J'ai faim

blanche-dubois

D’après l' histoire vraie d'une québecoise qui séduisait les hommes afin de manger dans les restaurants gastronomiques

J'ai faim. La chose la plus primaire et fondamentale qui soit à satisfaire. Je me suis fait un resto hier avec un type rencontré sur Meetic ou quelque chose d'équivalent. J'ai dévoré les noix de Saint-Jacques au porto blanc comme une ogresse mais sans conte, sans château, sans victuailles...Voilà à quoi j'en étais réduit. Pour couronner le tout, quand j'ai dit au type que j'étais une princesse certes déshéritée mais une vraie princesse (ce qui est totalement faux), qu'il pouvait s'estimer heureux voire flatté d'avoir mangé avec quelqu'un comme moi, qu'il ne pourra plus jamais nourrir une autre femme aussi belle que moi, et que son repas n'était pas monnayable en quoi que ce soit, c'est à dire sans aucune faveur sexuelle, il se fâcha. C'est toujours le grand danger de ce type d'entourloupe : séduire, manger et se barrer aussitôt sans avoir eu les fesses pincées après le repas. J'ai fait sonné le portable et je lui ai balancé nerveusement que mon copain allait arriver et lui défoncer la gueule, qu'il ne pourra plus avaler la moindre purée d'ici trois mois. Ok? Ok... On dit quoi ? Merci pour les saint Jacques et tchao! Il m'a regardé et s'est levé pour me rattraper mais mon nez altier l'a plaqué contre le mur et fait détourner la tête.

Serais je bouffomane ou bouffonne ? Non, je n'ai plus un rond : à peine de quoi payer mon loyer et les quelques charges de la vie si courante car virée d'un boulot ou je n'étais pas assez rentable, productive, bancable. Bref, bonne à rejoindre cette innombrable main d'oeuvre infructueuse qui ne peut plus courir en tête, avec quelque chose en moins, dégradant par ailleurs toute possibilité d'un quelconque bénéfice pour la PME. Bref un résidu d'une mauvaise digestion sectorielle ou financière. La vie un long fleuve tranquille? Non une escalade brève dont on peut tomber bien bas. L'argent ne coule pas à flot pour la laborieuse que je suis. Ni le champagne. Pôle emploi m'a fait savoir que j'étais radiée. Ok? Ok...Tchao. Retour donc à la case départ, trouver un autre mec pour se refaire un resto etc. Ça passe ou ça casse. J'ai réfléchi hier à être escort girl...de l'argent facile. Je ne pense qu'à cela. Je n'aurais plus qu'à le recueillir à pleines mains. L'argent et le sexe ne font qu'un ensemble car le sexe est éternel, rapide, immédiat. Cela rentre par la bouche, il n'y a plus qu'à avaler. L'argent suit. Le sexe, c'est la femme, l'argent, l'homme : un couple infernal.

Pour manger il faut bosser mais les boulots de femmes humiliées à longueur de journée par un responsable au QI limité: non merci.

Subir l'hypocrisie de bureau sur 35 heures: un parfum d'ambiance bien répandue. Je ne peux plus, j'en suffoque. Qu'est ce donc ? Un renoncement à sa vraie vie : ma vie c'est manger pour rester en vie

Je pourrais avoir un statut de princesse car on m'appelait comme ça à la fac. Les mecs faisaient des courbettes quand je me promenais dans les couloirs et le baise main était de rigueur sinon rien. Mais j'étais dans une fac de minables et donc hors de vue un quelconque prince. Tout cela pour atterrir devant un crapaud dans l'expectative de se trouver devant une demi-mondaine, une pseudo altesse avalant sans aucune bonne manière le fin du fin. J'ai toujours aussi faim, moi la cigale.

  • L'idée de départ est géniale, cette femme qui appâte les hommes pour un repas. Elle et sa soif de revanche, son plaisir de décevoir les gogos qui fonctionnent selon la logique du " qui paye, baise." La fin arrive trop vite, malgré tout, j'en attendais plus. Écrivez la suite, bordel ! Merci pour cette lecture inspirante. :)

    · Il y a presque 7 ans ·
    Poule 2

    Giorgio Buitoni

    • merci pour le commentaire tres tardif. Oui il y a une suite ...à inventer !

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      blanche-dubois

  • Mon comm sera sérieux: Voilà un récit triste et qui dépeint le Mâle sous un pénible aspect de prédateur utilisant le resto gastronomique comme piège à désargentées sans illusions.
    Piège qui me fait aussi mal et honte, en tant qu'homme, que le loyer payé en faveurs sexuelles par la désargentée. J'ai encore plein de rêves et un entre autres;; un repas aussi sympa que vraiment gastronomique sans tape-à-l'oeil avec une dame/demoiselle à qui j'aurai, auparavant, bien fait comprendre que point ne demanderai de faveurs, qu'elle n'aura pas besoin de s'enfuir au dessert, et qu'un joli sourire de sa part et de la mienne suffira comme chouette et romantique conclusion
    .Voilou, c'est tout et c'est sincère.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Tout à fait d'accord avec toi Astrov. C'est cynique mais pas tres loin de certaines réalités. Ce n'est pas la mienne heureusement ! Mais il est vrai que je ne fais pas toujours dans la dentelle parfois

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      blanche-dubois

  • Elle attire comme un aimant cette cigale, elle va nous surprendre encore ? Il y a une suite?

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

    • Il y a une suite mais je pense en faire une autre plus simple

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      blanche-dubois

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