Expatriée (titre provisoire)

Fée Des Mots

Incipit :

Emmitouflée dans son manteau, Adèle fumait une énième cigarette. Le vent faisait danser ses longs cheveux blonds autour de son visage. La nuit avait apporté son lot de sans-abris et la jeune femme n'était pas très rassurée. Par chance, les néons restaient allumés et quelques autres passagers s'étaient installés sur les bancs peu confortables disposés autour des guichets de la EasyJet.

Adèle était arrivée par le dernier train à Charles de Gaulle. Elle attendait déjà depuis trois heures et il lui faudrait patienter encore tout autant avant le début de l'enregistrement des bagages. Les bruits, les lumières et surtout le stress l'empêchaient de dormir. Avait-elle pris la bonne décision ? Ne risquait-elle pas de le regretter ? Elle jeta le mégot sur la route et sortit une feuille de sa poche. Le papier était usé à force d'avoir été lu. Elle ferma les paupières quelques instants puis se récita mentalement les mots griffonnés qu'elle connaissait par cœur. Elle respira un grand coup. Oui, c'était risqué. Oui, elle aurait pu se contenter de la vie qu'elle avait toujours mené. N'est-ce pas ce que font les autres ? Se résigner ? Mais pas elle, non, si elle devait devenir adulte par force, ce serait par l'expérience de la vie et pas par le temps qui passe et écorne les rêves.

Adèle rentra dans le hall et reprit sa place sur le banc. Elle fit une boule de son châle et le posa sous sa tête. Etant donné l'attente, mieux valait essayer de se reposer, peut-être ainsi le temps passerait plus vite. La fatigue accumulée des derniers jours eut vite raison de ses doutes et elle s'assoupit.

La jeune femme fut réveillée en sursaut lorsqu'un homme à l'allure imposante s'installa à côté d'elle. Combien de temps avait-elle dormi ? Presque deux heures ! Une montée d'adrénaline électrisa son corps. Elle y était presque !

Adèle se leva et fit quelques pas pour se dégourdir les jambes. Les bars étaient encore fermés. Elle rêvait d'un café noir bien serré mais dut se contenter de sa bouteille d'eau. Elle tapota la poche de son manteau machinalement, là où elle conservait sa liste sacrée.

Les passagers commençaient à affluer et une file s'était formée devant la zone d'enregistrement des bagages. Adèle s'y inséra et sortit son passeport ainsi que son précieux billet d'avion. 20 janvier 2012, 8:05, vol Paris Charles de Gaulle – Catane. Un billet sans retour... Catania en italien. Elle avait espéré ce moment si longtemps, et voilà que le départ n'avait jamais été aussi proche. Finalement elle partait, laissant derrière elle la monotonie d'une vie qui ne lui ressemblait pas, abandonnant pour quelques mois la grisaille du nord de la France pour les cieux Siciliens.

La plupart des passagers n'avaient pas respecté les consignes de la compagnie aérienne concernant le bagage à main. Le temps s'écoulait donc et la file semblait interminable. Lorsqu'elle put enfin s'approcher du guichet, ce fut avec un grand sourire de soulagement. L'hôtesse lui indiqua où se rendre et une joie immense emplit son être. Pour la première fois de sa vie, elle allait prendre l'avion suite à une décision qui lui était propre, suite à un choix complètement fou. Adèle dut se retenir de courir : elle se sentait libre, vivante.

Elle passa les contrôles rapidement puis chercha la salle d'embarquement. De nouveau elle n'eut d'autre choix que de patienter sur un banc. Autour d'elle, beaucoup de Français mais aussi bien entendu des Italiens. Elle ne comprenait pas ce qu'ils se disaient car ses connaissances de la langue de Dante étaient limitées. Elle comptait d'ailleurs sur son séjour pour s'améliorer. Toutefois entendre ces voix chantantes aux intonations du sud lui donnaient l'impression d'être déjà arrivée en Italie.

Une jeune femme d'une trentaine d'années accompagnée d'un petit garçon vint s'asseoir en face d'Adèle et lui sourit.

« Vous partez en vacances ? lui demanda-t-elle avec un accent prononcé

- Oui, enfin non. Je vais faire du tourisme mais j'aimerais surtout vivre quelques temps en Italie.

- Ah oui ! s'exclama l'inconnue au regard chaleureux, vous êtes déjà allée en Sicile ?

- Non, c'est la première fois. En fait, c'est un peu l'aventure, un rêve que j'ai toujours voulu réaliser et... J'ai enfin trouvé le courage de le faire.

- Brava ! Moi, je suis venue à Paris pour voir ma soeur. Elle vit ici avec son mari qui est français. J'adore la France !

- Vous aimeriez y vivre ?

- J'y ai déjà vécu quand j'étais plus jeune, j'ai fait Erasmus. Je voulais enseigner le français mais... ce n'est pas facile, il n'y a pas beaucoup de postes en Italie pour les professeurs. Et avec mon Salvo qui prend beaucoup de temps, j'ai décidé de rester à la maison. En plus mon mari a son travail et ne parle pas français alors...

- Oui, je comprends. Vous habitez à Catane ?

