Fallen Angel

La brise fraiche du large frappait ma nuque, soulevant ma queue de cheval rousse ondulée. Les tongues à la main, je marchais dans l'eau salée au bord de la méditerranée. Après onze long mois de travail acharné, je m'accordais enfin une petite semaine de vacances bien méritée. Distraite, je me cognais brutalement le petit orteil contre un coquillage et grimaçais de douleur. J'avais décidément trouvé ma chance dans un papier Kinder.

En m'asseyant dans le sable humide, je me massais le pied. Tant pis pour mon short ; il était en jean.

Les couleurs chaudes du couché de soleil me firent relever la tête, et je découvrais un ciel empli de quelques petits nuages rosés s'étendant à perte de vue, le crépuscule tout de même visible comme par magie.

Joli.

Depuis le temps que mes yeux le réclamait, ce couché de soleil en bord de mer...

J'enlevais l'élastique qui retenait mes cheveux, les ébouriffants de ma main libre et souriais au soleil.

Enfin, j'étais en vacances.

-

Une vingtaine de mètres plus haut, trois jeunes hommes ailés étaient penchés au dessus de la scène assis tranquillement sur un nuage et ricanaient comme des idiots. Le Père s'approcha, les mains sur les hanches. La colère brillait dans son regard sage.

- Ces ricanements sont ils vraiment nécessaire ?

Les trois malins sursautèrent et utilisèrent leurs ailes emplis de plumes d'un blanc immaculé pour s'envoler de quelques centimètres, évitant de basculer dans le vide. Censés représentés la paix et l'harmonie, l'être suprême était mécontent de constater que ses créatures venaient de se moquer d'une de ses créations préférées.

Au moins, deux des jeunes hommes se confondaient en excuses. Mais le troisième, possédant une chevelure flamboyante, se contentait de soupirer d'un air détaché.

- Eren, cela fait déjà plusieurs fois que je te prend à te moquer des Hommes. Pourquoi tant d'acharnement ?

Il haussa les épaules avant de regarder le puissant dans les yeux.

- Je ne comprend simplement pas pourquoi vous y tenez tant. Ces créatures sont si stupides et maladroites, elles ne servent à rien.

Ses camarades le regardèrent la bouche pendante. L'audace de cet Ange-ci les prenaient d'abord au dépourvu. Puis, ils le trouvèrent bien bête. Comment pouvait-il penser ça de la création favorite du Puissant ? Le Père se contenta de rire gravement.

- Bien bien bien. Apprend donc de tes erreurs et relève toi plus fort.

Une bourrasque de vent surpuissante balaya le jeune ailé écarlate de son emplacement et il tomba par le trou du nuage.

Presque impatient, le Père s'installa confortablement sur le nuage, ordonnant aux deux autres anges de faire de même.

- Quant à vous, observez.

-

La brise transformée en semblant de tempête se calma après quelques instants. Surprise de ce coup de vent capricieux, j'observais le ciel une nouvelle fois. Une vague un peu plus grande que les précédentes me surprise, me trempant totalement. Je jurai.

- Bon sang... Est-ce qu'un jour je pourrai avoir un minimum de compassion ?

Je rougis soudainement, réalisant avoir prononcé cette phrase à voix haute. Heureusement, j'étais seule sur la plage et n'étais pas obligée de me soucier de la portée de mes mots. Je ravalai un soupir en regardant ébahie une chose tomber du ciel face au soleil. Un... Oiseau ? Non, il avait un corps humanoïde. Mes dents commencèrent à s'entrechoquer entre elles et je me frictionnais les bras. L'eau refroidissant sur ma peau commençait à se faire sentir.

Le corps tomba à quelques mètres de moi, m'éclaboussant à nouveau. Je pariais sur une force supérieur se moquant de moi. En grinçant des dents, je me relevai et m'approchai de la chose, complétement intriguée. Était-ce un homme qui venait de tomber du ciel ? Un alien ?

Je m'aperçus que l'être, qu'importe sa nature, avait la chevelure rouge. Curieuse, je me penchais sur son corps étendu pour appuyer mon doigt sur la peau tendue et musculeuse de son ventre.

- Hé garçon, tu es encore vivant ?

Sans crier gare, il m'attrapa le poignet de sa main à une vitesse hallucinante qui me fit sursauter. Ainsi, il était encore vivant malgré la chute. Et bien...

