Histoires d'ex

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Il faut que je compte.

C'est malheureux à dire, mais c'est un fait : il faut que je compte. Que je liste. Que je me remémore.

Et je ne noterai pas les coups d'un soir, ni ceux qui se sont servis de moi comme d'un jouet, ou d'une marionnette contrainte et forcée. Ceux à cause de qui j'ai terminé deux fois ma route devant un gendarme qui remplissait un procès verbal gonflé de fautes d'orthographes… en me traitant de menteuse.

 

Ensuite, pourquoi écrire sur mes ex ? Je me pose moi-même la question. Ce n'est ni un concours, ni une plainte, mais j'en ressens simplement le besoin, je crois. Parce qu'à mes yeux, jusqu'alors, une histoire achevée était du temps perdu à jamais, mais en fait, ce n'est pas le cas. Ce sont ces histoires qui font de nous ce que nous sommes… alors je vais creuser dans les souvenirs froids, casser ou briser la glace.

 

Il y a eu T.

Puis N.

Puis A.

Puis B.

Puis D.

Puis S.

 

(Et lui, maintenant, mais je n'écrirai rien sur cette histoire car malgré tout, elle est encore en cours...)

 

Qui j'oublie ? J'en oublie toujours un, non sans honte… et au final, je réalise, il n'y en a pas eu tant que ça, ayant trente ans… pardon, trente-et-un… mais que dire au fond ? Il y a eu celui qui m'a balancée sur un quai de gare comme une chienne en guise d'adieu, celui qui a finit dans une clinique psychiatrique après notre rupture, celui qui m'a eue à l'usure et dont j'ai rompu les fiançailles, celui qui m'a manipulée du début à la fin… Ah les hommes. Je crois que je suis fatiguée des hommes, que c'est peut-être pour cela que je vais tenter d'écrire sur eux… que j'ai tant besoin d'écrire sur eux. Cette espèce bizarre, cette espèce que les femmes ne comprendront jamais. Ces animaux étranges et si difficiles à cerner. Commençons par le commencement.

 

 

1) T. ou l'amour fou et destructeur

 

J'ai été réfractaire à toute histoire d'amour durant mon adolescence, de 1) je ne croyais pas qu'on puisse m'aimer sincèrement, non, on se moquait trop pour ça et de 2) je me voyais bien vivre libre, indépendante et célibataire plus tard, sans avoir besoin d'un homme comme toutes mes amies. Si j'avais su… oui, c'est beau de rêver. (Vu que j'ai fait tout le contraire, au final, mais là n'est pas le sujet.) C'était donc une sorte de premier amour, même si le premier, c'était à l'école primaire, en secret, caché dans un petit compartiment de mon cœur scellé.

Avec T. on s'est rencontrés sur Internet, de blogs en blogs, car à l'époque, ils étaient en pleine expansion. Mes mots lui parlaient, vraisemblablement. C'est ainsi que l'on a commencé à discuter de nos maux complémentaires et pensées similaires.

 

Petit souci, six ou sept cents kilomètres nous séparaient, et comme nous étions deux phobiques sociaux, ça n'était pas gagné, loin de là, pour se voir en chair et en os. Alors nous passions des heures au téléphone, des nuits à nous écrire des mails. Je n'avais pas vraiment de photo de lui, et cela m'était égal : le feeling était là. Sauf qu'un beau jour, j'ai décidé de prendre ma cette relation en main en achetant un billet de train. Parce qu'on idéalise souvent l'autre, quand on a une relation virtuelle. Je devais en avoir le cœur net, je devais savoir, je devais le voir. Stressé par ma venue mais heureux à l'idée de me rencontrer, nous avons donc convenu d'une date.

 

C'était la première fois que je prenais un TGV. Je ne sais pas pourquoi je note cela. Peut-être parce que je m'en souviens bien, perdue sur le quai à chercher mon wagon. J'ai même survécu aux correspondances qui habituellement me terrifient. J'étais déterminée à savoir si cet amour était réel ou resterait gravé quelque part sur la toile.

