encres et plumes

gribouille--2

Bleu des mers du sud, mon écriture se déroule, fine, déliée, ma plume trace les jambages des mots, colorise mon cahier de texte, j'incline les lettres, je les redresse, je les inverse, je les fais naviguer de bas en haut, comme si j'étais à bord d'un voilier, je m'exerce à écrire bien, je m'applique pour me plaire, pour que le résultat soit beau et évocateur.

La plume sergent major trempée dans mon encrier de verre est neuve, je l'ai mouillée avant avec ma salive, il parait que l'encre descend mieux au début, puis j'ai mesuré l'adhérence de l'encre à l'intérieur de ma nouvelle plume en la trempant plusieurs fois dans l'encre,ça va, En en mettant pas trop, sinon elle va baver, je trace mes lettres et mes mots lentement, le papier glacé ne retient pas la pointe, alors que les cahiers de brouillon si . Pas de barbules , la qualité du papier est excellente, mon père a du payer cher ces feuilles doubles, mais je reconnais que c'est vraiment plaisant d'écrire à la plume dans ces cas là.

L'odeur de l'encre remplit mes narines, chaque encre que j'essaye, qu'elle soit en cartouche ou en encrier a une senteur différente, j'aime bien sentir leurs parfums.

Quand j'ai eu mon premier porte plume en bois, dans lequel on enfonçait la plume de métal, ce fut assez dur d'écrire, la pointe accrochait sans cesse et avant que je n'arrive à la domestiquer, il y a eu tache sur tache, gribouillis, ratures, patés, les gommes à encre ne suffisaient pas à effacer mes erreurs, bien souvent le papier se déchirait, le corrector, lui, arrivait à masquer mes fautes, plus tard ce sera le blanc d'espagne, mais bien plus tard.

Avant de parvenir à faire mes pleins et déliés il m'en aura fallu des lignes et des lignes, puis un beau jour, je devais être mieux dans ma tête, je me suis mis à moins appuyer, et la fluidité arriva toute seule, l'encre se déroulant sur le paier de qualité, glissant toute seule et j'ai pu parfaire mon écriture.

Avant d'être ainsi, les porte plumes tombaient de haut pour se planter dans les parquets de chêne,nous jouions à la pichenette avec, et le résultat évidemment était que nous bouzillions nos plumes.

Les porte plumes à cartouches étaient beaux , parfois dorés en bas, stylisés, cadeaux de fin d'année ou d'anniversaires, je les respectais, les admirais,les choyais dans leurs écrins de velours ou de tissus, les boites sont toujours chez moi, dans un secrétaire, bien rangées, les cartouches sont dans ma trousse d'écolier, les boites à plumes aussi, vestiges d'un passé révolu, parfois remis au goût du jour, ou exposés.

Le bleu profond de certaines encres, le noir de l'encre de chine, les encres violettes, autant de traits de pages couvertes, autant de papiers buvards recouverts d'encres sèchées, autant de chiffres oubliés, autant de larmes et de joies qui font ce que je suis et demeure, un poête artiste, amoureux des belles lettres bien formées.

Signaler ce texte