« Body seins nus effet cuir »
ckym
Une bière au bar, voilà ce dont j'avais besoin. Par hasard, j'attrapais le premier magazine venu. Mes doigts tournaient machinalement les pages défraîchies de la revue lue et relue. Je savais déjà où ils s'arrêteraient. Je n'étais pas encore lassé des photos de Kate M. Elle n'était pas nue mais parée de lingerie fine. C'était bien mieux car on imaginait le peu qu'on ne voyait pas. Je n'avais plus la force de réfléchir, aussi me contentais-je de tourner les pages en admirant le corps parfait de la blonde trentenaire. « Body seins nus effet cuir » consistait en une bande de tissu commençant sous ses seins nus et laissant deviner le reste de son anatomie par transparence. Le dos cambré, les seins fermes pointant vers l'avant et le regard soumis, la photo suivante donnait l'impression qu'elle était là pour moi. Je la méritais après ces deux mois passés dans la brousse. Notre section ne comptait que des hommes, travaillant tous les jours. Ici le dimanche ne signifiait rien de particulier. Au début, je parvenais à me souvenir de Julie, ma dernière conquête avant le départ. Je l'avais rencontrée en boîte. Elle était venue avec ses copines, m'avait trouvé mignon et nous étions rentrés ensemble. La nuit avait été exquise et au petit déjeuner, nous avions fait connaissance. Elle m'avait raconté ses galères, je lui avais partagé les miennes. L'angoisse de la mission, l'inconnue au pays des Bantous. Puis elle est revenue, elle aimait bien me voir, l'union de nos corps était une harmonie naturelle. Cela a duré un mois, les quatre semaines avant mon départ. La dernière nuit a été torride. Elle semblait vraiment triste, je n'avais jamais vu une fille dans cet état là. Les seuls moments où elle ne pleurait plus était quand elle jouissait. Alors nous avons continué, toute la nuit, sans dormir. Elle s'est offerte à moi une dernière fois dans les toilettes de l'aéroport, puis j'ai disparu sur le tapis roulant montant vers le terminal.
Pendant le premier mois, je me souvenais de nos étreintes, de ses caresses quand je la prenais. Puis tout ça s'est estompé. Penser à Julie ne me fait plus rien maintenant. J'ai tout oublié, son regard, sa poitrine, ses fesses et le reste. Il faut dire qu'il y a eu Anna.
Anna est si belle et je prends plaisir à la découvrir chaque jour. Tout le monde se moque de moi. « Pour qui tu te prends, tu joues l'intellectuel », « tu vas bientôt nous donner des cours Socrate ? ». Et oui, un Caporal qui lit Tolstoï, c'est forcément une imposture. Pourtant je ne trompe personne, je ne lis que depuis quelques années. Lentement, buttant régulièrement sur les mots, je prends plaisir à découvrir comment vivaient les gens deux siècles auparavant, comment Mme Karénine a pu trouver la force, à son époque, de quitter son mari indifférent pour aimer un autre homme. Une vraie héroïne Anna, avec sa chevelure brune et ses grandes mains blanches. Grâce à Tolstoï, je m'endormais chaque soir entre les dorures de Saint Pétersbourg et la campagne russe enneigée.
Une autre canette, d'accord, je me laisse convaincre. Nous nous rendons dans un autre bar avec mes collègues. Cela chassera mes idées noires, ces corps de femmes nues que je vois sans cesse défiler. Je repense à cette jeune africaine croisée la veille, pendant que nous roulions. J'étais dans la tourelle du blindé pour monter la garde. La route était mauvaise, nous avancions doucement, doublant péniblement les piétons. Nos regards se sont croisés. Sous sa tenue traditionnelle pointaient deux petits seins, sa croupe typiquement africaine était séduisante et aurait donné des envies de viol au plus chaste des pères de famille. Son regard brûlant était deux étincelles au milieu de ses traits placides. Tout son être transpirait le désir. Pourtant je n'avais rien éprouvé, pas le moindre désir. Je savais bien que dans cette région, 10 % des habitants étaient atteints du virus. Mais cela ne m'inquiétait pas, risquer ma vie avec les femmes était un jeu. Les prostituées africaines étaient douées et pendant les deux mois en brousse, chacun de nos moments de répit avait été pour elles. Jusqu'à cette dernière mission, dans le district des balangas. Nous étions tous excités, les femmes avaient la réputation d'y être les plus belles du pays. C'était notre dernière mission avant de rentrer dans la capitale pour la « remise en condition », se reposer quoi. Une mission au milieu des corps sublimes. La mission de trop pour moi.
