EN THERAPIE XXXIII

- Bonjour docteur. Figurez-vous que je m'aperçois qu'il avait mangé le dernier nougat. Alors, je lui dis qu'il aurait pu penser à moi, et m'en laisser la moitié, quand même. Alors, là, il me répond, qu'il y avait effectivement pensé, mais que comme il était tout petit, le nougat, la moitié d'un tout petit nougat, ça ne faisait pas grand-chose de nougat. Vous voyez, docteur, le goujat !

Mais je ne me laisse pas désarçonner pour si peu, je lui réponds du tac au tac. Tu n'as pas envisagé une seule seconde, la délicatesse de me laisser la totalité des deux « pas grand-chose de nougat », pour me faire plaisir. Ou pire, tu l'as envisagé, mais ce petit sacrifice était au-dessus de l'amour que tu me portas.

Vous voyez docteur, bien envoyé du tac au tac et claque. Oui, c'est parti tout seul à la fin de ma tirade, j'étais heureuse et soulagée de lui avoir envoyé ses quatre vérités au visage, une association secrète ou un arc réflex, que sais-je ? Et c'est parti tout seul.

Je ne sais pas si ce sont mes reproches ou ma gifle qui lui ont cloué le bec, mais il n'a pas lancé une autre de ses misérables excuses.

Non, il restait là, bêtement là, à me regarder comme s'il ne m'avait jamais vue. Avec des yeux de poissons morts, docteur ! D'ailleurs, il bavait comme un poisson, en ouvrant la bouche comme s'il s'asphyxiait dans l'air. C'est bien la preuve que c'est un poisson, non, docteur ?

Enfin, je devrais dire que c'était un poisson. Car j'ai compris en voyant le sang gicler avec du retard, que j'aurais dû lâcher le couteau avec lequel j'épluchais  les légumes, avant de le gifler du claque au claque.

Mais comme c'était parti tout seul, je n'étais ni coupable, ni responsable.

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