Je ne pus m'empêcher d'observer les muscles de son bras.

- Bordel... Tu abuses le vieux.

Un éclair apparut dans le ciel, naissant de nulle part. Mais qu'est ce qu'il se passait ?

- Oui oui, c'est bon.

Je me concentrais une nouvelle fois sur ce qu'il me semblait être un homme -humain, je veux dire- qui venait de s'asseoir en tailleur face à moi et avait passé une main fatiguée dans ses cheveux. Il me lâcha le poignet et porta un regard noir vers ma personne.

- Tu te rend compte que tu parles tout seul ? Commençais-je en ignorant sa hargne. Et qu'est ce que tu fiches ici ? Je suis certaine que tu t'es échappé d'un asile proche. Ton problème serait-il la schyzoph...

Il posa violemment une main sur ma bouche, m'empêchant de dire un mot de plus.

- Sérieusement, tu parles trop. Tout les Hommes sont-ils comme toi ?

Il retira sa main, m'autorisant à de nouveau m'exprimer.

- Je n'en sais rien, je suis une femme. En même temps, un homme nu tombant du ciel, tout juste face à moi. Quelle réaction devrais-je avoir ?

Il me dévisagea avant de pousser un long soupir

- Je ne suis pas un Homme.

Je me retins de pouffer... Enfaite non. Je ne réussis pas et me mise à ricaner d'un rire de mouette face à lui. Ses joues se mirent à rougir et il me regarda vexé, se retenant surement de me frapper.

- Tu serais quoi alors, un oiseau ? Me moquais-je

Un rictus mauvais étira ses lèvres et il se mit debout et me montra son dos...

- Disons que ça y ressemble fortement. Ricana t-il à son tour.

… Ailé.

Je poussai un cri et mes jambes ne me portant plus, je tombai les fesses dans le sable.

- Comment c'est possible, ça ?

Ma curiosité l'énerva et il soupira une nouvelle fois.

- Tu m'énerves ! Vous autres les humains êtes tellement ignorants, si stupides, si bavards... !

Ayant repris mes esprits, je me levai et observai ce garçon qui ne pouvait être qu'un ange, gesticuler et râler sur place.

- Je peux te faire un câlin ? Demandai-je en interrompant son monologue.

Il me regarda, les yeux exorbités.

- Heu, je... Bafouilla t-il.

- S'il te plaît. J'aimerai te remercier toi et ta race, et comme je suis sûre que là ou tu vas rien ne te seras utile, je pense que seulement un contact entre toi et moi pourra apaiser ce besoin que j'ai de remercier les forces supérieurs.

Je n'étais pas spécialement croyante mais il y avait quelque mois de ça, ma famille entière avait subit un accident d'avion et à part quelques os de brisés, tout le monde s'en était sorti indemne. La chance avait peut être été de leur coté ce jour là mais depuis, j'avais un besoin permanent de remercier les choses que l'on ne peut voir et n'avait pas eu encore l'occasion d'aller à l'église. Maintenant que je pouvais le faire en direct avec un des membres de là haut, je ne pouvais laisser passer pareille occasion.

Il finit par écarter timidement les bras et je l'enlaçait, remarquant qu'il n'avait pas de pouls et essayant de faire abstraction de sa nudité -ce fût extrêmement compliqué d'ailleurs, étant donné le magnifique corps qu'il possédait. Finalement, il pouvait être bien gentil monsieur l'ange ronchon.

Je me détachai de lui en soupirant de bien-être, enfin apaisée et observai le soleil qui s'approchait de plus en plus de la mer. J'en profitai donc pour tirer sur le bras de l'étrange être.

- Regarde ! Le soleil se couche.

Il me regarda encore une fois étrangement et s'assit.

- Le soleil ne se couche pas, c'est la terre qui tourne. Et puis, ce n'est pas vraiment un fait étonnant.

Je m'asseyais à coté de lui, posant mes coudes sur mes genoux tout en fixant l'immense boule de feu disparaître peu à peu

- Peu importe, du point de vu des habitants de notre planète le résultat reste le même. Et laisse moi te dire monsieur l'ange qu'étonnant ou non, tu ne peux nier que ce phénomène est beau.

