Irezumi (6)

christinej

Je suis allongé sur le sol. Maitre Hori, a suspendu son geste.

Je sens son regard intense parcourir mon dos, mes épaules et le haut de mes bras, de temps en temps sa main vient effleurer un détail. Il joue encore avec son aiguille, affine un trait, ravive une couleur, ajoute une ligne.

Sa main reste immobile mais fébrile, comme prête a attaquer de nouveau ma peau.

Il pose ses instruments, retire ses gants et se lève.

Je suis toujours face contre terre a attendre sa décision. Cela fait plus de 2 ans que je viens chaque semaine. Mes économies sont parties en fumée. J’ai enduré une douleur que je n’avais jamais imaginé possible.

Son œuvre est-elle achevée?

Les minutes passent et c’est toujours le silence, je voudrais me lever, lui parler, mais je sais combien il déteste ca, briser le silence sans sa permission. Il doit être le premier a parler, le premier a bouger. Je dois suivre et obéir.

Alors j’attends avec toute la patience que j’ai accumulé pendant toutes ses séances.

“tu peux t’assoir, petit.”

Je m’exécute.

“il reste un dernier chapitre a ton histoire, petit.”

Je le regarde, presque suppliant de ne pas me demander ca. Mais je sais que n’ai pas le choix, je me suis engagé sur cette voie et je dois continuer, pour elle.

“ bon….nous étions heureux, comme je le disais. Les jours défilaient et mon amour pour elle ne faisait que grandir. Elle était devenu tout pour moi, et j’aimais a croire que j’étais tout pour elle. J’avais oublier ma peine et mon crime. Je m’étais mis en tête, je crois, que cela n’avait plus d’importance, que tout ce qui comptait, c’était ce que j’avais maintenant, avec elle. Je n’avais rien retenu de la leçon que la vie m’avait donné. J’allais l’apprendre de nouveau et de façon brutale.

C’Était une journée comme les autres, son sourire éclairant ma journée, sa main caressant ma joue, son cœur battant en harmonie avec le mien. C’est peut être ridicule de dire ca comme ca, mais je le vivais ainsi.

Il y avait toujours une sorte de compétition amusée et amusante entre nous, surtout pour faire la cuisine. Le seul domaine vraiment ou je pouvais avoir une chance de la battre. Nous avions prévu de cuisiner un Katsu Don, un bol de riz au porc. Tout les ingrédients étaient la sauf le saké pour la sauce. Il fallait descendre au magasin au bas de la rue et je savais qu’elle n’aimerait pas ca, même si il ne faut que 5 minutes pour s‘y rendre. Elle n’était plus en tenue pour sortir et surtout elle s’était démaquillée. Pour la taquiner je lui ai dit que ce n’était pas grave si pour une fois elle sortait “au naturel, sans artifice”. On a commencé a se chamailler comme des gamins, mais je voyais bien que je l’avais vexé et cela m’amusait. Alors, stupidement, j’en ai rajouté, je lui ai dit qu’elle était en fait une poule mouillée incapable de montrer au monde son vrai visage. Elle a pris la mouche. Ses yeux sont devenus de fines lignes noires, sa bouche s’est pincée, ses muscles se sont crispés. Elle s’est alors levée d’un bond et elle est sortie en claquant violement la porte. Je l’entends encore aujourd’hui, vous savez, cette porte qui claque, qui happe avec elle le reste de ma vie. Qui clôture mon bonheur, qui me sépare a jamais de la moitie la plus importante de mon être.

Une heure était passée et elle n’était toujours pas revenue. Je commençais a me dire que son petit jeu avait assez duré, ou peut être que c’était moi qui avait été un peu fort avec elle. Ce qui n’était qu’un jeu, qu’une gaminerie, un enfantillage, allait tourné au drame. La petite épicerie au bas de ma rue avait été attaqué par une bandes de jeunes complètement défoncés. Ils ont tout saccagés, le magasin comme ceux qui se trouvaient dedans, ainsi que les passants dans la rue. Mon téléphone sonna, il y avait une voix me parlait mais je n’ai retenu que hôpital, grièvement blessée…

Je suis parti en pyjama et chaussons aux pieds, courant comme un dément dans les rues jusqu’à l’hôpital. Il y régnait une cohue, une tension presque palpable. Des brancards dans tout les sens, les gens recouverts de sang, d’autres pleurants, d’autres encore assis ahuris le regard fixant un point visible que par eux. Je la cherchais, désespérément dans chaque recoin, sur chaque lit. Et je l’ai vu, immobile, si pale. Du sang séché sur ses joues, sur son front. Des taches rouges sur ses vêtements, sur ses mains. Tout mon être hurlait, priait pour que ce sang ne soit pas le sien. J’écartais doucement quelques mèches de ses cheveux de son visage et sa peau était si froide. “ c’est toi?” “oui je suis la, mon amour. Attends je vais chercher un docteur.” “ non ne me laisse pas.”.