- Non, nous sommes de Syracuse mais j'ai fait une partie de mes études à Catane. Si c'est là que vous allez, vous ne serez pas déçue. C'est une ville très vivante ! Syracuse est très jolie aussi, je vous la conseille si vous voulez jouer les touristes. Je ne me suis pas présentée, je suis Simona.

- Adèle, ravie de vous connaître. »

Les jeunes femmes parlèrent ainsi jusqu'à ce que les hôtesses convient les passagers à se présenter au comptoir. Adèle se sentait enjouée, sereine, sûre d'elle même. Son stress s'était évanoui. Son destin l'appelait à se réaliser, et elle répondait à l'appel. Elle présenta ses papiers à l'hôtesse puis s'engagea dans le long couloir qui la mènerait à l'avion. Un peu plus loin devant elle, le petit Salvo lui faisait des signes auxquels elle répondit amusée. L'innocence de l'enfance ! A cet âge, on s'émerveille encore de tout, le monde nous paraît immense, un grand terrain de jeux à explorer. On attend le Père-Noêl avec impatience, on craint les monstres tapis sous le lit, on croit en la magie... Sans doute n'est-ce pas rationnel, mais tout de même mieux que de se préoccuper du paiement des factures et de se résigner à la vieillesse, laissant derrière soi les joies naïves. Un adulte ne voit même plus ces petits détails somme toute insignifiants mais qui peuvent embellir une journée, tel un rayon de soleil perçant un nuage, une couleur dans le ciel, un nid d'oiseau... Non, un adulte marche la tête baissée, met un pas après l'autre le regard centré sur ses soucis et ses doutes. Pas tous les adultes sans doute, mais la plupart. Adèle en faisait partie, mais à présent elle voulait voir le monde avec son regard d'enfant, positive, gaie. Les problèmes pouvaient attendre, la vie quant à elle n'attend pas.

Placée à côté du hublot, elle ne voulait rien manquer. Lorsque l'avion s'éleva, elle se sentit gagner par l'excitation. Elle observait fascinée Paris et la France s'éloigner. Quelques larmes d'émotions vinrent inonder ses yeux noisette. Elle pleurait de joie. Elle pleurait sur le temps perdu, mais avec le sourire. Une nouvelle vie commençait pour de bon. Elle sortit de sa poche sa liste de rêves ainsi qu'un crayon de son sac. Numéro 1 : quitter la France et vivre en Italie. Elle nota la date et fit une croix. « Fait, pensa-t-elle, au suivant ! ».

Synopsis :

Adèle vient de fêter ses 30 ans ce qui fut l'occasion pour elle de faire un bilan.Entre ce qu'elle espérait à vingt ans et sa réalité à trente... Tout est différent. Adèle se rend compte avec stupeur qu'elle ne rêve plus, qu'elle n'a plus d'ambition. Elle comprend qu'elle a passé dix années comme spectatrice de son existence sans prendre réellement de décision. Employée dans une librairie de voyages à Lille, Adèle s'ennuie et se sent limitée. Adèle s'interroge sur elle-même, sur le sens de la vie. Est-ce qu'être adulte, c'est renoncer à ses rêves ? Que souhaite-t-elle pour elle ? Quels sont ses désirs secrets ? Et s'il n'était pas trop tard pour se réaliser ?

Adèle décide que ses trente ans marqueront le début d'une renaissance. Après avoir dressé la liste des choses qu'elle souhaiterait faire au moins une fois au cours de sa vie, elle planifie secrètement son départ. Elle a soif de nouveautés, d'aventures, d'inconnu, elle veut fuir sa vie monotone. Adèle part donc à la conquête d'elle-même et de ses rêves. En tête de liste, elle a inscrit « vivre en Italie », puis « écrire un roman ».

L'incipit présente Adèle attendant son avion qui l'emmènera vers Catane et la réalisation de son premier vœu sur une liste de plus de cent souhaits. Elle sera amenée à rentrer en France puis à s'expatrier définitivement à Milan.

  • En fait, l'idée n'est pas de redevenir enfant, mais de retrouver son âme d'enfant. Je suis donc entièrement d'accord avec vous sur l'idée de l'adulte dont l'enfant que nous avons été serait fier... Toutefois pour arriver à ce résultat, il faut prendre quelques chemins, parfois tordus, parfois fous, parfois compliqués, se tromper pour réussir. Vous avez compris cependant l'issue de ce roman... En effet, c'est un chemin vers l'âge adulte réel mais au travers la redécouverte des joies innocentes.
    Pour la petite histoire, ma propre liste contient... environ 150 choses... J'en ai déjà réalisé quelques unes ;)

    · Il y a presque 12 ans ·
    Moi orig

    Fée Des Mots

  • Le tout n'est peut-être pas de rester un enfant toute sa vie, mais de devenir un adulte dont l'enfant que nous avons été serait fier :)
    En tout cas une histoire basée sur cette fameuse liste de 100 choses à faire c'est chouette. Personnellement la mienne ne fait pas 100 choses, les listes trop longues me font peur ! :D

    · Il y a presque 12 ans ·
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    laracinedesmots

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