L'alcool va m'aider à oublier, penser à autre chose. Je reprends une bière. Sur la télé au fond du bar défilent en boucle des filles en bikinis. Je voudrais ne plus les voir mais elles reviennent sans cesse. Plus j'essaie de les chasser de mon esprit, plus elles me hantent.
Elles étaient douze, comme les apôtres, allongées à même le sol. Elles avaient entre quinze et vingt ans. Leurs corps jeunes étaient sublimes. La réputation des femmes balangas n'est pas surfaite, je vous le garantis. Une bande de petites Vénus en devenir. Toutes en âge d'être mariées mais toujours sans enfant. Seins encore fermes, fesses non flétries, l'avenir leur souriait. Avec de pareils attributs, les plus grandes feraient carrière dans la mode, les autres s'enrichiraient dans le commerce. Les hommes achètent toujours plus quand les vendeuses sont charmantes. Bien sûr, certaines seraient prostituées, c'était inévitable.
L'ébriété commençait à faire son effet sur mon cerveau, mes idées s'embrumaient. Mes tempes battaient au rythme des basses, je n'entendais plus la mélodie. Mais le bruit ne parvenait pas à chasser de mon esprit les corps des sylphides balangas.
Comme le photographe de Kate, nous nous étions livrés à une séance méticuleuse. Toute la scène avait été photographiée, filmée sous différents angles. Un soldat tenait une lumière vive pour que le rendu des couleurs soit meilleur. Il fallait voir les détails de ces corps nés sans connaître l'imperfection. Le « harnais en plaqué or » soulignant les seins de Kate laissait place aux mutilations, lacérations, membres arrachés, corps fendus. Je n'étais pas photographe de mode et elles n'étaient pas mannequin. J'étais caporal en mission et, elles, victimes d'exactions guerrières. C'était dans notre mandat. A défaut d'avoir pu l'empêcher, il nous fallait être en mesure de témoigner du massacre. Alors on photographiait tout, tels les paparazzis de la grande faucheuse. La morbidité de la scène ne nous arrêtait pas. Nous remplissions notre mission en bons soldats, tentant d'oublier l'odeur pestilentielle de la mort qui s'insinuait en nous. Nous devions faire un dossier exhaustif pour les autorités. Les coupables seraient poursuivis. On nous l'avait assuré.
Je m'étais engagé pour partir à l'aventure, découvrir un nouveau métier. Je me retrouvais à boire des bières en regardant défiler des corps refaits dont on nous abreuvait comme on nourrit du bétail. Du pain et des jeux. Pour nous c'était de la bière et des femmes nues. Nues mais vivantes. Les corps des déesses balangas disparaissaient derrière leurs plaies, je n'avais plus devant les yeux que les stigmates des exactions. Violées et abandonnées, laissées pour mortes ou assassinées d'une balle dans la tête. Qui étaient ces hommes qui avaient pu profiter des corps des jeunes vierges et la seconde d'après leur ôter la vie. Il me fallait oublier, penser à autre chose. Penser que je pourrais encore aimer une femme sans revoir tous ces corps obsédants.
J'ai voulu répondre au dernier message que vous m'avez envoyé mais je ne peux pas... vous n'êtes pas abonné à mon profil... pas grave. Je lirai quand même votre prochain souvenir d'Afrique.
· Il y a environ 10 ans ·chloe-n
La chute est terrible !! Par contre, je ne suis pas sûre que je l'aurai mis en "érotique"...
· Il y a environ 10 ans ·chloe-n
Merci Chloé ! effectivement, j'ai trouvé l'exercice intéressant mais j'avoue ne pas me sentir très attiré par le genre "érotique"... du moins pour l'instant !
· Il y a environ 10 ans ·ckym