Exercice de porte
Léo Noël
Petit mot d'abord pour ceux qui ont remarqué mon absence : je suis désolé de vous avoir laissé comme ça, je vais bien, je vous ai lu quand même, dès que j'ai pu.
Je reviens en vous proposant un exercice que l'on m'a fait faire dans un atelier d'écriture. Je lance une sorte de concours, avec rien à gagner, si ce n'est que déchanger autour d'un même sujet.
L'exercice se compose de deux étapes :
En partant du début d'une nouvele de Borgès :
Dans les premiers temps, existait au royaume d'Andalousie une cité où résidèrent ses rois et qui s'appelait Lebtit ou Ceuta ou Jaen. Dans cette ville, il y avait un château-fort dont la porte à deux battants ne servait ni pour entrer, ni pour sortir. Elle était destinée à rester fermée. Chaque fois qu'un roi mourait et qu'un autre roi héritait de son auguste trône, il ajoutait de ses mains une nouvelle serrure à la porte. A la fin, il y eut 24 serrures, une pour chaque roi. Alors, il advint qu'un homme pervers, qui n'appartenait pas à la maison royale, s'empara du pouvoir et, au lieu d'ajouter une serrure, voulut qu'on ouvrît les 24 précédentes, afin de connaître l'intérieur du château. Le vizir et les émirs le supplièrent de n'en rien faire, cachèrent les clés de fer et lui dirent qu'il était plus facile d'ajouter une serrure que d'en forcer 24. Mais il répétait avec une admirable astuce : "je veux examiner le contenu de ce château. Alors, ils lui offrirent toutes les richesses qu'ils avaient pu accumuler en troupeaux et en idoles chrétiennes, en or et en argent.. Mais il ne voulut pas en démordre et il ouvrit la porte avec sa main droite (qui brûlera éternellement).
J.L Borgès, "La chambre des statues" (in : Histoire de l'infamie - Histoire de l'éternité, 10/18)
Première étape : décrire méthodiquement la porte. Il s'agit d'en faire une description très poussée, presque microscopique.
Deuxième étape : Décrire les trois pièces qui se trouvent derrière cette porte.
Il est nécessaire de faire les étape dans l'ordre, c'est à dire de créer la porte sans penser à ce qui va se trouver derrière. Le but étant d'adapter le contenu des pièce à la description de la porte, et non pas l'inverse.
Ci dessous, ma production pour cet exercice, que je vous invite à ne pas lire avant d'avoir fait la vôtre.
Il ne faisait aucun doute que la porte menant aux sous-sols du chäteau resterait à jamais infranchissable. Il serait plus facile de percer les murs, et les millénaires pourraient venir par légion, que demeurerait toujours, droite et sans édifice à garder, la porte indestructible.
Lorsque Gaston, roi auto-proclamé, aux richesses infinies, m'a chargé de lui remettre un document d'étude sur la porte qui lui avait grillé la peau de la main droite, c'est en premier ma curiosité qui a été touchée. Le salaire que l'on m'a proposé, ainsi que la promesse de me pendre au bout d'une corde, en cas de refus, ont fini de me convaincre d'accepter ce travail. Mes regrets ne sont venus que bien plus tard, comme mon récit va vous l'expliquer.
Une terrible fascination : la matière, pour commencer, m'était complètement inconnue. J'ai annoté mes remarques sur mes cahiers, pour effectuer une recherche et déterminer de quelle contrée elle pourrait provenir. Sa couleur est ocre, au premier abord. Lorsque l'on se raproche, on distingue différentes lueurs, variant du jaune au marron, quelques distillats de pourpre et de violine. La surface change résolument d'aspect, selon l'heure du jour ou de la nut. Je ne parviens pas à déterminer s'il s'agit de pierre (j'ai pensé à du schiste) ou de métal.
Expérience intéressante : lorsque j'ai posé mon doigt sur un éclat clairement identifié comme jaune, celui-ci s'est aussitôt dérobé à ma vision, et les teintes sous mon doigt m'ont semblé changer. Il ne fait pas de doutes que les reflets brillants m'auront ébloui les rétines, et que j'aurait été victime de banales illusions d'optique. Cependant, la matière reste donc difficile à observer, ou même à dessiner. S'il se pouvait imprimer la lumière sur du papier grâce à un appareil savant,l'étude serait plus aisée.
Nous noterons que la porte dégage une odeur surprenante, assimilable à de la soupe brûlée.
Les serrures sont ajoutées sur le bord droit de la porte. Au nombre de 24, elles seront bientôt trop nombreuses pour accueillir une nouvelle dynastie. Il me semble qu'il reste juste assez d'espace pour loger 2 verrous supplémentaires.
Plusieurs éléments sont troublants. Le premier tient à la manière dont les blocs de fermetures sont tenus à la porte. On ne distingue aucune attache, pas de vis, ni de clous. Aussi, la serrure ne traverse jamais la porte. On pourrait les croire collés à la surface, mais malgré mes efforts, je n'ai pas réussi à désolidariser l'un d'entre eux. Je ne crois pas à une colle aussi résistante. Je ne coris pas non plus à un élément interne, caché, qui traverserait le portant (je rapelle que la porte me semble parfaitement indestructible). Reste la théorie bruemeuse du magnétisme de ce docteur flamand rencontré l'an dernier. Cela impliquerait que la porte soit en métal, si je me souviens bien le contenu de ses recherches.
