Eros
bobo29
Elle attendait dans la chambre.
Le cliquetis de l'horloge à coucou parsemait l'espace d'une tension qui enflammait la moindre de mes pensées. Que me voulait-elle ? Je le savais mais ne voulais le voir. Le temps d'un instant je voulus prendre les jambes à mon cou, m'enfuir loin, crier, m'arracher la peau jusqu'à l'os. Son regard noyait l'océan dans chacun de ses éclairs de sensualité.
Je m'approchai. Des gouttes perlaient à mon front. Ses mains glissaient ça et là sur la couette de coton telles des caresses. Mon souffle devint incertain. Je m'assis près d'elle. Ma poitrine émettait le son d'un tambour régulier, presque militaire. Elle était sûre d'elle, ses gestes étaient parfaits, lucides. Je n'arrivais pas à parler. Cela ne la dérangeait en rien. Elle souriait. De ses cinq doigts elle effleura ma joue. J'eus un spasme de surprise. L'avais-je vexée ? La gêne m'envahit. Dans un élan de courage je posai ma paluche sur sa cuisse. J'étais maladroit. Elle se mit à rire.
Mes lèvres coururent vers son cou puis mes bras vers sa taille. Elle se laissait faire. La froideur de son corps brûlait mon sang. Chacun de mes muscles étaient aux aguets. L'amour a un goût de Chanel. Sa robe remonta sur ses hanches lorsque je la couchai sur le lit. Mon dos subissait l'affront de ses ongles de femme. Elle enleva ma chemise avec la conviction d'un affamé dévorant un morceau de viande. Ses paumes descendaient le long de mon échine. Ma respiration ; incontrôlable. A la recherche de l'inconnu je cherchais le chemin de son plaisir. On grimpait à l'échelle de la béatitude sans possibilité de retour. Je ne sus comment nos deux êtres se retrouvèrent nus. Non seulement le corps mais nos âmes. Elle lisait en moi, un livre ouvert voilà ce que je fus, pour elle du moins. Elle exploitait mes faiblesses, les embaumait de sa tendresse et les changeait en puissance. Ses reins m'étaient ouverts, mais, non, le temps, on prit le temps. D'instinct elle savait où toucher pour me faire mal , mais Dieu, que la douleur de l'union est agréable. C'est comme un feu, ça consume les poumons et déchire l'estomac, comme une implosion, une incandescence contrôlée jusqu'à l'éruption. Les minutes, au diable ! Que faire du temps et de l'espace ? La chaleur suave des corps est l'unique étape, l'unique direction. Nous étions un. Des ailes de séraphin me poussaient sous l'impulsion de sa cambrure. Le grain de sa peau caramélisée par une vie de lumière me rappelait les étoffes de soie, une matière insaisissable comme de l'eau. Entre ses reins naissaient un monde, un univers tortueux peuplé de la fougue des gens qui s'aiment.
L'obscurité ne vint que tard. Lorsque le soleil darda ses rayons sur le parquet de la petite chambre, elle n'était plus là. Le cliquetis de l'horloge à coucou s'était vidé de toute tension. Mes idées se noyaient dans le brouillard du levé. Je ne déjeunai pas et ne parlai à personne.
La sonnerie retentit. Cours.
Elle était dans la même tenue que la veille au soir. Sa voix s'élevait au niveau du chant des sirènes. A la fin, j'allai la voir :
« Merci... »
Elle ne parut pas comprendre. Je ne compris pas d'avantage. Faisait-elle semblant ? Apparemment pas. Alors que penser ?