Faire-valoir

Je ne fais pas partie de ces personnes. Ces belles personnes. Celles qui remplacent les étoiles quand il fait sombre. Celles qui, en toutes circonstances, brillent de mille feux. De par leur personnalité, leur physique, leur charme. Elles sont toujours remarquées, où qu'elles passent, où qu'elles aillent, quoi qu'elles fassent. Les étoiles sont faites pour briller. Et éclipser la noirceur veloutée du ciel. Je suis la noirceur. Je suis celle qui est éclipsée par ces personnes irréprochables. Je l'ai toujours été. Un faire-valoir. Si les autres doivent briller, alors je serais celle qui se ternie au contact de cette lumière.

Je ne suis pas belle. Je suis banale. Je ne suis pas irrésistible. Je suis banale. Je ne suis pas hilarante. Je suis banale. Je ne suis pas intelligente. Je suis banale. Je ne suis pas talentueuse. Je suis banale. Je suis une ombre. L'ombre d'une étoile.

Ces étoiles nous attirent pourtant irrémédiablement car ce sont des êtres bons et généreux. Et nous les attirons aussi. Mais est-ce vraiment pour ce que nous renfermons dans notre cœur sombre, ou bien est-ce, inconsciemment, pour rayonner encore davantage ? Ce mot, toujours, s'impose : faire-valoir. Toujours moins belle. Toujours moins séduisante. Toujours moins intéressante. Est-ce du pur masochisme que d'être attirées par ces belles personnes alors que nous sommes parfaitement conscient qu'à leurs côtés, nous ne sommes plus rien ? Sommes-nous vraiment responsables de ce phénomène ? Ces étoiles ne sont-elles pas des mantes religieuses cachées derrière leurs rayons aveuglants ?

Et pourtant, nous, les ombres, ne désirons qu'une chose. Devenir une étoile. Pouvoir briller comme elles. Pouvoir exercer cette attraction irrésistible sur les autres êtres. Pouvoir, juste une fois, à leurs côtés, ne pas être éclipsées. Mais nos espoirs sont chaque jour plus faible. Nos rêves de moins en moins réels. Nos ambitions de plus en plus ternes. Parce que nous savons, au fond de nos cœurs sombres, que ce jour ne viendra jamais.