Elle s’est agrippée a moi, ses mains se sont refermées sur les miennes. Il y avait du désespoir, de la peur dans ce geste. Elles étaient si glacées. Je suis resté près d’elle, lui parlant de choses idiotes, de souvenirs heureux que l’on avait partagés. Elle m’écoutait un léger sourire aux lèvres. “ la prochaine fois c’est toi qui t’y colle…” ont été ses derniers mots. Elle s’est éteinte dans mes bras. Je pleurais sur celle que j’aimais et que j’aimerai pour le reste de mon existence. Je voulais crier, hurler, mais ma gorge restait vide, l’impuissance l’avait envahi. J’avais été impuissant a sauver ma sœur, impuissant a protéger mon amour. Même mes cris n’avaient aucune résonnance. Apres les lamentations, la rage. Celle de les faire payer, quitte a en mourir. Car si elle ne peut pas vivre de quel droit ces ordures en auraient elles le droit. Je n’ai pas eut a les chercher bien longtemps. Ils étaient dans le même hôpital. Deux étaient déjà morts et un troisième avec de légères blessures se trouvait juste a cote. Je me suis faufilé dans sa chambre, cela n’avait pas été difficile avec le désordre qui régnait dehors, les policiers étaient tous débordés. Je me tenait au-dessus de son lit. Je regardais son meurtrier, qui dormait paisiblement. J’allais mettre fin a sa vie quand sa main s’est a nouveau posée sur mon épaule, retenant mon geste. J’ai ressenti tout son amour, sa compassion. Son cœur a pris la place du mien pour quelques instants. Je l’entendais qui me criait de ne pas faire ca, d’avoir pitié. Pour elle, pour sa mémoire, pour tout l’amour que j’ai jamais eut pour elle, de ne pas me venger. D’accepter, de maudire, de crier, d’être triste oui, mais surtout ne pas commettre l’irréparable une nouvelle fois.

Je l’ai écouté et je suis sorti. Je suis retourné auprès d’elle.

Apres son enterrement, je ressemblais plus a un fantôme ou une épave qu’a un être humain. J’ai erré dans notre appartement pendant des semaines. Passant mes jours a regretter de ne pas l’avoir tue a d’autres de me féliciter d’être resté comme elle voulait que je sois.

Un jour en rangeant l’appartement je suis tombé sur un livre racontant l’histoire du vagabond et de la jeune fille au bol de riz. Je l’ai relu, et cette fois j’ai su ce qu’il avait décidé de faire. Pour la première fois depuis des semaines je me sentais soulagé, un poids énorme venait d’être retiré des mes épaules. J’ai liquidé tout mes biens et je suis parti a votre recherche. La suite vous la connaissez, je pense.”

Encore ce silence, qui s’accroche, qui s’enracine dans cette pièce.

Maitre Hori me regarde, dans ses yeux il n’y a pas de reproche, pas de jugement. Il a le regard d’un homme qui sait ce qui va arriver.

“prenons une tasse de thé, petit.”

 

 

  • moi j'ai j'aime bien cette fin ... en harmonie avec le reste

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Img 5684

    woody

  • merci Stef c'est tres gentil. je crois que je suis trop novice et trop imparfaite pour penser etre publiee.
    pour ce que tu n'as pas compris c'est l'esprit d'Hatsune qui le touche et tout son amour. c'est son Coeur a elle qu'il ressent. oui c'est peut etre un peu confus dans le texte dsl

    · Il y a plus de 11 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • merci a vous 2.
    il reste un dernier chapitre, c'est juste que la fin que j'ai deja ecrite ne me plait pas alors patience.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • Il reste un dernier chapitre ? Moi je l'aime bien comme ça, cette fin suspendue sur la tasse de thé. Une belle histoire, pleine de douleur et de poésie.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Logo bord liques petit 195

    octobell

  • Mon dieu, quelle histoire ! Tu y mets tant de douleur... La loi des séries, encore ! On en sait plus sur son désespoir et sa décision de suivre Maître Hori. Il reste un dernier chapitre... A quand Christine ?

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

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