En une rime heureuse

Il m'a dit un soir au téléphone: "Cette fille dont je rêvais... c'était toi!" Il ne me connaissait ni d'Eve ni d'Adam mais il affirmait cela avec une conviction absolue persuadé d'être dans le vrai. Je l'ai laissé parler, flattée et un peu gêné d'un tel attachement pour moi déjà. Nous en étions au début d'une relation un peu houleuse, un peu douteuse, je n'étais pas sûre de faire le bon choix, il déployait des ressources incroyables pour me garder en disant qu'il était bien avec moi, qu'ensemble on ferait de grandes choses. J'ai bien voulu y croire, le terme "ensemble" prenait un nouveau sens pour moi, mais en avait-il eu un avant notre rencontre? Auparavant je me levais le matin, j'écrivais quelques lignes et regardais par la fenêtre la nouvelle pub et les gens dans la rue. Il y avait ceux qui étaient pressés, celui qui promenait son chien tranquillement, la ménagère qui tirait son chariot et les lycéens qui chahutaient. A présent mes réveils étaient quand même plus excitants, j'étais contente de me réveiller, de débuter une nouvelle journée, il y avait enfin quelqu'un dans ma vie! C'était un peu le garçon rêveur et poète, un peu pot de colle, certes, mais je mettais ça sur le compte de l'amour. Moi je cherchais dans mes affaires de quoi faire sensation auprès de lui, mais je finissais toujours en jean et baskets car c'était un adepte de la randonnée, et de la montagne. Il manifestait sa joie d'être avec moi en me taquinant, on était comme deux frères et soeurs qui jouions ensemble. Un jour il m'a dit: " J'aimerais qu'on vive ensemble. On s'entend du tonnerre tous les deux. Pourquoi pas tenter l'aventure?" Je lui ai répondu: "Je t'aime beaucoup mais pas assez pour vivre avec toi. J'aime trop mon indépendance." Bien mal m'en a pris. J'ai vu de la tristesse et du reproche dans son regard.

Je n'ai plus rencontré d'autres garçons après lui, c'était peut-être un signe, je ne sais pas. Le signe d'une erreur que j'ai commise en refusant sa proposition. Moi et mon indépendance le vivons mal. Le matin quand je me lève, je regarde le spectacle de la rue sans intérêt particulier, je rejoindrais ce groupe de lycéens pour ne pas être seule. Mes amis, je n'en ai pas beaucoup, sont gentils, ne parlent pas de lui, ne me questionnent pas. Je vais à la piscine pour me remettre de mon erreur, prends les mêmes sentiers de montagne que lui, des fois que.... Un jour je l'ai vu assis sur un banc avec une autre fille. J'ai hésité à me montrer , je ne savais pas quoi faire, et puis j'ai osé. La fille me ressemblais étrangement, je me suis dit: "Mais c'est moi encore qu'il cherche !" Il avait le regard perdu dans le vide comme à la recherche de quelque chose à laquelle se raccrocher. Elle, regardait ses chaussures, l'air de s'ennuyer.  Alors j'ai dit à celui que j'aimais encore: " C'est moi que tu cherches?". Son regard s'est soudain éclairé, puis il a regardé la fille confusément, m'a présenté à elle en bredouillant. La fille s'est mis à sourire comme soulagée. On s'est mis à rire tous les trois et on a fini la balade ensemble, l'ami retrouvé ne pouvant s'empêcher de me prendre par la main dans les passages les plus difficiles. Mais ce n'était qu'un prétexte bien sûr. A la fin de la journée il m'a dit: "C'est bon alors nous deux?" . Je lui ai répondu: "Quand tu veux!" en une rime heureuse.