Il y a des pigeons sur le toit

petitepepite

Place de la Mairie, juste en face de l'Opéra

 

Franchement j'aurais pu rester des heures sur ce banc, avec elle. Des heures à parler de tout, de n'importe quoi, du lycée et de la fac, de ce garçon et aussi du rosé siroté en plein cagnard. Et aussi de la fois où Julie nous avait gonflées à mon anniversaire. Vu comme ça, ça semble être un après-midi banal entre deux copines.

Et pourtant, c'est bien plus que ça.

On a ri, on a aspergé des enfants, on est restées debout sur des bancs à fixer les gens, qui marchaient à toute vitesse, on a fait peur à des grand-mères, on a traversé les époques. On a même vu des pigeons. Je projetai mon mégot de cigarette quelques mètres plus loin quand elle s'est exclamée : « Il y a des pigeons sur le toit ». Ah oui. Ils devaient bien rire ces pigeons en nous regardant parler pendant des heures,  gonfler nos joues comme des hamsters et escalader le petit banc juste devant la mairie. Moi je me moque tout le temps de ces oiseaux, je leur donne des coups de pieds, je ris de leur démarche ridicule. Mais là c'est moi qui étais ridicule. Non, pardon. J'étais heureuse.

J'avais retrouvé cette fille bizarre, qui avait débarqué dans ma vie 4 ans plus tôt. Une nana aux yeux bleus, avec une démarche rapide et des cheveux qui ondulent comme des vagues. Avec elle, l'absurdité n'existe pas, l'ennui est banni de notre vocabulaire. Parler avec elle, c'est parler de la soupe et des blaireaux, et des gens qui peignent sur des guitares. Parler avec elle, c'est entrer dans un monde exotique, fait de joie, de fous rires, où les limites se repoussent à chaque fois un peu plus. Notre amitié est unique, comme cet après-midi.

« Les pigeons sur le toit, ils sont partis. »

« Ah non. »

Signaler ce texte