Illusion débile

petitepepite

 Je me sens seule. Seule dans ce trou à rat, où je brasse les souvenirs, à force de vider des boîtes, d'ouvrir des vieux journaux intimes. Toute mon enfance me frappe en plein visage : j'ai tout vécu, et pourtant j'ai loupé beaucoup de choses. J'entasse des papiers, des bibelots pour me rappeler une enfance, une vie, des souvenirs. Le passé se résume à des poupées, des tickets de métro usés de Moscou ou Tokyo, des photos abîmées et des cahiers à peine terminés. 

J'ai au fond de ma gorge des journées fades, à attendre que les crises se terminent. Des souvenirs délavés, ternis par l'angoisse et la maladie. Des jours gris et des jours de pluie. Des minutes interminables, à trois, cinq, huit ans, assise dans l'escalier, la main agrippée à celle de ma sœur. 

Des départs et des séparations. Des promesses qui ne tiennent pas, des oublis et des vides qui s'installent entre les personnes. Parce que nous évoluons, chacun de notre côté. Sans faire plus vraiment attention à l'autre. On grandit loin les uns des autres, et la distance laisse des marques. Plus ou moins importantes.

Je repense à cela accroupie au milieu d'une dizaine de boîtes, au milieu d'une vingtaine de cahiers. Dedans des textes inachevés, des confessions idiotes et une écriture ébranlée. 

Tout me revient : ma main tremblante, au milieu de ces pages, essayant de réunir en quelques lignes les moqueries au collège, les disputes à répétition avec ma mère, les insultes dans les couloirs du bahut, les rendez-vous ennuyeux chez la psychologue. 


Au milieu de ce capharnaüm, j'ai l'illusion débile qu'en jetant toutes ces choses entassées, ce sont des mauvais souvenirs qui s'envoleront. Mais détrompe-toi petite pépite, les cicatrices, elles marquent l'esprit à vie. 

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