Fleurs de Pluie
nehara
Elles grondent en se déversant rageusement d'un ciel délavé de suie.
En gerbes, elles s'abattent sur l'herbe asphyxiée des villes bétonnées qui se dressent avec arrogance , telles des guerrières agressives, faisant front à l'assaut de là « eau ».
Assise dans mon auto, enveloppée dans ma coque métallique, comme un insecte au cœur d'une carapace nacrée, j'écoute rugir ces hallebardes qui par milliers, se fichent avec violence au dessus de ma tête. Des épées d'eaux assaillent mon petit vaisseau noyé sous leurs flots.
Je n'ai pas peur. Au contraire mon cœur jubile. Portée par ces cascades rugissantes surgissant du ciel béant, je me laisse entraîner par leurs chants conquérants.
J'accompagne par les pulsations de mon sang la manifestation de cette furie en tempête. Les yeux grands ouverts, j'observe fascinée, la chorégraphie majestueuse de ces lames qui giclent sous l'éclat des pneus. Aspergeant des jambes affolées qui dévorent l'asphalte en grands bonds désordonnés.
Les cercles lumineux des phares dessinent des halos aveuglants. Alignés les uns aux autres en long rang de perles fluorescentes, ils semblent s'agiter convulsivement, autour du cou d'une belle Africaine à la peau luisante au sortir d'un fleuve sacré. Elle s'ébroue, en gestes lents et saccadés. Gracieuse et tintinnabulant de tous ces bracelets, breloques et colifichets colorés comme le flan des autos se déroulant devant moi...
Je divague. Je rêve au cœur de ce grondement ininterrompu.
Je cueille des fleurs de pluie.J'enfouis mon visage fiévreux sous leur masse insaisissable et m‘abreuve de leur éphémère beauté. Elles ont l'odeur de la terre grasse. Riche d'humus et d'herbe crue tranchée à vif. Elles exhalent un âcre parfum dont j'emplis voluptueusement mes narines.
Je m'enivre de ces subtils arômes et me laisse partir à la dérive. Images et mots sautent à pieds joints dans les flaques. Enfants joyeux et facétieux. Je souris et soupire d'aise...pour tressaillir brutalement sous le bruyant beuglement d'un monstre qui s'avère être un Un coup de klaxon agressif…
Mince ! Le feu est vert !
Crevée la petite bulle de rêve, de délire diluvien, il faut avancer…
Quelle hypersensibilité...!
· Il y a environ 6 ans ·La pluie bénédiction du ciel...
;-))
kephas
Ah l'odeur de la pluie de la terre, de la vie,,, j'aime ;-)
· Il y a environ 7 ans ·Patrick Gonzalez
Merci Louve. Quel plaisir que de s’immerger dans ces instants éphémères où les éléments se déchaînent n’est ce pas? C’est réellement magique si la peur ne court-circuite pas cette attention! Rire
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Oui, il est certain qu'il ne faut pas trop traîner dehors, à l'abri on apprécie encore mieux.
· Il y a environ 7 ans ·Louve
Un bonheur que ton texte nehara. On y est !
· Il y a environ 7 ans ·Moi, ce que j'aime, c'est juste l'instant avant l'orage, tout est silencieux, le ciel est d'encre...j'attends qu'il éclate. C'est une sacrée sensation. J'ai un texte ici : "Le bel orage", si tu as envie de le lire, pas obligée du tout !
Louve
C’est avec plaisir que je lirais ton texte Louve. J’aime autant lire et découvrir les autres univers avec passion que décrire les miens. ;0
· Il y a environ 7 ans ·nehara
J’ai connu des pluies tropicales au Viêt Nam. Cela ne dure jamais très longtemps, mais la circulation s’arrête complètement, il est impossible de rouler même au pas. On ne voit que de l’eau. Comme il y a énormément de deux roues, on apprécie davantage d’être au sec dans une berline. Les pauvres sans abri, trempés jusqu’aux os, ne fuit pas les eaux, ils semblent accepter fatalistes l’ire du ciel.
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
Merci Sy Lou. C’est vrai que c’est bon de se laisser bercer durant ces trajets interminables par des rêveries qui colorent l’attente et apaisent l’esprit ;)
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Très imaginatif et très beau. J'apprécie :)
· Il y a environ 7 ans ·Justement, l'autre jour, j'éprouvais les mêmes sentiments, bien abritée dans ma voiture, d'un vent impossible qui soufflait sa rage...
Sy Lou