Autre détail remarquable : si 17 de ces verrous sont forgés selon les armoiries de chaque roi, 7 visiblement plus anciens, sont parfaitement neutres et identiques. Leur position rassemblés au centre me font penser qu'ils ont été placés là au même moment que la pose de la porte.
Mon étude aurait du s'arrêter là, seulement Gaston ayant déjà perdu l'usage de sa main en ouvrant la porte, on m'engagea à continuer mon explration derrière la porte. Mission toute aussi effrayante que passionante.
Lorsque la porte fut ouverte, on me laisse entrer seul, plutôt par mauvaise superstition que par révérence.
Une première petite pièce s'offrit à moi, et j'espère pouvoir vous décrire fidèlement ce que j'y ai vu. Juste derrière la porte, deux grands piliers de cuivre, autour desquels de grandes bobines ont été roulées. un vacarme infernal provient d'un arc bleuté, un éclair permanent, qui relie une bobine à l'autre. Que dieu bénisse Paton, le chien de la bonne, qui, en traversant les piliers juste au moment où j'allais m'avancer, m'a parmi de savoir que j'aurais fini carbonisé.
Deux grandes lanières de cuivre rejoingent les bobine à la porte. L'une d'elle se greffe à une grande plaque de métal, derrière les verrous. Je crois deviner qu'il s'agit bel et bien d'un aimant. L'autre rejoint la poignée, ce qui explique la brûlure de Gaston.
Il m'a fallut quelques minutes pour trouver le moyen de passer le barrage des bobines. Je me suis souvenu des théories du docteur au sujet des aimants éléctriques. Si la porte peut être touchée sans danger, c'est qu'elle n'est pas conductrice de courant. La porte avait été tirée pour l'ouvrir, et en la poussant, son battant se retrouverait pile dans l'axe de l'arc électrique.
Au omment où la porte s'est placée entre les deux bobines, l'arc a été rompu, le son s'est arrêté, et j'ai pu entendre comme une énorme machinerie qui ralentit, puis s'arrête. L'endroit semblait d'un coup complètement éteint. L'aimant de la porte ne fonctionnant plus, les verrous sont tous tombés au sol. J'ai bien noté mes observations pour les envoyer au docteur.
La deuxième pièce n'est pas moins formidable. Devant moi, une machinerie extraordinaire. Je devine que le vacarme provenait des ces grandes pièces de bois et de métal dorénavant inertes. Une brume épaisse a envahie l'ensemble de la pièce, et la châleur est à peine supportable. Des braises encore rougeoyante m'indiquent que ces machines devaient fonctionner grâce à un système de pression de la vapeur. L'eau condense au plafond avant d'être récupérée par ces gouttières et acheminée vers des moulins. Les moulins sont reliés à des bobines similaires à celles de l'entrée. Il est imaginable que l'ensemble puisse fonctionner indéfiniment, par réutilisation de sa propre énergie.
Le combustible est fourni par un cavité dans le toit, qui laisse parfois tomber des détritus, vraisemblablement en provenance des égouts du château.
Sur la droite de la machine, un système de chaine véhicule du minerai depuis un grand trou creusé dans le sol. Le minerai suit un cheminement sur des tapis roulants, et sont transformés en des pavés d'une matière qui ressemble à celle utilisée pour la porte (mais plus sombre, et plus friable). Les pavés sont ensuite convoyés vers une troisième pièce.
C'est ici qu'il m'a été donné le droit de voir la chose la plus extraordinaire qu'il soit.
Une grande voûte peinte en bleue, est bariolée de fils oranges cuivrés. Un grand édifice, portant un siège en son centre, accueille les pavés de matière. Une grande cheminée sert à les bruler et ainsi alimenter la voûte électrique. En face de moi, trônant, se trouve Henri de Marne, surnommé l'immortel, il y a plus d'un millénaire, à cause de ses rêves de longévité. Son visage a gardé les mêmes traits que dans les manuels. Une myriade de fils de cuivre en provenance de la voute se rassmemble au niveau de son coeur.
C'est alors que je compris mon erreur. Henri était un génie, et de la science, et de la politique. Il avait su rassembler les peuples sous sa couronne. Son intelligence, et son inventivité, lui avait permi de construire cette machine, qui, alimentée par les déchets des sujets du château, lui permettrait de vivre tant que son royaume perdurerait. Henri, le fondateur de la paix, le symbole de notre patrie, et qui, l'instant d'avant mon intrusion, était peut-être encore vivant.
Aprés mettre essayer à l'exercice que tu as proposé, je t'ai lu. Et là, la claque. :D
· Il y a plus de 12 ans ·C'est peu que de dire que j'ai apprécié le récit que tu nous livre.
Pseudo Pseudo
Un Léo de retour !!! :))) Tu nous a manqué ...
· Il y a plus de 12 ans ·Je vais voir si je peux me "coller" à l'exercice, mais comme Mystéria, j'ai un peu des problèmes de temps !!
junon
intéressant Léo! je n'ai pas assez de temps pour me prêter à cet exercice tout de suite, mais j'y reviendrai!
· Il y a plus de 12 ans ·Karine Géhin