J’attends Mylène

Dans une chambre d'hôpital.

-         Oui, vous avez sonné ?

-         Excusez-moi, j'ai dû me tromper de bouton. Je voulais juste un peu de lumière et vous êtes apparue.

-         Je suis un rai de lumière ?

-         Non, vous êtes un soleil !

Et le soleil se fendit d'un sourire à faire pâlir le Roi et l'astre.

-         Je m'appelle Mylène.

-         Moi, c'est Marcel, mais je ne m'appelle pas, ce sont surtout les autres qui m'appellent ainsi en général.

Nouveau sourire, ponctué d'un petit rire de gorge intime. C'est quand même chiant d'être vieux et malade et de ressentir tout comme si rien n'en était. La vie est une drôle d'histoire, nous avons tous la nôtre, pourtant toutes se ressemblent. Elles sont sœurs de sang et de larmes entrecoupées de petits bonheurs éphémères et de joies fugaces.

Et puis, rarement, très rarement dans une vie, il y a l'Amour ! Celui qui bouscule tout, tapis, meubles, bâtiments, système solaire, galaxies et l'univers en son entier par ricochet. Un séisme intérieur d'une magnitude incommensurable.

Mais revenons à nos moutons.

-         Vous avez pris votre petit-déjeuner ?

-         Petit en effet. Une biscotte et une tasse de café.

-         Je vous amènerai une choucroute garnie, tout à l'heure.

-         Avec plaisir et un blanc sec, c'est possible ?

-         Bien sûr, avec la choucroute, ça va de soi !

-         J'aime bien discuter avec vous, on ne se connait pas et l'on parle déjà de gastronomie.

-         Bientôt du choix du prénom de nos enfants.

-         Attendez, je ne suis pas un homme facile.

-         Je l'espère bien, pour m'avoir choisie.

Je l'adore, cette infirmière. Elle plaisante en toute innocence, mais sait-elle seulement que ces paroles légères ne sont pas inoffensives, chez une personne diminuée ? Heureusement, j'arrive encore à mesurer le gouffre qu'il existe entre le badinage et les désirs.

Je suis usé jusqu'à la corde, je n'aspire qu'à partir, je n'attends plus rien ici-bas et pourtant j'ai encore peur. Peur de rien, peur de tout.

Un bruit trop fort me fait sursauter. Un bruit trop faible, mal identifié me rend anxieux. C'est quand même con, l'esprit reptilien ! Vivre ! Vivre ! Toujours vivre, même sans aucune conscience d'existence, alors les raisons ou le sens à cela deviennent bien dérisoires. Vivre coûte que coûte, pour la pérennité de l'espèce et après ça, on dit que la nature est bien faite, mais bien faite pour qui ?

Bon, j'arrête là, c'était juste pour essayer, ça marche encore un peu, mais c'est surtout très chiant. De toute façon, moi, je m'en fous, moi « J'attends Mylène ». ((Titre d'une chanson de Mickey 3D, j'ai essayé de vous la mettre (en tout bien tout honneur) en lien, pas réussi !))