 

Lorsqu'enfin, à la tombée de la nuit, je suis arrivée, lui qui avait si peur et était venu accompagné de son cousin, a foncé vers moi comme une étoile filante. J'étais la seule maigrichonne aux longs cheveux cuivrés, tout de noir vêtue et les yeux rivés sur le sol sale de la gare. Il m'a prit par la main, et c'était une sensation nouvelle pour moi. Son cousin nous a conduit chez, je crois, un oncle qui l'hébergeait, n'ayant pas de travail. Fan de métal, il a tenté de m'instruire à ce niveau, et c'est à cause ou grâce à lui que j'adore le métal symphonique, les voix de sirènes de ces chanteuses habillées comme à l'époque victorienne, accompagnées généralement d'un orchestre symphonique…

 

Tout semblait parfait, nous avons si mes souvenirs sont bons assisté à un anniversaire, il semblait si fier d'être avec moi, ça aussi, je n'y étais pas habituée, je me sentais… importante. Et c'était une découverte fondamentale, c'était comme découvrir l'Amérique. Il me présentait à tous et à toutes comme une pierre précieuse. Il était aux petits soins, sachant que comme lui, l'anxiété sociale était un problème. Le séjour était sympa et je n'étais pas déçue. Mais il a fallu que je rentre à Lyon. Et là, les choses se sont gâtées.

 

C'est flou dans ma tête, à vrai dire. Mais je sais qu'il y a eu énormément de disputes, pour des raisons que j'ai oubliées, mises dans un casier dans un recoin de ma tête, inaccessibles même à l'instant où j'écris. Au téléphone, il m'assommait de critiques virulentes, et moi, je ne comprenais pas ce que j'avais fait de mal, alors je subissais sans rien dire, blessée. Le blog lui causait problème, trop de gens me suivaient alors, une pointe de jalousie était née, d'abord, sans un bruit. C'est face à ces disputes téléphoniques de plus en plus violentes et contradictoires, de « je t'aime à en crever » aux « je te déteste et te souhaite le pire », de « je ne peux vivre sans toi » aux « sors de ma vie » que j'ai rencontré N., numéro deux de ma liste. Sur Internet également. Il m'a délivrée de T. et de son emprise autodestructrice qui était en train de me réduire à néant, doucement mais sûrement.

 

2) N. qui préférerait (sans doute) les p'tites jeunes

 

Nous nous écrivions depuis quelques semaines, comme si, comme ça. De longs mails très cordiaux, presque poétiques, presque trop sérieux. Il avait une façon d'écrire si belle, d'ailleurs. J'aimais ses longs mails dont je sentais qu'il y avait fait beaucoup de relectures longtemps avant de cliquer sur « envoyer ». Comme beaucoup des hommes de ma vie, il voulait me sauver. Je précise : aucun d'entre eux n'y est jamais arrivé, car je pense que la seule capable de le faire, c'est moi. Mais c'était ainsi, il voulait me sortir de mes démons tenaces. A croire que les hommes aiment les filles torturées, qu'ils prennent pour de petites choses fragiles qu'il faut sauvegarder. J'en sais rien, au fond, ce n'est qu'une supposition.

 

J'ai commencé par recevoir de gros bouquets de roses rouges. Des bouquets qui, à la fois me faisaient plaisir, et me gênaient. La première fois qu'un livreur a sonné à ma porte, caché derrière les roses tant il y en avait, je lui ai signalé qu'il devait se tromper de destinataire. Mais non. C'était bien pour moi. Je ne mérite pas ça, pensais-je alors. On offre des roses aux jolies filles, amusantes, rigolotes et romantiques, pas aux suicidaires…

 

Encore une fois, cinq cent kilomètres nous séparaient. Mais un soir, ma voix inaudible au téléphone l'a alerté, alors il a prit sa voiture et quelques heures plus tard, sonnait à ma porte, tenant dans ses bras un énorme koala en peluche que, quelques années plus tard, j'ai donné à une association alors que… j'aurais rêvé lui faire sa fête. De mon côté, je ne savais où me mettre : j'avais les bras en sang alors qu'il se tenait là, juste devant moi. Il a alors posé le koala, pour désinfecter mes plaies et les couvrir de bandes pour ne pas qu'elles ne s'infectent. Je me suis laissée faire, assommée, épuisée. Personne n'avait jamais prit soin de moi comme ça. Personne.

