Grandir

jo75

Des étoiles plein les yeux, des papillons au creux du ventre, c'est heureuse et sereine que j'ai entamé 2013. Une envie de sauter partout, de crier mon bonheur à tout Paris : je vivais enfin mon conte de fées tant attendu.

"We found love in a hopeless place, we found love in a hopeless place", je lui fredonnais à l'oreille, blottie dans ses bras.

Mais rattrapée par la réalité, l'illusion s'est évaporée. Je plaide coupable : "I  remember years ago someone told me I should take caution when it comes to love. [...] I was careless I forgot. I did."

Telles les fleurs en hiver, j'ai perdu de mes couleurs, me retrouvant nue et vulnérable, mon bonheur fané gisant à mes pieds. Mon corps a ployé sous la violence et la brutalité du choc, accablé par la perte inattendue.

Je me revois à terre, le visage enfoui dans la neige, serrant les dents de douleur et gisant dans mon innocence perdue. Chaque inspiration m'arrache un morceau de moi, mes larmes roulent sur mes joues pour se figer en de petits cristaux se brisant au sol, tout comme chacun de mes rêves.

Je m'entends lui chantonner, inconsciente, cette prophétie réalisatrice : "If you ever leave me baby, leave some morphine at my door. [...] 'Cause there'll be no sunlight if I lose you, baby. There'll be no clear skies if I lose you, baby. Just like the clouds my eyes will do the same, if you walk away, everyday it will rain, rain, rain."

Le cœur en lambeaux, l'absurde espoir m'a poussée à faire offrande, à deux mains, de ma dignité pour recueillir à tout prix une once du bonheur perdu. Refusant l'évidence, la raison anesthésiée par la douleur et courbant l'échine, j'ai supplié : "Don't bury me, don't let me down, don't say it's over".

Mais face à un mur de silence et d'indifférence, résignée, j'ai  pansé mes blessures ouvertes et oublié la petite fille en moi.

Pour la nouvelle saison, j'ai alors déposé mon cœur encore tuméfié dans une cage blindée, à l'abri des coups et blessures. Désormais "je me fous des princes charmants, leurs promesses je les oublie. [...] Je parie sur les amants quand vient le printemps à Paris."

L'été a fini d'assécher ces larmes qui, je me le suis promis, ne couleront plus jamais. J'ai arraché cette page de mon conte de fées, écrite par la petite fille en moi, pour raconter au monde ma nouvelle histoire, celle de l'adulte qui a scellé tous ses rêves dans une boîte de Pandore.

Pour l'automne j'ai troqué ma dignité, offrant à la place mon corps, ce pantin insensible et désarticulé. Dans mes draps se succèdent des hommes sans nom et sans visage. Depuis, je fredonne tous les jours ce même refrain : "Comment ? Comment t'appelles-tu ce matin ? Tu peux m'attendre je n'en sais rien. Comment ? Comment ? Comment sera le prochain ? [...] Comment ? Comment ? Comment s'appellera demain ?"

2014 me le dira.

  • j'espère que 2014 sera moins amer. Les sentiments lors des premiers chagrins sont souvent exacerbés. Je trouve que tu as très bien su l'exprimer.

    · Il y a presque 11 ans ·
    Corbis 42 24047422

    Cleo Ballatore

    • Merci Cleo, je l'espère aussi ! En tous cas, j'ai découvert il y a peu que cela faisait du bien de tout retranscrire par écrit. C'est une sorte d'extériorisation moins violente que la colère ou les pleurs.

      · Il y a presque 11 ans ·
      Gustav klimt 017

      jo75

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