Georges.

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Extrait: " Il m'arrive dans une journée, d'écrire plusieurs fois un même texte afin d'arriver vers l'épure. C'est normal, je dessine mal et j'aime me coucher l'esprit tranquille."

Notre patrimoine immobilier ne nous rapportait plus rien. Nos locations tombaient en désuétude, les volets se décrochaient des bâtiments et ça sentait fortement l'urine dans les escaliers. Avec des taux d'emprunt proche du zéro et un chômage inexistant (nous habitions tout près de la frontière Suisse), le petit personnel finissait par acheter son petit chez soi, même notre homme de ménage.

- Betty tu te rends compte ? Georges vient de s'acheter sa maison !

- Je te l'ai toujours dit, mais t'as jamais voulu l'entendre: on le paye trop cher notre Georges !

- On le paye trop cher, on le paye trop cher ! Avec tous les petits services qu'il nous rend on peut pas dire qu'on se fasse enculer de trop !

- Parle pour toi !

Dans ce 'parle pour toi', il y eut comme un long moment de grand silence, de ce genre de silence que l'on peut retrouver dans un chien mort écrasé sur la route à l'orée d'un bois, et où lorsque à l'approche de la bête l'on cherche à savoir si les pattes bougent encore, l'on s'étonne que oui.

- Ben tu dis plus rien ! T'as avalé ta langue ?

- Non, du tout ! Je réfléchissais !

- Putain ! Durant 1 minute, j'ai cru que t'étais vraiment mort mon chéri, tu m'as fait peur !

- Comme le chien sur la route ?


Ce que je trouve d'extraordinaire dans un couple qui s'évertue à s'aimer depuis plusieurs années, c'est le fait de passer encore du temps à se regarder vivre, sachant que chacun des deux protagonistes arrive à lire dans la pensée de l'autre sans qu'aucun n'ose vraiment dire: tu me fais chier !

Il y a comme une sorte de petit nuage suspendu sur leurs têtes, un petit nuage depuis bien longtemps installé sur leur territoire et qui semble faire partie d'une station météo mal équipée, dans laquelle les prévisions seraient inutiles parce que le soleil finira un jour par se coucher plus tôt que d'habitude.


- Tu ferais quoi, toi ?

- Comment ça, je ferais quoi, moi ?

- Si j'étais vraiment mort, tu ferais quoi mon cœur ?

- Ben, je serais dans la merde ! Avec tout ce parc immobilier, toutes ces villas et ces appartements délaissés, ça me coûterais une blinde de tout remettre en état ! Autant les revendre !

- Et de Georges, tu en ferais quoi ?

- Ben, t'as vu sa gueule au jour d'aujourd'hui ? Autant racheter du neuf !


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