 

De là, la passion a commencé. Il a appelé T. pour lui dire de ne plus jamais me contacter ou pire, m'insulter comme il en avait l'habitude, ce qui me réduisait en miettes, et n'était pas justifié. Moi, j'étais tellement paumée, qu'au fond… je n'y comprenais plus, et puis l'amour, les ruptures, j'y connaissais rien, je subissais alors en pensant que c'était normal. C'est alors que je suis partie en clinique psychiatrique, ayant de trop fortes tendances à l'autodestruction et abonnée aux tentatives de suicide. N. faisait la route chaque week-end, quand j'avais été sage et que j'avais obtenu une permission de sortie. Il m'apportait souvent des chocolats, dans l'espoir que je mange un peu. Que je reprenne des forces et surtout, des formes.

 

Cinéphile, il me faisait découvrir de nombreux films ou acteurs, et nous mangions toujours une glace énorme dans les salles obscures, tout comme les restaurants s'enchaînaient. J'étais gênée de ne pas pouvoir participer financièrement, mais en tant que vigneron dans le champagne, il se permettait de m'emmener dans des endroits fabuleux où je n'étais… absolument pas à l'aise, ni à ma place. Nous nous entendions tellement bien. L'amour fou, comme dans les bouquins, le sentiment d'avoir trouvé la moitié qu'il nous manquait jusqu'alors. Il parlait souvent avec les soignants de la clinique, pour connaître mon évolution, puis m'emmenait dans les meilleurs restaurants pour tenter de me faire manger ne serait-ce que trois grains de riz.

 

Un soir, il m'a apporté un pendentif en or blanc et diamants noirs, un petit cœur que, quelques années plus tard, j'ai vendu. Je ne voulais pas garder de souvenirs de cet homme, et lui ne voulait pas reprendre un bijou que j'avais porté.

C'est un matin que tout s'est écroulé, et je me demande encore pourquoi. J'avais une permission de sortie de un mois, alors j'étais partie le rejoindre. Froid, distant, ce matin là, il m'a demandé de fait mon sac. J'ai obéis. J'ai grimpé dans sa Mercédès, il m'a conduite à la gare en me demandant d'un ton sec de partir et ne jamais revenir, et de, surtout, ne jamais le recontacter. J'étais abasourdie : la veille on souriait encore autour d'un plat de nouilles sautées dans un restaurant chinois, avec des projets plein la tête. Que c'était-il passé cette nuit ?

 

Choquée, j'ai erré sur le quai. Tellement choquée que, sans réfléchir, j'ai pensé sauter sous le premier train. Après tout, cela était incompréhensible, mon cœur dégoulinait sans coaguler. Les cheveux cuivrés voletant autour de mon visage, je me suis approchée des rails alors qu'on annonçait le passage d'un train. Un vieillard m'a vue rôder, là, fantomatique et sonnée, il m'a tirée par le bras en me disant de lui parler. Mais j'étais trop perturbée pour parler. Je n'avais eu aucune explication, aucun indice, rien, pour me permettre de comprendre. Quelques semaines plus tard, il draguait une de mes jeunes amies. Elle était sous son charme. Je lui conseillais de sa méfier. A croire qu'il aimait les p'tites… jusqu'à ce qu'elles soient trop mûres. C'est ma seule réponse face à toute cette histoire. Pace que j'ai longuement cherché le « pourquoi » de ce changement brutal d'attitude. Et je crains que je n'en sache jamais rien. Donc oui, il m'a lamentablement abandonné sur ce quai de gare, comme un animal dont on ne veut plus. Une chienne qui est devenue trop envahissante. Un rat d'égout.

