Houria

petisaintleu

J'ai une amie que je ne rencontrerai sans doute jamais, Houria. Elle habite à Larbâa-Nath-Irathem, la Ville-aux-lionceaux, en Petite Kabylie.

Nous nous sommes rencontrés je ne sais comment sur un tchat. Sans doute me dirait-elle que c'est la volonté du Tout Puissant, Inch Allah. Rapidement, nous avons parlé littérature et écriture. Nous nous étions promis de nous échanger des textes que nous nous étions promis d'écrire. A l'époque, je n'écrivais pas une ligne. J'avais acheté les œuvres complètes de Zola et de Balzac dans la Pléiade qui allaient m'occuper de nombreux mois.

Ce qui m'amusait alors, c'était de gentiment la mettre mal à l'aise avec mon humour gaulois. Elle n'a jamais eu à me rappeler à l'ordre. Je la respecte et je comprends nos différences de culture pour ne pas franchir la ligne rouge qui me ferait sortir de la bienséance.

Houria est institutrice. Quand je la lis, j'ai souvent honte. Elle écrit le français mieux que moi. Je ne peux alors m'empêcher de penser aux gros blaireaux frontistes qui se permettent de cracher leur haine raciste alors qu'ils sont incapables d'écrire le moindre mot sans bafouer notre langue. Ils pensent que le fils de Louis XII était Louis XIII tout en vous ventant leur supériorité sur les bicots.

Dernièrement, je lui ai envoyé mes textes. Je suis tellement en immersion dans mon travail de rédaction que je l'avais un peu oubliée. Une idée m'a traversé l'esprit J'ai le même âge qu'Houria. Il est certain que durant ces quatre décennies, nous n'avons pas eu exactement le même parcours. Le générique d'Amicalement Vôtre m'a soudainement traversé l'esprit.

Je peux très précisément dater la majorité de mes chroniques. J'aimerais alors lui proposer de me lire et de réfléchir à ce qu'elle déroule sa vie en parallèle. Cela pourrait donner un résultat intéressant, décalé et original. C'est d'autant plus intéressant qu'elle est elle-même homozygote.

Et Houria, je vais te faire une confidence. Au moment où j'écris ces lignes, je suis assis dans une rame de la ligne 13 qui me ramène Porte de Paris. En face de moi est assis un petit garçon qui me regarde écrire, les yeux écarquillés. C'est un bonhomme assurément d'origine algérienne. Je me projette alors à Fort-National, le nom de ton bled avant l'indépendance. Je t'imagine enseigner à tes petites têtes blondes aux cheveux foncés et au teint hâlé. Lui, il aura au moins une petite opportunité de s'imaginer un avenir moins sombre que tes enfants, s'il s'en donne les moyens et s'il parvient à naviguer entre les aprioris et la ségrégation larvée.

Il n'a pas eu la malchance de naître de l'autre côté au pays de votre président zombie.

Mais qui suis-je pour noircir le tableau et me calquer sur des schémas mentaux de petit nanti ? J'avoue que, quand je te lis, j'envie un peu ton quotidien, entouré de tes chères montagnes et de ta famille soudée et aimante.

Alors, est-ce bien nécessaire de rêver de gloire ? Nous ne nous verrons sans doute jamais. C'est mieux ainsi. Nous conserverons le plaisir d'échanger sans que j'ai à te parasiter avec mon caractère de chien et en conservant la pureté de notre amitié et tout le respect que je te dois à m'honorer de ta simplicité.

  • Très bon texte et très bonne idée le Paris-Kabylie :)

    · Il y a presque 11 ans ·
    Courte

    lilii

    • Merci. Si Houria apprcie, je pense qu'après le prix Goncourt, je peux viser le prix Nobel de littérature pour l'universalité de mes écrits. ;)

      · Il y a presque 11 ans ·
      Cpetitphoto

      petisaintleu

    • Moi j'y crois en tout cas :)

      · Il y a presque 11 ans ·
      Courte

      lilii

    • Moi j'y crois en tout cas :)

      · Il y a presque 11 ans ·
      Courte

      lilii

    • Je suis comme saint Thomas : je ne crois que ce que je vois !

      · Il y a presque 11 ans ·
      Cpetitphoto

      petisaintleu

    • Aha ! Et moi je suis comme Sainte Lili, je crois que ce que je ne lis !

      · Il y a presque 11 ans ·
      Courte

      lilii

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