je baisse mes défenses et voilà qu’après un épouvantable bruit de tuyau bouché je suis attaqué par de l’eau littéralement glacé ! Je sors de la douche en hurlant, je me cogne bien entendu le doigt de pied contre mes toilettes, il en fallait encore plus pour me mettre KO mais là j’étais sacrément bien amoché, bon tant pis pour la douche du jour, je file m’habiller.

Comme je vous l’ai expliqué j’ai mon rendez-vous chez le banquier, alors la , la jupe s’impose, vous savez on ne néglige aucun atout dans ces circonstances. Et voilà que comme par hasard ma seule paire de collant à peu près portable se file, du mollet jusqu’au bas des fesses, je ne vais quand même pas pouvoir sortir comme ça ? Après avoir fouillé pendant 10 min dans tous les placards je découvre la seule paire de collant qu’il me reste, malheureusement des grosses fleurs jaunes y sont dessinées, encore un achat compulsif dans un magasin, et donc encore un achat que je n’ai jamais porté. Tant pis ça fera l’affaire, j’ai rendez-vous dans 30min et il faut encore que je traverse la ville, assaillie par tous les forcenés qui sont en grève.

Je sors de chez moi en courant, alors que je manque de trébucher dans les escaliers déjà je sens vraiment que cette journée ne sera pas en ma faveur, je respire un bon coup et je pousse la porte d’entrée en mimant un sourire… Il pleut. Et bien entendu je n’ai pas de parapluie. Parfait !

Je cours jusqu’à l’arrêt de tram le plus proche. Mon dieu, il est méconnaissable, c'est-à-dire que caché derrière toute cette foule on se demande ou se trouve vraiment l’arrêt. Pas le temps d’attendre je continue à pied, c’est pas grave ça me fera un peu de sport, histoire de perdre un peu cette cellulite accumulée pour cause de célibat.

Me voilà arrivée place du marché, c’est un peu comme si je venais de me retrouver coincée dans un embouteillage, mais cette fois-ci se sont des hommes et des femmes, peinturlurés de dessins de guerre sur le visage et portant d’immenses banderoles, la guerre, ou plutôt la grève contre le gouvernement est déclarée. Je tente malgré tout de me faufiler entre ces corps qui compulsivement me rende des coups, je ne suis pas de la bataille ils ont bien du le sentir. Et c’est à ce moment qu’une bonne femme, d’environ 110kg, je vous jure sans exagérer, donc c’est à ce moment précis qu’une femme décide de m’écraser le pied avec son talon haut de 15cm au moins, je venais de perdre un pied…

Alors là forcément je décide de me venger, là je ne me suis pas demandée si j’étais à l’heure pour mon rendez-vous et s’il y avait un sens à tout ça, je lui ai donc foutu un bon coup de sac à main et je lui ai demandé sous quel prétexte elle osait m’agresser comme ça, il nous aura donc fallut pas plus de trente seconde pour en arriver au mains, et voilà qu’elle me tire les cheveux, forcément je pense aux 10 min qu’il m’aura fallut faire pour cette coiffure. Alors nous entrons dans une sorte de pugila, je revois encore la scène au ralentit, comme dans les films à petit budget. Au bout de quelques cris et un peu de violence, quelques personne décident de finalement nous séparer et là je me rends compte de la stupidité de mes actes alors je file en courant jusqu’au prochain arrêt de bus qui mène chez mon banquier.

Enfin dans ce bus qui arriva pile à temps, je me rends compte dans l’état pitoyable dans lequel je me trouve, mes cheveux sont entièrement défaits, mon maquillage à coulé et j’ai une veine qui vient de se gonfler au milieu de mon front, signe indéniable d’énervement. Mon arrêt approchant je tente de me diriger vers la porte du bus, celui-ci étant complètement envahi de pauvres travailleurs, qui eux aussi énervé d’arriver en retard au boulot, ont décidés d’oublier la politesse. Alors que je joue des coudes pour passer, mais je vois le bus continuer sa route sans même s’arrêter à mon arrêt, je n’avais pas appuyé sur le bouton rouge… C’est alors que prise d’un excès de colère et complètement en panique à l’idée de louper mon rendez-vous que j’hurle un « stop » inimaginable dans le bus. Le chauffeur décide alors de piler et comme si ce n’était pas suffisant je me prends un coup de poussette dans le dos. Je sors en rage du bus, et je n’ai plus qu’un objectif arriver chez mon banquier. La pluie n’aura pas décidé de m’accorder un sursis, elle s’abat sur moi avec tellement de violence, que ma veste ne suffit plus pour me protéger.

J’entre alors nerveusement à la banque, je pousse la porte avec un excès de violence, je ne sentais plus ma force. A l’intérieur de moi mon cœur battait la chamade, je mourais de chaud, j’ai eu une pensée pour mon déodorant et son soi-disant effet 24heures.

Pour l’instant tout devient flou autour de moi, j’entends approximativement les gens s’exprimer mais je ne pourrais pas vous décrire l’intérieur de la pièce où je me trouve… on m’invite à rentrer dans le bureau de Monsieur Gérard, mon banquier.

Je pause mes fesses sur sa chaise à moitié confortable, rien que son sourire aujourd’hui est suffisant pour me rendre folle, j’ai le souffle qui s’accélère et je me surprends à expirer comme un animal, mes sourcils se froncent rageusement et je n’en peux plus déjà de le voir mastiquer disgracieusement son chewing-gum devant moi.

C’est alors qu’il me demande avec un sourire béat « Bas alors on a fait des folies ce mois-ci ? »

Et là sans crier gare, je soulève mon corps d’un bond, ma chaise tombe en arrière, mes poings se referment et je commence à lui déverser tout ce que j’avais sur le cœur :

«  Vous ne vous rendez pas compte, alors que moi je fais une pauvre folie, comme ça une fois par hasard je m’achète ce sac magnifique, bien entendu il coutait cher, vous pensez que je ne m’en suis pas rendu compte ? Et vous pensiez aussi peut-être que je ne savais pas que j’étais au chômage et que donc par conséquent mon compte en banque lui-même était aussi vide que mes poches ? Et comme si ça suffisait pas je suis célibataire et donc la pauvre bonniche qui va se coltiner les gamins ce soir, mais vous croyez quoi que j’adore ma place dans cette société. Si j’avais les moyens moi aussi je me serais acheté cette merveilleuse Audi que vous avez sur votre place de parking et moi aussi j’aurai pu arriver ce matin avec le sourire parce que j’avais évité toutes les manifestations, alors maintenant vous allez me faire la plaisir d’arrêter de me regarder ave cet air abrutis, et me foutre la paix, parce que je fais ce que je veux ! »

Sans m’en rendre compte je venais de lui jeter à la figure tout ce qui n’allait pas dans ma journée et dans ma vie, le pauvre venait de se prendre un flot de parole incontrôlé et il venait de payer pour tout le monde. La chaleur brûlait mes joues, et je sentais des fourmis dans toutes mes jambes, je ne pourrais même pas vous dire que mon cœur battait encore tellement il allait vite, il semblait prêt à se décrocher.

Ma vue commençait à s’améliorer et prise de panique, j’ai récupéré la chaise par terre et je me suis assise dessus encore toute tremblante.

Mon banquier s’excusa et semblant avoir perdu tous ces moyens, il me proposa un rendez-vous pour la semaine prochaine, on pourrait discuter d’un crédit à la consommation à taux préférentiel, qu’il m’expliqua.

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