                                                

3) A, l'amour dévastateur                        

 

Parce qu'on ne change pas une équipe qui « gagne », j'ai rencontré A. sur Internet. Tout a été très rapide, il est venu me voir au bout de deux semaines, sous mon charme, un charme qui me laissait perplexe quand je me fixais dans le miroir : je n'y voyais rien. Je savais que mes rares amies allaient l'admirer, il représentait tout ce que les filles d'aujourd'hui aiment. (moi, je n'ai pas de « type » comme on dit, j'ai besoin de feeling, j'ai besoin d'un petit quelque chose… alors après, blond ou brun, rond ou maigre, je m'en fous, du moment que je suis bien avec la personne.) Bref, les cheveux sombres, le bronzage de l'été encore présent, musclé, intelligent, déterminé, sensible. Lorsque je lui ai fait découvrir mon studio, il s'est jeté sur moi pour m'embrasser. Je sortais d'une relation difficile, mais je me suis toujours « soignée » comme ça, en remontant à cheval tout de suite après la chute.

 

Devant faire un stage à Lyon, je lui proposais de l'héberger pour qu'il puisse l'effectuer. Mais… quelque chose en moi clochait. Je n'étais pas amoureuse. Oui, je l'aimait beaucoup, mais peut-être, avec du recul, que l'amitié aurait été préférable. Je m'en veux aujourd'hui. Mes parents l'adoraient. « Il est très amoureux de toi, en plus ! » Tout le monde était sous son charme… sauf moi. Nous sommes partis en vacances, j'aimais parler avec lui, de tout, de rien, j'aimais sa présence, son esprit, son humour, mais l'amour, et je ne m'en suis rendue compte que bien plus tard, n'était pas au rendez-vous. Je peinais tant à discerner ce que je ressentais ou non. Dès qu'un homme m'aimait, je me laissais porter par son amour. En m'oubliant moi. Du moment que l'on me considérait, alors je disais amen. J'avais et j'ai encore ce pathétique besoin d'exister dans le regard de l'autre.

Après son stage, il continuait de venir me voir. Mais j'étais en pleine autodestruction. Je ne réagissais plus. Il était si calme et patient avec moi. Mais il y eu ce soir-là. Où il a voulu me forcer à faire l'amour. Ayant été agressée sexuellement quelques temps plus tôt, mes sens se sont mis en alerte, une grosse alarme rouge s'est mise à vibrer au-dessus de ma tête, et je l'ai rejeté, une fois, deux fois, trois fois… mais il continuait d'insister, lourd, pesant, presque effrayant, à force. J'ai pris peur, bêtement, tout bêtement, comme si ça allait recommencer, comme si on allait encore se servir de moi en ignorant mon désaccord, avec violence. Mes souvenirs, de ceux dont je ne me débarrasserai jamais, m'ont fait me lever d'un bond, et je lui ai hurlé de faire son sac et de partir. J'étais hystérique, blessée par ces souvenirs glauques de ma vie. Je ne voulais pas, un point c'est tout, mais visiblement, mon refus était bien dérisoire. Je n'avais jamais réellement rompu avec quelqu'un. Mais là, c'était bel et bien une rupture, je ne voulais plus le voir, pas après ça. Il m'a fusillée du regard. « Je te demandais pas grand-chose ! T'es pas normale ! » a-t-il grogné, comme si une femme devait écarter les cuisses au bon vouloir de son homme. Je suis restée debout, je l'ai poussé dehors, j'ai refermé la porte et j'ai pleuré pendant des heures de me sentir aussi idiote. Peut-être aurais-je dû me laisser faire, ai-je pensé. J'étais perdue, qui avait raison, et qui avait tort ?

