Il faut écrire

cle132

Il faut écrire, parfois. Parfois il n’y a que ça à faire. Avant je t’écrivais à toi. Là j’écris juste comme ça, pas vraiment pour quelque chose mais plutôt contre, contre le bruit de la machine à laver, qui comble nos silences. Elle en fait du bruit. Samedi matin, machine à laver. La gorge nouée sur ce samedi matin, sur ce bruit de machine qui tourne, à l’infini, inutilement. La machine qui tourne et répète que c’est ça le bonheur, c’est sensé être ça, pas plus, et si tu t’en contente pas, tu cours à la catastrophe, car la vie peux être bien pire, oh oui. Renoncer à plus, plus fort, plus mal, aimer plus, être pire, être dans l’excès, plus vite, plus mal. Accepter n’être pas plus, n’être que ça. Ne pas vouloir plus, ne pas vouloir casser ce maigre équilibre, car c’était pire finalement avant, tu te rappelles ? Est-ce que c’était vraiment pire ? La machine à laver tourne, de plus en plus vite, s’emballe. Il faudrait qu’elle explose vraiment, qu’elle aille au bout de sa révolte, mais non, il y a comme une frustration, elle va loin pourtant, elle va vite, elle y est presque, encore un peu et elle y serait, mais non, déjà son rythme se fait plus régulier, et ça y est, elle ralentit, la crise est passée. Non pas passée, elle y a renoncé, elle baisse les bras, à quoi bon. Et tu finiras par reparler, un mot qui t’échappera, une banalité qui mettra fin à ce silence. Il faudrait que ce soit toi car je crois que je ne pourrais pas. Tu passes dans le couloir sans me regarder, en faisant bien attention de ne pas me regarder. Ce ne sera pas pour tout de suite. Mais il y a bien un moment où on sera obligé. Tu sors l’aspirateur. Faire le plus de bruit, s’agiter, faire comme si c’était normal tout ça, ce samedi matin, ce silence. Tu ne dis rien, tu continue à ne rien dire, et finalement c’est moi qui craque. Il fallait bien, et si ça allait durer toujours ce silence ? Et si la machine explosait vraiment ? Il fallait bien alors je t’ai proposé de passer l’aspirateur dans le salon. Non, ça va, tu m’as dit. Et le silence est retombé. Peut être moins chargé que tout à l’heure, peut être moins vide de nous. Peut être qu’il te sera plus facile après d’enchainer sur quelque chose, de parler du déjeuner. Parce que tu sais, tout ça, nos samedis matins et le reste, ce n’est déjà pas si mal non ?    

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