Eurovision : le faux barnum

veroniquethery

   60 ans d'existence ! 60 ans que l'on claque des millions d'euros pour entendre vociférer des illustres inconnus que personne n'irait écouter gratuitement sur un podium de village. Pourtant, chaque année, près de 150 millions d'Européens sont assis devant leur télé pour assister à ce show ringardisé !

   Des spectacles ringards, il en existe beaucoup ! Certains ricaneront devant ces ex-vedettes des années 80 qui font salle comble en dépit de textes souvent niais et de musiques approximatives. Pourtant, cela s'explique parce que ces tubes rallument en beaucoup de gens une foule de souvenirs. Souvenirs de mariages, de communions, de flirts, de fêtes. Pouvoir, en rouge et noir, jouer à pile ou face en rêvant d'un autre monde ! Courir après une femme libérée, qui se roule dans la ouate, avec les démons de minuit ! Rencontrer un partenaire particulier qui nous fera faire des bêtises pendant une nuit de folie ! Qui vraiment pourrait résister à une telle débauche de plaisirs ?

   D'autres se moqueront des come-back délirants d'une Chantal Goya entourée de gais Guignols, qui préfèrent désormais les bâtons d'un Gnafron aux mamelons d'une Madelon : quand les femmes ressemblent à des bécassines et que les mecs ont la douceur des pandas, avouons qu'on peut les comprendre ! Beaucoup se gaussent des Restos du Cœur : toujours les mêmes invités venus faire une promo, des oubliés heureux de se montrer une fois dans l'année… Mais, depuis 25 ans, eux, au moins, ont contribué à récolter près de 25 millions d'euros pour « ceux qui n'ont plus rien » ; eux, au moins, ont réussi à ce qu'un milliard de repas soit servi à « ceux qui ont faim ». Alors, sans doute, on peut bien leur pardonner leurs chansons un peu vieillottes et leurs déguisements ridicules.

   Mais, l'Eurovision ? Cette fois, on ne parle plus de Guignol, mais de Polichinelle ! Car, impossible de savoir combien la participation de la France coûte à notre télévision nationale. J'aimerais bien, moi, savoir pourquoi une partie de l'argent de nos impôts devrait être investie dans cette mascarade ! On sait bien que les pays se liguent les uns contre les autres : on se le répète suffisamment pour expliquer les mauvais résultats de nos champions. Cette année encore, notre représentante est arrivée 25ème sur 27 !

   Bizarrement, on pourrait s'en sortir avec élégance en disant que l'important, c'est de participer ! Mais, voilà, chaque année, on entend les mêmes rengaines faussement outragées : les votes sont truqués ! Comme si les Français avaient réellement envie de gagner à ce karaoké pour devoir ensuite s'endetter davantage pour organiser ce Barnum ! Qui, honnêtement, aurait accordé sa voix à celle de Lisa Angell ? Marianne James, qui vitupéra, des années durant, après de malheureux candidats, et vociféra sur les téléspectateurs censés avoir de la merde dans les oreilles, parce qu'ils n'avaient pas osé voté pour son favori ? Parisianisme quand tu nous tiens ! Que ces provinciaux sont donc stupides, quand ils ne courbent pas l'échine devant ton snobisme ! Pourtant, notre ange français n'était pas que le caprice de Marianne. La divine avait été l'élue de tous, du royal Stéphane, qui continua à défendre la chanteuse malgré un résultat en berne, au populaire Patrick Sébastien, qui l'avait lancée. Espérons que tout ce beau monde n'en ait pas un coup dans la pipe !

   Malgré ses qualités de chanteuse à voix, admettons qu'on est loin du rossignol suédois -je ne parle pas du vainqueur de 2015 Mans Zelmerlöw -, mais de la cantatrice Jenny Lind que l'on comparait à un ange, non pour son pseudonyme pompeux, mais pour la beauté de sa voix. Celle qu'engagea le prince des Mystificateurs, Phineas Taylor Barnum. Malgré tout, on trouve encore quelques parallèles entre ces cirques d'aujourd'hui et d'autrefois.

D'abord, c'est le spectacle lui-même qui est une mystification, puisqu'il parvient à nous faire oublier que c'est toute l'année que la France perd son eurovision. A-t-elle encore eu, ces dernières décennies, parmi ses dirigeants, une seule voix qui sortît du chœur tragique ? Le seul refrain que l'on nous sorte fait rimer austérité avec popularité, chômage avec sondage. Échappera-t-on seulement à ce naufrage ? Ou bien un capitaine surgira-t-il pour éviter à notre radeau de prendre l'eau, nous médusant par son charisme et… Bon, d'accord, c'est aussi peu probable que de gagner l'Eurovision. On a, au moins, une consolation : l'Allemagne , pour une fois, est arrivée dernière avec 0 point ! A force de vouloir diriger de sa main de fer l'Europe, les nations outragées lui ont fait mordre la poussière et putain, que ça fait du bien !

Pourtant, un jour, on le gagna, ce satané concours ! 1977 ! C'était la belle époque, celle de Marie Myriam, qui triomphait avec « L'oiseau et l'enfant ». Alors, pourquoi ne pas moderniser la chanson avec des paroles d'aujourd'hui. C'est facile pourtant : il suffit de s'inspirer de l'actualité :


« Comme un enfant aux yeux de poussière
Qui voit passer au loin les bateaux
Comme les migrants voguant vers la Terre 
Vois comme ce monde, ce monde est beau 

Beau le bateau, sombrant dans les vagues 
Ivre de vie, d'espoir et de rêves
Triste la chanson mourant dans les vagues 
Abandonnés, on vous laisse crever

Blanc l'innocent, le sang du poète 
Qui en chantant, pleure sur l'amour 
Pour que les autres ne troublent pas la fête
Et que la nuit se change en jour 

Jour d'une vie où l'aube se lève 
Pour réveiller l'Europe aux yeux lourds 
Où les matins effeuillent les rêves 
Pour nous donner un monde d'amour 

L'amour c'est pas toi, l'amour c'est moi 

Le migrant c'est toi, l'indifférent c'est moi. 

Noire la misère, les hommes et la guerre 
Qui croient tenir les rênes du temps 
Pays d'amour n'a pas de frontière 
Pour ceux qui ont un cœur d'enfant » 


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