 

Ce n'est que quelques semaines plus tard que j'ai reçu une lettre incendiaire de sa maman avec qui je m'entendais, du moins à l'époque, très bien. Il était en clinique psychiatrique, n'ayant digéré notre rupture, elle m'accusait, peut-être ou sûrement avait-elle raison. Mais me forcer à coucher avec lui… non, après ce que j'avais vécu, je n'en étais pas capable. Pas avec cette agressivité, pas avec cette insistance. J'espère qu'il va mieux, tout de même, et trouvé une petite amie saine d'esprit.

 

4) B. Le manipulateur

 

Bon gré, mal gré, je suis entrée aux Beaux-arts de Lyon après avoir réussi leur concours étrange et surréaliste. (mais là est une autre histoire) Très vite, dans ma classe, un élève s'est détaché du lot pour me coller en permanence. Immense, marginal, il aurait pu me plaire s'il ne m'avait pas suivie partout. Mais je commençais à en avoir marre des hommes. Doucement en moi, les illusions s'imposaient, ou plutôt, les désillusions. J'aimais gribouiller sur des carnets en attendant les cours, toujours la première dans les salles de classe. Lui venait, et les bras sur les hanches, me déclarait qu'il rêvait de me faire l'amour sur une de ces tables. Je haussais les épaules sans lui accorder un regard.

 

Mais voilà, sans être une fille facile, j'avais alors un terrible besoin d'affection. B. me suivait partout, comme un petit chien. J'ai fini par l'inviter chez moi, pour des travaux communs, il faisait à manger parce que bon : « tu n'as que la peau sur les os et tes malaises en cours, ça commence à bien faire ! » Je mangeais alors, du bout de ma fourchette…

 

Rapidement, nous avons trouvé une sorte de deal. Je lui donnais du sexe, il me donnait de la tendresse. Gagnant-gagnant. De plus, avoir des relations sexuelles lui était un nouveau moyen de me faire du mal. Parce que je détestais chacune de ses demandes, parce qu'il me dégoûtait. Parce qu'il me fixait comme un animal dangereux. Parce qu'alors je n'étais plus qu'un objet pur et simple à ses yeux, sans âme, sans ressentiments, sans émotions. Juste un corps, au mieux, de la chair fraiche qui s'agenouille et acquiesce. La nuit, je me calais quand même contre lui, et j'avais droit à son bras autour de moi. J'avais besoin d'une affection terrible, j'étais carencée, complètement. Du reste, c'était de l'ordre de l'automatisme. Je devenais de plus en plus douée. Je ressentais un malin plaisir à le torturer, à sa demande, jusqu'à ce qu'il me supplie. Tu veux souffrir ? Tu vas voir. Tu veux du plaisir ? Rira bien qui rira le dernier ! T'es qu'un animal en manque, que veux-tu. Désolée de jouer à ton jeu malsain… mais ça me rend malade, et c'est tout ce dont je veux.

 

Et puis, la fin d'année survint. Je n'ai pas été admise en seconde année. Et B m'a regardée pleurer dans la salle commune, le sourire aux lèvres. Plutôt que de venir me consoler, il me fixait d'un air condescendant, avec ce rictus… Quelques jours plus tard, j'ai reçu une lettre. Je me souviens de certaines formulations, mais voilà ce qu'elle disait : « Je n'ai jamais vu quelqu'un pleurer autant. Ca a été facile de te manipuler, tout comme j'ai manipulé les profs, et oui, je passe en seconde année. Tu étais une élève dangereuse, je devais t'écarter du bon chemin parce que les places sont rares. On a beaucoup rit de toi à la soirée des admis, pleurer autant, on croyait que c'était juste dans les mauvais films. Je t'imagine dans ton pauvre studio, en train d'essayer de te tailler les veines avec une enveloppe. Ils ne gardent pas les faibles dans ce genre d'établissements. Bon vent ! »

 

5) D, l'indécis

 