C'était vrai, non ? Comment est-ce qu'une créature du ciel pouvait se montrer aussi capricieuse ? Peut m'importait à vrai dire. Cette créature aurait pu rassembler tous les scientifiques du globe pour essayer d'en comprendre son fonctionnement mais moi ce qui m'intéressait en cet instant précis était de voir le soleil lâcher ses derniers rayons rouge et rose sur la ville de Cannes.

- Un ange, hein ? Tu as deviné ça toute seule ?

Il m'observa, souriant réellement sincèrement depuis qu'il avait atterrit, ce qui me fit chaud au cœur.

- Hé, je ne suis pas une idiote !

Je lui balançais une gerbe d'eau salée en riant qu'il évita. M'imitant, il me renvoya l'eau d'un coup d'aile en lâchant un rire cristallin qui fit vibrer mes os. Je l'évitais de justesse et regardais disparaître le soleil au loin. Nous restions silencieux quelques instants et j'observais ma montre.

- Désolée Angel, mais je dois te laisser. A partir de vingt trois heures mon camping n'ouvre plus les portes aux personnes extérieur et je n'ai pas pris d'argent sur moi. Heureuse de t'avoir rencontré !

Je lui fis un signe et allais m'éloigner quand il m'attrapa de nouveau le poignet.

- Je m'appelle Eren, pas Angel. Et toi ?

Je lui lançais un sourire en ramenant une mèche rebelle humide derrière mon oreille

- Julie Brown. Pourquoi veux tu savoir ça Eren ? Tu comptes demander à ton supérieur de devenir mon ange gardien ?

Il s'empourpra et lança un regard perdu vers un goéland qui s'était posé tranquillement près de nous et qui observait la scène d'un air idiot.

- Peut être bien.

Sa réponse me fis rire et je tirai sur son bras pour lui claquer un baiser sur la joue.

- Dans ce cas, à bientôt monsieur l'ange Eren.

Il me relâcha en acquiesçant silencieusement et je me mise à marcher vers la sortie de plage. Je me rendrais peut être vraiment compte plus tard que j'avais eu la chance de rencontrer un ange, que je l'avais embrasser et câliner, ce qui n'était vraiment pas commun à la race humaine. Mais pour l'instant mon soucis de camping primait. Je m'arrêtais tout de même et lançais un regard en arrière juste à temps pour apercevoir Eren disparaître majestueusement d'un coup d'aile entre les nuages. Était-il venu sur terre juste pour me parler, maintenant que j'y pense ? Ou alors il y avait été obligé. Sa mauvaise humeur du début et sa schizophrénie étaient de bons arguments, oui. C'était surement cette deuxième supposition qui était la plus juste. Je lui demanderai si un jour nous nous revoyons.

Je pense que même un prêtre ne croirait pas cette histoire si je la lui racontait, songeai-je en souriant.

C'est en courant que je me dirigeai vers mon camping, mes pensées divaguant déjà vers ma routine de travail habituel qui recommencerait le lundi prochain.

-

- Alors Eren, qu'a tu appris de cette expérience ?

L'ange à la chevelure flamboyante ne pouvait s'enlever un sourire béat du visage. Il marchait tranquillement en direction du Paradis aux cotés du Puissant qui avait la net impression d'avoir aidé le jeune ange à avancer dans la longue vie qui l'attendait.

- Et bien, commença Eren, les humains sont toujours aussi stupides et maladroits que je le pensais, et en plus de ça, ils sont bavards.

Le Père se demandait si il devait renvoyer Eren dans le monde d'en bas quand ce dernier reprit la parole.

- Mais, ils sont également imprévisibles, taquins, gentils et heureux comme leurs pieds. Ce qui fait d'eux des êtres à part entière et à aimer profondément.

Les joues de l'ange devinrent rosés et le Puissant sourit. Son disciple avait enfin compris.

- Ta conclusion est bonne, Eren. Toutefois, essaye de contrôler un peu mieux tes sentiments. Je suis sur que cette jeune humaine a lu en toi comme dans un livre ouvert.

Il sourit et lissa ses cheveux écarlates en arrière.

- Oh non, croyez moi. Cette fille est une idiote profonde.

- Mais... l'encouragea le Père

Il dépassèrent le portail doré du Paradis lorsque l'ange essaya du mieux qu'il pût de paraître innocent

- Mais... Puis-je devenir son ange gardien ?

Le puissant ria de bon cœur et accepta en ébouriffant les cheveux du jeune homme ailé. L'ange avait décidément bien appris.