Histoire d'une vie sans histoire

yl5

Te souviens-tu du ruisseau et du ricochet,

Qui faisait d’une pierre plate un Jésus d’aquarium ?

Tes pensées d’alors n’étaient pas celles de Pascal,

Tu songeais d’abord à câliner Casimir,

Puis en cachette à sucer des bonbons en sachet,

Tout en te gavant sur ton petit lit d’albums,

Peuplés de héros triomphant du pire chacal.

Il y avait bien l’école pour te faire gémir,

Avec ses maîtres raidis façon Pinochet,

T’infligeant pour tout bavardage un dur pensum,

Conjuguant ton temps libre en longues heures de bocal,

Pendant que tes amis s’amusaient à en frémir.

Le temps des amours se présenta au guichet,

Tu l’emmenas au cinéma voir un péplum

et dans la forêt cueillir son fruit tropical,

Mais pour toucher au but plus haut que le Pamir,

Tu as même dû lui offrir un colifichet.

Conquis tu te marias au son de l’harmonium,

Généras deux humains, minimum syndical,

que tu charrias en vacances nager à Izmir.

Tu travaillas d’arrache-pied courant le cachet,

Citoyen, tu n’oublias nul référendum,

Bon père, tu épargnas pour trouver un local.

Réfléchi tu as vu ta raison s’affermir,

Même si parfois tu abusas du Montrachet,

Sans aller les meilleures années jusqu’au magnum,

Tu sus rester mesuré, toujours amical.

Tes jours à besogner et tes nuits à dormir,

Tu vécus tranquillement, péchant le brochet.

Aujourd’hui, tas vieilli, tu n’es plus au summum,

Tu résistes, et fréquentes le monde médical

De plus en plus souvent, de peur de blêmir.

Viendra bientôt la fin, tu seras un déchet.

On t’enverra en convoi au funérarium,

Mort vieux, sur le coup victime d’un mal cervical,

Tu seras cendres telles que les volcans émirent.

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