Fin de voyage

Yeza Ahem

Un voyage à peine commencé, trop vite terminé...

Ça y est : je suis touchée ! Une première goutte me ramollit sur tout mon flanc droit. "Vite, Autan, emporte-moi !" Une autre goutte, plus petite que la première, empâte une autre part de moi et me colle un instant au macadam. "Souffle plus fort, vent, sauve-moi !" Tu étais une promesse d'aventures, sous d'autres cieux, moins pluvieux, sous d'autres mains, moins cruelles.

Ah... cette main... J'étais si fière, l'émancipation était enfin venue. J'avais tant attendu cette rupture avec le bloc familial ! J'avais été choisie : moi, après quelques aînées, et avant de nombreuses cadettes. Je rêvais si fort de voyages dont même mon nom semblait un présage.

Je ballotte encore, mon flanc gauche n'est pas encore atteint. Mais je sens que je me dilue ; je perds de mes couleurs, j'en oublie mon message, pourtant devenu ma raison d'être. Le vent passe sur moi, et sur des feuilles autochtones, résignées à la mort, d'après l'une d'elle, partie dans une pirouette.

Ah... cette main... elle semblait avoir tant besoin de moi. Tatouée par elle, j'étais posée près d'elle. Souvent, elle me prenait, me reposait. Et puis...

Une dernière goutte vient me clouer au sol. Je n'ai plus la force de me soulever. Je me fais une raison. Je ne transmettrai plus mon message, je ne serai plus caressée par la bille d'un stylo ou la pulpe d'un index. Je vais m'éteindre, seule, brouillée, délavée, peut-être piétinée.

Mon nom sonnait pourtant bien, destiné au voyage : "post-it".


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