Hériter et transmettre
Jean Claude Blanc
Hériter et transmettre
Il est de tradition, dans mon petit village
Quand l'âge de mourir, se pointe à l'horizon
De céder ses avoirs, mais en juste partage
A ceux qu'ont mérité, d'hériter du pognon
Je revois mon école, maternelle et primaire
Entourée d'une cour, de platanes centenaires
C'est là que j'ai appris, non sans difficulté
A lire et à compter, ce n'était pas gagné
Plus tard, jeune marié, ma dote j'ai apportée
Ménage organisé, prévenant, et méfiant
Chacun de son côté, à chacun son argent
Pour conclure le contrat, nous a fallu signer
On a eu des enfants, la chance de transmettre
Nos biens accumulés, sinon en pure perte
A leur tour, ont grandi, et nous on a vieilli
Ils ont fui la maison, on campe sur nos acquis
Se plaindre serait honteux, mais on regrette un peu
N'avoir pas apprécié, ces cadeaux généreux
Légués par nos ancêtres, tellement parcimonieux
L'histoire se répète, on aime faire des heureux
Avoir du patrimoine, selon comme on l'entend
On peut se voir venir, et passer du bon temps
Avoir de l'instruction, c'est plus que la fortune
Allez interroger, ceux qu'ont pas fait d'études
Hériter et transmettre, remonte à nuit des temps
Mais c'est grâce à l'Ecole, que l'on est passés maitres
De notre vif esprit, mais pas toujours brillant
Instruit de ses faiblesses, se dérobe notre Etre
Avec quelques bagages, on peut gagner l'azur
S'envolent nos idées, pour penser l'aventure
Homme par-dessus tout, veut s'élever plus haut
C'est un drôle d'oiseau, équipé d'un cerveau
Une dose d'hérédité, fait de mal à personne
Encore faut-il savoir, qui a fait ce que nous sommes
Est né, ce que l'on est, misérable, plein aux as
On transmet ce qu'on peut, charitable, ou rapace
Un semblant réaliste, mais pas matérialiste
Me font vraiment marrer, ceux qui cachent leur trésor
Harpagons de mes deux, ont su trouver la piste
Des iles ensoleillées, loties de coffre-fort
Pas « caïman pareil », d'y aller en touriste
Me rappelle ce pamphlet, conté par ma mère grand
Un savoureux proverbe, pour avare consternant
« ça ne s'est jamais vu, lors d'un enterrement
Qu'un coffre-fort à pattes, suive le corbillard
Du mort mis en boite, qu'a plus besoin d'argent
Ses héritiers, le prient, ont peur du revenant… »
C'est ma façon lucide, de conjurer le sort
De ceux qui croient que l'or, va les rendre plus forts
Même s'il fait des petits, pendant, que nous on dort
On ne le voit jamais, mais sert de passeport
A ceux qu'en sont pourvus, et qui n'ont jamais tort
Hériter et transmettre, honore l'espère humaine
Chacun de nous sur Terre, devrait tendre la main
A ses voisins, ses frères, pour faire une longue chaine
Se confiant à l'oreille, que d'amour, on a faim
On n'est pas si nombreux, sur notre planisphère
Alors pourquoi, Mon Dieu, s'entourer de frontières
On va pas s'évader, se perdre dans l'univers
Et puis d'éternité, on ne saurait que faire
Les lois de la nature, s'imposeront toujours
Nous-mêmes concernés, on nait, on pousse, on crève
Il faut en profiter, est court notre séjour
Mais apprendre à mourir, ne suis pas bon élève
Je préfère comme Brassens, « faire la mort buissonnière »
Eduquer nos gamins, c'est les faire cogiter
Leur montrer le chemin, d'embuches, parsemé
Proscrire la connexion, avec le web savant
Célébrer l'élitisme, de savoir, exigeant
Issu d'une région, où fait pas beau l'hiver
Dur d'aller à l'école, les routes pleines de congères
Dans la classe gelée, notre vieil instituteur
Nous faisait la morale, pour un brin de chaleur
Héritier de lui-même, les larmes pour pleurer
Orphelin, sans passé, maigre son paquetage
Tout appris de la vie, son esprit éclairé
Savait à nous ses gosses, délivrer son message
Bonne ou mauvaise conscience, ce n'est pas ça qui compte
Pour avancer toujours, faut jamais avoir honte
Du passé révolu, la mémoire est têtue
Fiers de nos ainés, on en gobe les vertus
« Dessine-moi un mouton », ça veut en dire long
De guider ta menotte, des déliés et des ronds
Tu vas me dépasser, devenu grand garçon
Hériter et transmettre, y'a pas plus belle leçon
Les courageux saumons, remontent le courant
Une fois leurs œufs pondues, ils meurent tout simplement JC Blanc janvier 2015