Intense

Charles Deinausard

Extrait du carnet des ciels d'été.

Amie, j'ai jeté pour toi une poignée d'écailles dans le crépuscule. Des écailles comme des canines, des écailles comme des crocs. Le fond du ciel ressemblait au madère, les cheveux sur mes épaules à ceux de la madone. Le soir était frais comme l'aurore et les mots légers dansaient sur le silence. Sous le ciel qui s'emplissait de vagues comme une marée montante se montrait en parade le musée de la vie.

Il y avait les enfants que la violence n'épargne et le désargenté que l'épargne tourmente. Il y avait la sœur qui se plait de ruades et celle qui se plaint de romance. Dans le fer chaud du jour en partance, entre le marteau du ciel et l'enclume de la nuit, devant ce cercle si rouge qu'il frôlât l'indécence, se réunissaient là tous ceux qui n'avaient fui.

Autour de la table ronde, pareille à son vin, on riait le cœur gras pour ne pas que l'on gronde. On parlait des absents avec tant de distance que le bon ami devenait l'étranger. Il y avait celui qui se plait de vacance avec l'amante à son bras accrochée. Il y avait l'ours blond aux yeux mouillés et celle qui se rêve à ne plus rien penser.

On s'aimait fort et haut et avec violence, l'enfant sur mes épaules était plus grand que tout. Il avait dans la bouche l'innocence de la guerre qui décrit ses horreurs sans mourir de chagrin.

Je me sentais comme un rocher qui affleure, cerné par le mouvant, le cœur ancré dans le serein, le corps serré dans le souffrant.

Tu t'appuyais sur moi sans me faire te porter.

Tes cheveux sentaient chaud,

La vie était intense.

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