Bon. Les Beaux-arts ne voulaient pas de moi ? Soit. Ni une, ni deux, je suis allée montrer mes travaux dans une école de graphisme, où je fus acceptée. J'allais bien finir par y arriver, non ? (si vous voulez savoir, en fait non, mais on dira que j'aurai essayé !) Et le coup de foudre fut immédiat dans la salle de classe. Un p'tit rigolo aux cheveux ondulés, avec un petit grain de beauté sous l'œil et dont l'anniversaire tombait le jour de saint Valentin. J'ai fait en sorte d'être invitée chez lui – nous venions du même coin, ça aide à discuter – pour tenter de le séduire. Et c'est devenu mon petit copain, presque sans que je ne m'en rende compte, presque par inadvertance. On aimait installer de la concurrence entre nous, pour les cours, mais c'était gentillet. Car on s'entraidait tout autant. Le soir, on mangeait des crêpes au rhum devant Dr. House.

Je crois que je l'aimais dix fois plus qu'il ne devait m'aimer. Parce qu'il parlait de son ex sans arrêt. Il était inquiet pour elle, pour un oui, pour un non. A cette époque, je n'étais pas encore jalouse et allais jusqu'à lui demander de ses nouvelles. Du reste, nous continuions à créer ensemble, à photographier ensemble, ivres de liberté créative.

 

Sauf que voilà, les histoires d'amour finissent mal. Un matin, je le retrouve en cours, il change de place. A la pause, je le retrouve : est-ce que tu vas bien ? Oh, la raison était simple, et j'aurais presque pu la deviner. Il était retourné avec elle, d'ailleurs ça fait plusieurs semaines qu'il me ment. J'ai déserté l'école sans mot dire. Je refusais de devoir passer plusieurs années à ses côtés, et la panique en cours allait grandissante. Ce soir-là, j'ai installé une petite caméra, et je me suis filmée en train de me meurtrir à coups de lame de rasoir. J'ai posté la vidéo sur le net, je ne saurais dire si c'était un appel au secours ou de la colère ou juste de la bêtise. Mais un homme est tombé dessus avant qu'elle ne soit censurée. Ce qui nous amène au chapitre six.

 

6) S, ou la technique de l'usure

 

Ambulancier, vivant à huit cent kilomètres, il m'a écrit dès qu'il a vu la vidéo. Etait-ce réel ou était-ce un fake, telle était sa question. Je lui expliquais que c'était une erreur, que je n'aurais pas du faire ça, mais que oui, pour répondre à sa question, c'était réel. Nous avons donc commencé à discuter, de tout, de rien, il essayait de comprendre comment on pouvait se faire autant de mal « quand on est si jolie ». Je lui plaisais donc beaucoup, mais je n'acceptais plus le moindre compliment, que je prenais pour de la poudre de fée illusoire, voire pour un mensonge.

 

