IKEA - That's How Strong My Love Is ...

Isabelle Revenu

J'ai dû monter ma Vie à l'envers.
Exactement comme cette penderie achetée chez Ikea il y a quelques lunes.
Un mode d'emploi traduit de l'argot indonésien et me voilà larguée, sous une nuée d'informations à la mords-moi-le-noeud.

Tout a été monté en dépit du sens commun. Sens dessous-dessus et inversément.
De quoi me donner le tournis et des hauts-le-coeur.

Quel est l'ingénieur de mes couilles qui a reporté le plan de mon existence ?
Quel est le fieffé technicien qui a permis que je perde tant de temps avant d'enfin voir pointer ton jour sous ma porte ?
Et ce traducteur de mes fesses ? Il a fait ses études où ? En pleine jungle équatoriale ? Au bled ? Ou dans une Zone à Rénover en Priorité à la poudre Arrêt Curé ?

En tout cas, je n'étais pas dans les siennes de priorités, ni dans les bonnes grâces des Archanges de Lucifer ....

Une fois de plus comme pour conserver les habitudes habituelles, je n'ai plus de prénom. Plus de formes, plus de couleurs ultimes. Plus de son non plus. Plus aucun relief. A peine un contour évanoui.

Néant

Bézef

Peau d'zob.

Ah si seulement j'avais monté ma Vie à l'endroit

comme il se doit

on aurait pu ...

Je sais, ça ne sert à rien de rabâcher toujours les mêmes choses. Ca ne donne que du mou dans la gâchette et du blues dans les quinquets.

Saleté de Vie de merde à l'envers... Comme un pensum, un mauvais karma. 

Un tube de colle à bois qui ne colle pas plus le bois que ma salive.

A quoi sert de recoller éternellement des morceaux qui n'en peuvent plus de tenir par miracle ? 

Ca ne recoud rien et ça ne résout rien ...

On peut avoir la foi mais tout de même hein, y a des limites à ne pas franchir sous peine de ridicule.

Le ridicule ne tue pas ?  C'est à voir, il a failli avoir ma peau.

Pas un outil, aucun repère et nul plan. 
Des chevilles en bois blanc dont on n'oserait même pas faire des flûtes. Des tenons à  la limite de la bonne tenue. Et des mortaises ? Foutaises !

Que du plan-plan, du monotone, du tristement équilatéral.

Du bois mal dégrossi qui ne me fait pas rire. 

Des bastaings et des bastos. 

Des lattis latents. Poncés faut voir comme ... à l'emporte-pièce. Polis à peine.

Des tracés-tracas

Et des oiseaux au ciel touchés en plein mille.

Alors tu penses bien que maintenant que j'ai trouvé un moyen de déchiffrer le vrai du faux, je ne vais pas m'arrêter à un Alpha qui ressemble à un Omega. Faut pas me prendre pour une demeurée. Ni pour une pigne diront certains...

A propos de demeure, j'aimerais rester ici pour le restant de ce qu'il me sera permis de vivre.
A regarder la marée monter
Les mouettes sur les petits étangs verdoyants
Les cormorans comme des fossoyeurs sur les hautes branches des pins

Les côtes en face se refléter dans les rayons du soleil
et marcher
marcher
marcher encore et encore dans le sable gorgé d'eau et de sel
marcher le nez au vent
les yeux fermés sur tout ce qui n'est pas toi.

Toi tu es Soleil-Phare

Mouette

Cormoran

Pin

Eau

Sel

Vent

Et Sable.

Je te regarde et je voudrais toujours te garder.

Te coller en moi avec de la vraie colle, celle qui soude. Celle qui fond les choses l'une dans l'autre. Qui les rend encore plus solidement arrimées. Jumelles. Qui les fait Une et Une Seule.

Pour le meilleur de ma Vie à venir.

A l'avenir.

Ici peut-être

Ici j'espère

Pour le temps qu'il me sera permis de rester 

en montant ma Vie à l'endroit.

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