Il fait un froid de pute
jeanmichemuche
C'est vulgaire. Oui, je sais, ça va. On est entre adultes, non?
Je vais vous parler de l'idiosyncrasie costaricaine. En gros, c'est ce que les habitants du Costa Rica, mon pays cette année, considèrent comme leur identité nationale. Dans leur comportement mais surtout dans leur langage.
Panosse, passe-moi l'Maggi et la dérupe seraient des exemples de l'idiosyncrasie suisse romande, d'où je viens, si vous voulez.
C'est pas tout à fait exact comme usage, mais c'est si fréquemment utilisé par les gens d'ici pour parler avec un mélange de fierté et de complexe des particularités de l'espagnol tico que je suis contraint de m'y référer avec ce joli mot.
Alors voilà, ici l'été arrive. Mais il est précédé par un mesquin petit front froid qui passe au-dessus de notre bout d'isthme depuis trois jours (l'Amérique centrale donc, aussi appelée méso-Amérique par les prétentieux).
Donc, il fait 20 degrés. C'est moche (accessoirement, il pleut aussi des piscines olympiques, mais ça on a l'habitude).
Du coup, c'est dans toutes les bouches ces jours : le froid. Et sur toutes les épaules aussi. J'ai vu des écharpes, des bonnets en laine et toutes sortes d'attifements plus ou moins réussis, composés par les pièces les plus chaudes de chaque armoire du pays.
Ce qui m'amène c'est la façon dont on exprime le fait qu'il fait froid, au Costa Rica. J'ai fait un sondage et je suis en mesure de vous transmettre les locutions les plus usitées. On tâchera de voir ensemble si ça dit quelque chose de ce peuple fantastique.
Attention, c'est parti ! C'est du langage populaire, mais utilisé par tout le monde. Jeunes et vieux. Respectables et moins. Inutile de vous dire que je ne me lasse pas d'entendre mes deux collègues, psychologues retraités, élégants comme tout, cravatés comme il se doit, jurer comme des charretiers parce que c'est culturel !
Au Costa Rica, c'est comme ça qu'on dit quand il fait 20 degrés
Un lugar mas frio que culo de pinguino - Un endroit plus froid que le cul d'un pingouin
Me congelo el culo – Je me congèle le cul
Que ofri – Littéralement : Quel oifre. C'est du verlan ! Comme nos laisse béton, chanmé, meuf, etc.
Que frijol – Littéralement : Quel haricot noir. Parce que frijol est proche de frio – froid.
Que pacheco – Quel Pacheco.
Aucun des ticos à qui j'ai demandé l'origine de ce terme n'a la moindre idée de la raison pour laquelle le froid peut bien se nommer Pacheco (qui n'est rien d'autre qu'un nom de famille).
En poussant les recherches, j'ai trouvé qu'il s'agit d'une légende vénézuélienne d'un homme qui vivait dans les montagnes. Ils descendait parfois au marché du village avec son âne. Quand il faisait froid au village, on s'inquiétait pour ce que devait endurer le pauvre Pacheco dans sa montagne. J'ai expliqué à mes collègues. Ils sont pas du tout contents que ce ne soit pas costaricain. J'ai dû payer les cafés.
Me estoy cagando del frio – Je fais caca de froid.
Que picha frio – Quel froid de bite
Uh mae, que frio mas hijueputa – Oh, mec, quel froid de fils de pute
Et les combinaisons :
Que frio mas hijueputa, se me esta congelando el locu – Quel froid complètement fils de pute, ça me congèle le uq (le verlan, de nouveau !)
Attention, éloignez les lecteurs les plus sensibles, voici une version longue de la conversation courante :
Me congelo el culo hijueputa traeme la hijadeperra cobija grandisimo malparido - Je me congèle le cul, fils de pute, amènes mois la fille de chienne de couverture, espèce d'immense mal accouché.
Voilà. Bon, je suis pas autrement fier d'exploser le record du texte le plus grossier de l'histoire des internets. Mais fallait que je vous dise cette particularité du langage d'ici : les mots extrêmement vulgaires qui sont dans le vocabulaire courant.
J'ai parlé de ça avec mes vieux psys. Ils disent oui, mais c'est devenu des mots usuels, ils ont perdu leur sens vulgaire. Soit. On a argumenté sur l'usage de hijueputa (dont on a déjà vu le sens) à n'importe quel propos, le fait que tant de phrases communes contiennent le mot carepicha (tête de bite) et que, dans le langage parlé, plein de gens très bien finissent toutes leurs phrases familières par huevon (gros testicule) et ils ont cédé.
Le Costa Rica d'aujourd'hui a tout hérité de son passé campagnard, paysan. Le lieux ont tous des noms d'anciens propriétaires terriens, les noms de rues n'existent pas, les gens sont complètement centrés sur leur famille et le vocabulaire grossier d'aujourd'hui est celui des rustres travailleurs de la terre d'hier. C'est leur théorie. J'en dis que c'est cohérent. Ca vous fait rire ?
Je me demande ce que disent du froid les habitants de méso …………………………potamie?
· Il y a plus de 10 ans ·nyckie-alause
Oui! Bisous!
· Il y a plus de 10 ans ·vividecateri
Génial ! Et vraiment très drôle. Surtout qu'en effet, tous ces mots sont vraiment banalisés. Appeler son ami "huevon" (couillon), c'est une belle preuve d'amitié !
· Il y a plus de 10 ans ·luz-and-melancholy
Tu as raison, je n'avais pas pensé à couillon comme traduction efficace de huevon. Mais il faut s'imaginer des hommes parler entre eux en utilisant couillon comme ponctuation. Littéralement. Plusieurs fois par phrase..
· Il y a plus de 10 ans ·jeanmichemuche