Je lui plaisais tant qu'il a déménagé sur Lyon… pour se rapprocher de moi. Je l'ai ignoré, repoussé, il m'a poursuivie, encore, et encore. Si bien que j'ai cédé quelques mois plus tard : au point où j'en étais… Tout était encore automatique. Je le laissais me prendre dans ses bras, sans réagir, j'allais le voir, parfois, on couchait ensemble, et je rentrais, désabusée. Une chose était sûre, je ne l'aimais pas. J'en étais arrivée au stade où… l'amour, ça me faisait bien rire. Mais force d'usure, je suis bon gré, mal gré, devenu sa petite amie. Je pensais alors : autant être avec quelqu'un qui m'aime vraiment plutôt qu'avec quelqu'un qui se fiche de moi ou me fait souffrir. Il me complimentait, il me vénérait, et quand j'ai échoué dans l'école d'art, déscolarisée pour phobie scolaire, il m'a emmenée avec lui dans sa région natale, où je me suis retrouvée piégée : je n'avais rien vu venir. Certes, j'étais traitée comme une princesse, certes, il m'aimait, et quand il m'a demandé de l'épouser, comme une conne idiote, j'ai dis oui. Je m'en foutais. Oui, non, je sais pas, qu'importe… Je me surprenais à penser qu'après tout, être aimée… je ne voulais que ça. Tant pis si ce n'était pas réciproque. Je m'en foutais, je voulais juste des bras autour de mon corps écorché vif. Heureusement, nous ne nous sommes pas mariés. Car quatre ans d'aveuglement plus tard, je l'ai quitté, pour cet homme avec qui je partage actuellement ma vie. Et je crois que. Je crois que, je suis terriblement désolée pour lui, même si le dire n'aide pas dans ce genre de situation. Il m'aimait vraiment, lui. Je ne savais pas quoi lui dire, je savais que les mots seraient dérisoires. Mes parents m'ont hurlé dessus quand ils ont appris mon choix. « Tu es instable, c'est fou, c'est dingue, tu finiras toute seule ! ». Comme j'ai pleuré, paumée, perdue, lasse et résignée…. Il n'empêche, ce n'est qu'après avoir rompu que j'ai réalisé mes chaînes, que j'ai réalisé son caractère ou ses convictions inquiétantes, comme si pendant quatre ans j'étais sortie avec un inconnu. C'est assez étrange et délicat à définir, c'était à croire que j'avais passé toutes ces années aveuglée, dépossédée, dans un profond coma. Peut-on ainsi se voiler la face si longtemps ? Ne pas se rendre compte ?

 

Je n'écrirai pas la suite. Car la suite continue, douloureusement. Et donc, n'a pas lieu d'être dans ce genre de texte étrange : non mais, quelle idée d'écrire sur ses ex ?

 

J'espère tout de même qu'ils vont bien. Tous. Quoi qu'il se fut passé entre nous.

 

J'ai repris ma vie.

 

Je laisse désormais le passé au passé, les histoires aux histoires, les souvenirs aux souvenirs. De chapitres en chapitres, peut-être que je finirai par découvrir quelque chose de précieux.

Une place quelque part, aujourd'hui ou demain.

Une vraie place, dans un vrai cœur, où j'aurai enfin ma propre place.


  • J’espère que vous trouverez la paix et l’amour Que vous méritez

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    nehara

  • Quelle histoire émouvante, je suis restée scotchée à chaque mot, chaque phrase. C'est toujours la même chose, lorsqu'on aime, l'on n'est pas aimé, c'est très douloureux ; et quand c'est le contraire, l'autre s'accroche et c'est difficile de s'en défaire parce que l'on ne veut pas faire souffrir. Mais qu'y pouvons-nous ? L'amour se joue de nous tous !

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Oui, l'amour se joue de nous tous, mais... parfois, quelle plaie quand même !

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

    • Je ne vous le fait pas dire !

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • je ne comprendrai jamais comment l'homme peut se comporter de la sorte avec une femme ; j'espère que vous trouverez quelqu'un dont l'étreinte ne sera pas une crainte, et j'espère que vous trouverez le confort dans le fait d'être aimée, car vous n'imaginez même pas combien certains voudraient aimer et prendre soin d'une femme dont la vie implore la colère.
    je vous le souhaite...

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    leeman

  • nombre de manipulateurs, ou de PN en liberté !!
    soyez sur vos gardes. on n'a pas à vous mettre sur un piédestal mais guère moins non plus
    Restez vous même, et écoutez votre petite voix. Si, si, elle est bien là ... on ne sait - on ne veut - pas toujours l'entendre. Elle est notre guide bienveillant.
    commencez aujourd'hui !
    merci pour ce douloureux témoignage.

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    li-belle-lule

    • Merci à vous :)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

  • L’amour entre deux êtres est une alchimie bien étrange. Comme pour l’or, on veut y croire, mais ça ne fonctionne jamais. Le métal reste du métal et nous on reste seuls.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • Très vrai.

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

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