Il me dit...

rivale

Il me dit : nous allons à Bali. Si loin, me dis-je ? Je flippe à l’idée d’aller au bout du monde, moi qui aime tant rester tapie chez moi. Mais que ne ferais-je pour lui.

Je le laisse tout organiser. Nous partons comme prévu. Je le suis, sachant qu’il s’occupera de tout et me protègera.

Nous sommes à l’aéroport. C’est parti pour une destination lointaine. Mon pantalon beige de voyageuse, me voici installée dans l’avion pour de longues heures. J’ai un livre avec moi dans lequel je vais me plonger pendant tout le voyage. 13 heures de vol, avant une escale à Singapour pour la destination finale, Denpasar. Nous ne dormons pas, ni lui, ni moi. Nous ne nous parlons pas, il regarde des films et moi, je reste dans mon livre. Suis-je curieuse de la découverte ? Oui, car c’est un défi pour moi.

 L’escale à Singapour est courte. J’aperçois un espace fumeur et reviens aussitôt car c’est irrespirable.  Nous réembarquons. Je n’ai pas dormi de tout le vol. Lui non plus.

 Nous arrivons à Ubud où il a réservé chez l’habitant : une Allemande, mariée à un Balinais, prêtre bouddhiste et dragueur. Il peint des croûtes. L’endroit est superbe mais le bungalow où nous sommes logés n’a pas de mur. Une moustiquaire surplombe notre lit. Je ne dors toujours pas cette nuit car je suis sous l’effet de l’excitation et je passe mon temps à écouter le chant des crapauds. Puis mon horloge intérieure se remet en marche. Au petit déjeuner, un homme me sert des bananes en morceaux sur des toasts. Je me régale. Je l’aime.

 Il a réservé un chauffeur qui vient nous prendre tous les jours à huit heures du matin. Wayan parle anglais : il est fiable et adorable, des offrandes quotidiennes garnissent son rétroviseur. Pendant la nuit, un ami de Maman avait appelé notre logeuse, inquiet car la zone était frappée d’un tsunami. Nous sommes en décembre 2004.

 Je le nargue en lui disant : « quoi, tu ne sais pas ce que c’est qu’un tsunami ? Moi, je le sais depuis l’école : c’est un raz-de-marée en Asie ».  Nous  ne nous sentons nullement menacés. Puis nous regardons le bilan sur internet : 3000 victimes. Autant que pour  le 11 septembre. Tandis que les milliers s’accumulent, nous poursuivons notre périple pour aller à Pemutaran au nord de l’île où il fera de la plongée cependant que je l’accompagnerai. 

Un autre bungalow nous attend. Tous les matins, nous prenons le bateau pour sa séance de plongée. Nous pique-niquons à bord. Je nage autour de l’embarcation avec masque et tuba et je découvre le vertige des profondeurs. Une belle Chinoise caucasienne a peur de l’eau. Je l’incite à braver sa peur. En vain. Pour ma part, je me régale. Quoi, je suis en train de nager dans l’Océan indien ! Grisée par cet exploit, je ne sens pas le soleil qui darde ses rayons sur ma peau. J’ai pris un énorme coup de soleil. Je ne me crème jamais. Le lendemain et le surlendemain, je reste dans le bungalow, à l’ombre, où je passe mon temps à me faire des autoportraits. Comme j’ai une bonne peau, je rejoins la compagnie, avec un t-shirt cette fois.

 Pas de Français à bord. Des Allemands, des Hollandais, des Américains, un couple d’ex-Rhodésiens qui n’ont jamais mis les pieds en Europe. Quant à moi, je suis avec lui. Et ça me suffit. Et ça me ravit.

 Dix jours sont passés. En Europe, des images effrayantes du tsunami sont passées à la télévision. Pour notre part, nous n’avions ni télé, ni radio.  Et en fin de compte, Bali n’était pas dans l’épicentre.

 Le retour est dur : j’appréhende ce long vol.  Pas de livre cette fois-ci. Je passerai mon temps à compter les minutes.  Heureuse de ce voyage, heureuse d’être de retour au bercail.

On ne cherche jamais assez loin le plaisir de rentrer chez soi.

Signaler ce texte