Insomnie

Christian Lemoine

Le geste répété, ce geste qu'elle faisait. Dans l'obscurité de la chambre, aimante et douce, elle languissait de la vie de l'homme couché près d'elle, sous le drap complice qui se tramait pour eux en une unique enveloppe. Elle tendait la main. Elle lui saisissait la hanche, paume exigeante appuyée en étau contre la crête iliaque, cette rive émouvante affleurant sous la peau. Qu'il se tournât vers elle. Qu'il la prît entre ses bras. Dès lors, ils se mesuraient peau à peau, corps à corps, pore à pore. Chaque parcelle de l'un vers l'autre inventant les synapses par où s'amalgamaient les cellules de leur union. Et quelle union ! Deux sommeils épaulés, deux rêves entrelacés, fusion des songes absolus en un précipité délicieux. Leurs épidermes épousés omettaient le trivial en une assomption de pensées platoniques. Puis, un mouvement du bassin, un étirement de la jambe, émergence nébuleuse d'un bref retour à la conscience : elle arrondissait son dos pour mieux s'accorder à son torse. Dans un soupir d'enfant, elle berçait tout son être abandonné sur une mélodie susurrée, languide, une mélopée lente à son oreille scandant les doux rythmes nocturnes. Il murmurait pour elle. Ce geste répété, revenant à présent en brûlure de gel, entre les bras de cet autre qui méconnaît les hymnes fondateurs.
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