Et pendant ce temps Christian Bobin dort avec moi ...

Je te regardais grandir comme une tour où je ne connaissais pas les étages. Je ne savais pas te rattraper, tes mots comme tes actes ressemblaient à ceux des grands. Où étais-je pendant que tu devenais un homme, je négociais sûrement ma liberté de paroles auprès du premier héron venu des terres africaines. Ne t-ai-je jamais conté, tous ces trésors dans tes yeux quand tu t'endormais, mon petit.

Je n'entends plus très souvent le bruit de tes paupières qui s'ouvrent dans la nuit. Sais-tu que les mamans font ça elles écoutent le liseron et son bras s'étendre au plus loin et notent la beauté de leurs petits doigts s'agripper aux cheveux blonds. Elles sont bizarres les mamans, c'est toi qui me le dit souvent.

J'aimerais tant trouver d'autres mots, prophétiser ta vie avec la justesse des tressages d'osier. Des lacs au fond des yeux tu as grandi comme tes frères près de moi, seulement moi. Ton volcan intérieur gronde et je suis Pompéi, ta route pavée de lave m'engloutit.

Parfois quand l'aurore ne t'a pas encore pris, tu me regardes hacher ma nuit et nous côtoyons le clair matin. Il te suffit que je sois là, ta colère s'estompe, comme ces caresses sur le dos du chat qui t'apaisent à tour de bras. Une phrase tendre lancée près de l'égouttoir, je ne dis rien, tu penses. Me voilà heureuse de t'attendre, la prochaine fois tu auras fait ce beau voyage. Tes douleurs exportées ailleurs, dessinées, oubliées peut-être, tu reviendras ouvrir la fenêtre et tes mots dans les rideaux resteront pendant ton prochain largage.

J'aime entendre ton rire qui claque contre le carreau du jardin endormi, bientôt le printemps, ton long corps agile s'époumonera au parc. Puis une fille, une autre fille de la couleur du ciel viendra prendre ce sourire que je sais fragile. Elle sera belle aussi, mais plus encore, car elle n'aimera que toi. Pendant que moi dans ma chambre je recevrai Bobin qui ne sera même pas en pyjama.

Tes doutes en volutes s'envolent au plafond et tu rougis du bout du cœur.