Ici, des bateaux

Christian Lemoine

Les coques allongées gisent dans leur sommeil sans rêve, dans la macération lente de leurs désirs pour jamais frustrés, insatisfaites mais paisibles. Le voyage n'a plus cours dans leur corps alangui, les travées de mâts affalés laissent couler en pure perte les vents et les tempêtes. Ce sont des nefs privées d'autel, quand l'aura de la divinité à déserté les étraves. Au loin, dans la projection imaginaire d'une ligne de fuite, un pays fabuleux esquisse des côtes arborées, des fjords encaissés, ou encore les pistes aventureuses vers quelque Klondike aurifère. Bateaux à terre, flancs retournés, prêts à être livrés à d'obscurs phagocytes. A vos écoutes immobiles, nos rêves amarrés.

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